A Lausanne, l’opéra prêt pour un nouveau départ
Après dix-neuf ans de règne, Eric Vigié passe les clés de la maison lyrique lausannoise. Son nouveau directeur, Claude Cortese, présentait hier sa première saison. Une programmation qui a fière allure
Cela tient du tour de force, mais Claude Cortese l’a fait. Construire la saison de sa nouvelle maison lyrique en six petits mois. Hier, dans les salons Bailly de l’Opéra de Lausanne, le nouveau directeur – nommé à l’unanimité par le jury et le conseil de fondation – semblait ému mais à l’aise dans ses nouvelles fonctions.
Ancien directeur de la production artistique à l’Opéra du Rhin sous Alain Perroux, Claude Cortese a d’abord roulé sa bosse en tant qu’assistant à la mise en scène dans de prestigieuses institutions telles que le Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence ou le Théâtre du Châtelet à Paris, avant de s’investir en tant qu’administrateur artistique à l’Opéra d’Angers, puis à l’Opéra de Nancy. Ainsi, le fond du métier, il le connaît, et sa saison s’en ressent. Le panache artistique qu’il a réussi à insuffler pour 2024-2025, tant au niveau du renouvellement des titres lyriques que des metteurs en scène et chanteurs invités, promet des réjouissances musicales absolues. On s’emballe? Jugez plutôt.
Francesca Caccini, première compositrice de l’histoire
L’ouverture de saison se fera avec le grand opéra à la française de Rossini, Guillaume Tell, jusqu’alors jamais donné dans la maison lausannoise. En novembre, on aura la chance de pouvoir entendre l’opéra en version concert de Francesca Caccini. Considérée comme la première oeuvre écrite par une compositrice en 1625, elle sera portée par le fringant ensemble I Gemelli, du ténor genevois Emiliano Gonzalez Toro, avec un casting de très haut vol.
Si Claude Cortese a épousé le cadre de son prédécesseur (six productions lyriques, une production jeune public et la production nomade biannuelle de la route lyrique) cette année, il n’y aura pas d’opérette pour les fêtes de fin d’année, joliment remplacée par l’oeuvre fantasque de Benjamin Britten Le Songe d’une nuit d’été dans une mise en scène de Laurent Pelly.
Parmi les pépites de la saison, notons une production jeune public Petite Balade aux enfers imaginée par la géniale metteuse en scène Valérie Lesort et portée par trois jeunes chanteuses de l’HEMU. L’opéra buffa de Donizetti Don Pasquale fera son retour sur la scène après vingt ans d’absence dans une version du metteur en scène britannique Tim Sheader. Pour terminer cette première saison en apothéose, le tube planétaire de Bizet, Carmen, sera présenté dans la version de Jean-François Sivadier, l’un des metteurs en scène les plus intéressants de ces dernières années.
Mise en lumière de la scène régionale
La scène suisse sera particulièrement mise en lumière avec de jeunes chanteurs que l’on suit depuis un moment comme le ténor Jean Miannay, mais cette nouvelle saison signera aussi le retour d’artistes repérés dès leurs débuts (Céline Soudain, Pauline Sabatier, Remy Burnens) ainsi que de la mezzo-soprano Antoinette Dennefeld, formée à la Haute Ecole de musique (HEMU) et découverte sur la scène de l’Opéra de Lausanne. Voguant depuis dix ans sur les plus grandes scènes européennes, elle incarnera la bohémienne cigarière.
Deux invitations de très haut niveau estampillent aussi cette nouvelle saison: un récital de la soprano colorature française Sabine Devieilhe, et un concert de l’excellentissime ensemble Pygmalion dirigé par Raphaël Pichon pour Pâques, avec la Passion selon saint Jean de Bach. Une première en Suisse pour cet ensemble que les plus grandes maisons s’arrachent.
Claude Cortese a également réussi à tisser de nouveaux partenariats en quelques mois, notamment avec la Cinémathèque suisse. Plusieurs événements insolites y seront proposés comme la projection du film d’Emil Harder Les Origines de la Confédération, en lien avec la production de Guillaume Tell et deux cartes blanches proposées aux metteurs en scène Laurent Pelly et Jean-François Sivadier pour présenter chacun un film en lien avec l’oeuvre lyrique à l’affiche. ■
Le panache artistique que Claude Cortese a réussi à insuffler pour 2024-2025 promet des réjouissances musicales absolues