En 2023, les incidents racistes ont progressé
Les cas recensés par les centres de conseil ont augmenté d’environ 24% par rapport à l’année précédente. La guerre au Proche-Orient mais aussi certaines campagnes politiques ont favorisé cette forte hausse
De la chanson raciste en classe, en passant par l'insulte antisémite dans la cour de récréation et jusqu'à l'agression physique en pleine rue… La Commission fédérale contre le racisme (CFR) a publié hier, en collaboration avec l'association Humanrights. ch, son rapport des incidents racistes dans le pays en 2023. Le réseau des centres de conseil compétents a ainsi enregistré 876 cas de discriminations sur l'année écoulée, soit 168 de plus qu'en 2022. «Ce sont des chiffres importants, qui doivent être considérés et placés dans un contexte plus large», tempère l'ancienne conseillère nationale socialiste Ursula Schneider Schüttel, fraîchement nommée à la tête de la commission extraparlementaire.
«Les chiffres sont en augmentation chaque année et cela signifie aussi que la sensibilisation fonctionne, et que les gens savent à qui s'adresser dans des cas de racisme», corrobore Alma Wiecken, responsable de la CFR. Les exemples sont ainsi légion. Les situations signalées aux différents centres d'appels du pays concernent tantôt Monsieur F., insulté de nègre avant d'être violemment frappé, tantôt un jeune garçon de confession juive, visé par des propos nazis et un salut hitlérien dans une école secondaire, ou encore Madame L. à qui l'on suggère, lors d'une consultation médicale, de «retourner dans son pays d'origine».
Campagnes racistes et xénophobes
«La guerre au Proche-Orient a renforcé les tendances antisémites et racistes en Suisse, avec des implications violentes parfois, détaille Ursula Schneider Schüttel. Nous l'avons vu avec l'attaque au couteau contre un homme juif à Zurich, ou avec cette récente agression de deux hommes de confession musulmane à Bad Ragaz», illustret-elle. Les motifs de discrimination les plus fréquents ont néanmoins concerné la xénophobie (387 cas) et le racisme anti-Noirs (327 cas), 81 incidents portant sur ces deux motifs à la fois. Viennent ensuite les cas de racisme à l'encontre des personnes d'origine arabe (69), les cas d'islamophobie (62) et l'antisémitisme (46).
L'année 2023, ponctuée par les élections fédérales, s'est également accompagnée d'une progression des signalements en lien avec des campagnes politiques racistes et xénophobes, souligne le rapport. Une personne a ainsi signalé un tract électoral jugé discriminatoire et raciste, représentant un groupe de personnes noires barré par une croix rouge à côté de deux
«Les chiffres sont en augmentation chaque année et cela signifie aussi que la sensibilisation fonctionne» ALMA WIECKEN, RESPONSABLE DE LA CFR
adultes et de trois enfants blancs accompagnés d'une coche verte. D'autres se sont plaints d'une autre campagne «xénophobe du même parti, dont les insinuations tiennent les personnes étrangères pour seules responsables de la violence et de la criminalité en Suisse».
Si le rapport ne cite expressément aucun parti politique, les faits évoqués rappellent sans équivoque les affiches diffusées par l'UDC dans le cadre de sa campagne autour de l'initiative «Non à une Suisse à 10 millions d'habitants» menée l'année passée. La Commission fédérale contre le racisme avait d'ailleurs adressé une lettre au parti agrarien, dénonçant le caractère «raciste et xénophobe» de ses sujets de campagne, qu'elle jugeait susceptibles d'attiser «délibérément des émotions négatives». La Licra Suisse et l'association Hadar avaient alors déposé une dénonciation et une plainte pénales, en octobre dernier.
Signalements par des tierces personnes
Parmi les signalements liés à ces différentes campagnes politiques, la plupart ont émané de personnes souhaitant agir contre la diffusion de préjugés racistes, et qui n'étaient, a priori, pas directement concernées par ces problématiques, ont relevé les centres de conseil. «C'est une très bonne chose, félicite la présidente de la CFR. Cela montre qu'il y a une partie de la population qui est déjà sensibilisée à la discrimination et au racisme et qui est prête à réagir, poursuit-elle. Il y a une forme d'indignation générale.»
Le chemin vers l'égalité semble néanmoins encore long. La CFR dit ainsi vouloir «identifier puis éliminer les structures et les inégalités de traitement qui procèdent du racisme.» Comment? «En sensibilisant les gens et en leur faisant prendre conscience de leur comportement raciste ou discriminant, dont ils n'ont parfois pas conscience, précise Ursula Schneider Schüttel. Le racisme structurel prend forme dans le monde du travail – lorsque des candidats ne se voient même pas convoqués à des entretiens, en dépit d'un dossier parfait, simplement parce qu'ils sont Noirs, ou étrangers – ou encore dans le milieu du logement», ajoute-t-elle.
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