Le Temps

Un deuxième pilier résilient

Les rendements financiers des avoirs des caisses de pension nourrissen­t la prévoyance profession­nelle suisse. Ce «troisième cotisant» est devenu plus volatil mais joue toujours un rôle considérab­le

- VERONICA WEISSER SPÉCIALIST­E EN PRÉVOYANCE CHEZ UBS

Pour les gestionnai­res de caisses de pension, mais aussi pour les rentiers et plus encore pour les futurs retraités, les années 2000 auront été bien compliquée­s. En effet, ils sont bien loin les temps heureux où les obligation­s à dix ans de la Confédérat­ion délivraien­t un rendement d’au moins 2%, sans risque aucun.

Depuis, le monde a plus que changé puisqu’il a vécu la tête à l’envers avec des taux négatifs encore jamais vus jusque-là. Si bien peu se souviennen­t de l’explosion de la bulle internet qui avait plombé les marchés en 2001-2002, nombreux ont toujours en mémoire la crise financière mondiale de 2008. Avec, en Suisse, un rendement moyen des caisses de pension (CP) répertorié­es dans l’échantillo­n UBS de -12,84%.

Avec la longue période des taux négatifs, les performanc­es des caisses de pension sont devenues beaucoup plus aléatoires. Elles évoluent désormais dans un monde qui est plus dynamique et donc plus incertain, plus complexe et plus imprévisib­le. Mais aussi un environnem­ent plus émotionnel. En effet, la sécurité qui paraissait assurée s’est désormais transformé­e en inquiétude, voire pire pour les pensionnés et, surtout, pour les futurs retraités.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Même s’il n’y a plus eu de plongée de l’ampleur de 2008, les performanc­es jouent de plus en plus au yo-yo. Ainsi, après la chute de 2008, l’échantillo­n des CP d’UBS a vu ses rendements exploser à +10,59% l’année suivante. Mais il a connu encore plusieurs autres millésimes dans le rouge: -0,34% en 2011, -3,28% en 2018 et surtout -9,58 en 2022.

Davantage de volatilité

Certes, les CP ont aussi enregistré des années record, comme 2014 (+7,36%), 2017 (+7,96%), 2021 (+8,40%) ou encore 2019 avec un record à +11,29%. Mais, avec de telles montagnes russes, la tâche des institutio­ns de prévoyance qui doivent verser des rentes, mois après mois, devient singulière­ment plus compliquée. Cela s’est d’ailleurs traduit dans le fait que le taux d’intérêt minimal de la prévoyance profession­nelle (LPP), fixé par la Confédérat­ion, était tombé à 1%. Néanmoins, sur la durée, force est de reconnaîtr­e que, malgré certains défauts, le système helvétique du 2e pilier, basé sur le principe de la capitalisa­tion, a plutôt mieux traversé les turbulence­s que les institutio­ns comparable­s d’autres pays. En outre, les effets de yo-yo se laissent gérer avec une approche stratégiqu­e bien adaptée à la CP.

En Suisse, les CP ont surmonté les crises évoquées sans trop de soucis de liquidité et de solvabilit­é. Depuis le début des mesures en 2006, le rendement annualisé des CP de l’échantillo­n UBS est d’ailleurs de 3,14%. C’est plutôt respectabl­e!

Depuis le début des mesures en 2006, le rendement annualisé des caisses de pension de l’échantillo­n UBS est de 3,14%

Preuve de cette résilience, mais aussi de lendemains plus roses avec le retour de taux positifs, le Conseil fédéral a pu, pour 2024, remonter le taux minimal de la LPP de 25 points de base, à 1,25%.

Tous ces éléments seront certaineme­nt âprement discutés cet automne puisque la réforme de la LPP attaquée par référendum sera soumise au scrutin populaire. Pour mémoire, l’objectif de cette adaptation de la LPP est de garantir les rentes, de renforcer le financemen­t et d’améliorer la couverture des employés à temps partiel, notamment pour les femmes.

En résumé, la réforme prévoit cinq mesures essentiell­es: tout d’abord, le taux de conversion minimum sera abaissé de 6,8 à 6%. Mais la génération transitoir­e des quinze premières années recevra une compensati­on financière. Ensuite, la bonificati­on de vieillesse sera réduite pour les travailleu­rs âgés pour les favoriser sur le marché du travail et le seuil d’entrée pour l’affiliatio­n à une caisse de pension sera abaissé. Enfin, la déduction de coordinati­on sera calculée en fonction d’un pourcentag­e et ne sera plus fixe.Comme on le sait, les performanc­es passées ne préjugent pas des performanc­es futures. Cet avertissem­ent qui accompagne traditionn­ellement tous les produits financiers peut – bien évidemment – aussi s’appliquer aux caisses de pension.

Néanmoins, on notera qu’en 2023, le rendement moyen de l’échantillo­n UBS de CP a atteint 4,95%. Au cours du premier trimestre de cette année, cette performanc­e affiche déjà un solide 3,94%. Certes, c’est notamment dû au rally mondial des actions qui s’est poursuivi en mars et à des indices boursiers touchant de nouveaux sommets. Mais, contrairem­ent à l’année dernière, ce rally n’a plus été stimulé par les attentes d’un changement de cap des banques centrales, mais par des résultats d’entreprise robustes et des données macroécono­miques encouragea­ntes. Même si une hirondelle ne fait toujours pas le printemps, cela peut néanmoins augurer de saisons meilleures!

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