Sur Facebook et Instagram, les arnaques deviennent sordides
Les escrocs continuent à détourner des images de célébrités pour plumer les internautes. La RTS saisit la justice pour tenter de mettre fin à ces pratiques
XC’est la saison trois, cinq ou dix de ces arnaques, on ne sait plus vraiment. Mais une chose est certaine: elles deviennent de plus en plus glauques. Si vous utilisez Facebook ou Instagram, vous avez sans doute remarqué, dans votre fil d’actualité, l’apparition de messages choc. On y voit des photos trafiquées de Jennifer Covo, journaliste à la RTS, du musicien DJ Bobo ou de l’entrepreneur Ernesto Bertarelli. Le but est d’attirer l’attention de l’internaute, l’inciter à cliquer et ensuite tenter de le plumer en lui faisant miroiter des investissements très lucratifs. Et rien ne semble capable d’enrayer ce phénomène.
Ces jours, c’est tout particulièrement la RTS dont l’image est utilisée, notamment celle de Jennifer Covo. On la voit, via un photomontage grossier, tout sourire à côté d’un sac plein de dollars, à côté du logo de la RTS. On devine aussi que les escrocs ont utilisé un système d’intelligence artificielle pour placer son visage dans celui d’une manifestante apparemment entourée de policiers britanniques, avec ces phrases chocs: «Comment cette honte est-elle arrivée à la télévision? Pas pour les âmes sensibles.»
Dans un autre registre, le logo de Blick.ch a aussi été utilisé, à côté d’images chocs d’accidents de la circulation, de la photo de DJ Bobo et de ce titre en allemand: «La fin tragique de DJ Bobo». Sans parler d’une photo d’Ernesto Bertarelli, lui aussi à côté d’images d’accidents sanglants, avec ce texte «Cela en valait-il la peine? C’est définitivement la fin». On a aussi vu des images de Roger Federer ou du skieur Marco Odermatt détournées.
S’il clique sur ces images aguicheuses, l’internaute aboutit soit sur de fausses interviews de ces personnalités, soit directement sur le lien final, un site promettant des rendements financiers extraordinaires. Mais bien évidemment, c’est une arnaque, avec la seule certitude d’y perdre tout son argent.
Dénonciations systématiques
Comment réagit la RTS, dont des images de journalistes avaient déjà été utilisées ces derniers mois? «Les publications frauduleuses et publicités mensongères détournant l’image de la RTS et de ses présentatrices et présentateurs sont inacceptables. Nous les dénonçons systématiquement auprès des réseaux sociaux les diffusant. La plupart du temps, nous obtenons que les publications problématiques soient supprimées dans les deux jours suivant notre signalement», affirme un porte-parole.
La RTS va plus loin. «Dans la mesure du possible, nous dénonçons aussi les faits auprès du Ministère public. Ces démarches sont toutefois complexes et peuvent prendre plusieurs mois, voire années. Chaque auteur de publication frauduleuse s’expose potentiellement aux conséquences d’une action en justice. Plusieurs plaintes contre X sont en cours», poursuit le porte-parole, qui incite aussi les internautes à signaler les publications frauduleuses directement sur les plateformes concernées. De son côté, le producteur de DJ Bobo, contacté par Le Temps, dit «toujours notifier Meta» de ces usurpations d’identité, mais sans se prononcer sur l’efficacité de ces dénonciations.
Il semble que ces plateformes soient bien peu réactives, des publications de ce type restant longtemps en ligne, ou alors réapparaissant rapidement sous d’autres formes. Contacté par Le Temps, Meta, propriétaire de Facebook et Instagram notamment, n’a pas répondu à nos demandes.
Récemment, la télévision alémanique SRF publiait une enquête concernant l’image d’une de ses journalistes qui avait aussi été détournée. Un utilisateur zougois s’était plaint de cette publicité, mais l’équipe de révision de contenu d’Instagram avait constaté que l’annonce, concernant la journaliste Sandra Boner «n’enfreint pas nos directives communautaires». Contacté directement par la SRF, Meta n’avait ensuite pas non plus donné de réponse.
«Ignorez ces publicités»
De son côté, l’Office fédéral de la cybersécurité (OFSC) avait émis une alerte en 2021 déjà. «Il est souvent difficile de déterminer qu’il s’agit en l’occurrence d’une publicité malhonnête et non d’un véritable article de journal, expliquait l’organe de la Confédération. Le préjudice financier peut être très important. Une fois qu’une victime a fait des investissements, elle est généralement prête à effectuer d’autres paiements et à payer d’autres frais.» L’OFSC livrait un seul conseil: «Ignorez ces publicités.»
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