Un deuxième pilier résilient
Les rendements financiers des avoirs des caisses de pension nourrissent la prévoyance professionnelle suisse. Ce «troisième cotisant» est devenu plus volatil mais joue toujours un rôle considérable
Pour les gestionnaires de caisses de pension, mais aussi pour les rentiers et plus encore pour les futurs retraités, les années 2000 auront été bien compliquées. En effet, ils sont bien loin les temps heureux où les obligations à dix ans de la Confédération délivraient un rendement d’au moins 2%, sans risque aucun.
Depuis, le monde a plus que changé puisqu’il a vécu la tête à l’envers avec des taux négatifs encore jamais vus jusque-là. Si bien peu se souviennent de l’explosion de la bulle internet qui avait plombé les marchés en 2001-2002, nombreux ont toujours en mémoire la crise financière mondiale de 2008. Avec, en Suisse, un rendement moyen des caisses de pension (CP) répertoriées dans l’échantillon UBS de -12,84%.
Avec la longue période des taux négatifs, les performances des caisses de pension sont devenues beaucoup plus aléatoires. Elles évoluent désormais dans un monde qui est plus dynamique et donc plus incertain, plus complexe et plus imprévisible. Mais aussi un environnement plus émotionnel. En effet, la sécurité qui paraissait assurée s’est désormais transformée en inquiétude, voire pire pour les pensionnés et, surtout, pour les futurs retraités.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Même s’il n’y a plus eu de plongée de l’ampleur de 2008, les performances jouent de plus en plus au yo-yo. Ainsi, après la chute de 2008, l’échantillon des CP d’UBS a vu ses rendements exploser à +10,59% l’année suivante. Mais il a connu encore plusieurs autres millésimes dans le rouge: -0,34% en 2011, -3,28% en 2018 et surtout -9,58 en 2022.
Davantage de volatilité
Certes, les CP ont aussi enregistré des années record, comme 2014 (+7,36%), 2017 (+7,96%), 2021 (+8,40%) ou encore 2019 avec un record à +11,29%. Mais, avec de telles montagnes russes, la tâche des institutions de prévoyance qui doivent verser des rentes, mois après mois, devient singulièrement plus compliquée. Cela s’est d’ailleurs traduit dans le fait que le taux d’intérêt minimal de la prévoyance professionnelle (LPP), fixé par la Confédération, était tombé à 1%. Néanmoins, sur la durée, force est de reconnaître que, malgré certains défauts, le système helvétique du 2e pilier, basé sur le principe de la capitalisation, a plutôt mieux traversé les turbulences que les institutions comparables d’autres pays. En outre, les effets de yo-yo se laissent gérer avec une approche stratégique bien adaptée à la CP.
En Suisse, les CP ont surmonté les crises évoquées sans trop de soucis de liquidité et de solvabilité. Depuis le début des mesures en 2006, le rendement annualisé des CP de l’échantillon UBS est d’ailleurs de 3,14%. C’est plutôt respectable!
Depuis le début des mesures en 2006, le rendement annualisé des caisses de pension de l’échantillon UBS est de 3,14%
Preuve de cette résilience, mais aussi de lendemains plus roses avec le retour de taux positifs, le Conseil fédéral a pu, pour 2024, remonter le taux minimal de la LPP de 25 points de base, à 1,25%.
Tous ces éléments seront certainement âprement discutés cet automne puisque la réforme de la LPP attaquée par référendum sera soumise au scrutin populaire. Pour mémoire, l’objectif de cette adaptation de la LPP est de garantir les rentes, de renforcer le financement et d’améliorer la couverture des employés à temps partiel, notamment pour les femmes.
En résumé, la réforme prévoit cinq mesures essentielles: tout d’abord, le taux de conversion minimum sera abaissé de 6,8 à 6%. Mais la génération transitoire des quinze premières années recevra une compensation financière. Ensuite, la bonification de vieillesse sera réduite pour les travailleurs âgés pour les favoriser sur le marché du travail et le seuil d’entrée pour l’affiliation à une caisse de pension sera abaissé. Enfin, la déduction de coordination sera calculée en fonction d’un pourcentage et ne sera plus fixe.Comme on le sait, les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Cet avertissement qui accompagne traditionnellement tous les produits financiers peut – bien évidemment – aussi s’appliquer aux caisses de pension.
Néanmoins, on notera qu’en 2023, le rendement moyen de l’échantillon UBS de CP a atteint 4,95%. Au cours du premier trimestre de cette année, cette performance affiche déjà un solide 3,94%. Certes, c’est notamment dû au rally mondial des actions qui s’est poursuivi en mars et à des indices boursiers touchant de nouveaux sommets. Mais, contrairement à l’année dernière, ce rally n’a plus été stimulé par les attentes d’un changement de cap des banques centrales, mais par des résultats d’entreprise robustes et des données macroéconomiques encourageantes. Même si une hirondelle ne fait toujours pas le printemps, cela peut néanmoins augurer de saisons meilleures!
■