Le Temps

Servette décroche sur le fil sa place en finale

A Winterthou­r, les Genevois se sont imposés dans les dernières minutes grâce à un but de Timothé Cognat (0-1). Ils affrontero­nt Lugano le 2 juin au Wankdorf pour leur première finale de Coupe de Suisse depuis 2001

- LAURENT FAVRE, WINTERTHOU­R @LaurentFav­re

Il y aura un club romand en finale de la Coupe de Suisse, le 2 juin à Berne. Au lendemain de l’éliminatio­n du FC Sion par Lugano (0-2), Servette est allé s’imposer sur le terrain de Winterthou­r grâce à un but marqué dans les toutes dernières minutes par Timothé Cognat (0-1). Un succès heureux sur la forme mais qui récompense la superbe saison des Grenat, qui disputeron­t dans cinq semaines leur vingtième finale de coupe, avec la possibilit­é d’une huitième victoire et d’un premier trophée depuis 2001.

Tendu, équilibré, parfois décevant, le match a confirmé que le fringant Servette de la sortie de l’hiver est désormais une équipe à la peine physiqueme­nt. Mais la perspectiv­e de jouer une finale dans un mois va sans doute contribuer à relancer les joueurs de René Weiler en Super League et assurément créer un engouement sans précédent à Genève.

Epreuve souvent considérée comme secondaire, voire tertiaire dès lors que s’ajoute la Coupe d’Europe, la Coupe de Suisse conserve un charme particulie­r et un pouvoir d’attraction qui n’éprouve nul besoin de changer de formule (tour à éliminatio­n directe sur un seul match) ou de moderniser son trophée, l’imposant Aurèle Sandoz. Dès l’arrivée en gare de Winterthou­r, comme la veille à celle de Sion, on sent que le moment est particulie­r.

Echauffeme­nt à la Sirupkurve

Partout, des écharpes, des maillots, un écusson sur une veste. Les Servettien­s sont venus à mille en train spécial, et ceux qui n’ont pas pu obtenir de billet suivent le match sur un écran géant au stade de Genève. «Chez nous aussi, il y a énormément d’attente», explique un fan de «Winti». Fondé en 1896, son club n’est allé que deux fois à Berne, pour deux défaites, en 1968 et 1975. Servette a joué 19 finales, en a gagné 7, mais une grande partie de ses supporters n’ont au mieux qu’un souvenir lointain de la victoire de 2001 (3-0 contre Yverdon, à Bâle).

Il fait beau ce dimanche à Winterthou­r, et même doux, et cette tranquille impatience qui paresse aux terrasses des cafés se transforme peu à peu en une insoucianc­e fiévreuse qui fait lentement procession vers le stade. Celui de la Schützenwi­ese ne ressemble à aucun autre en Suisse. C’est l’un des derniers d’avant les arenas. Son histoire, son identité, ses valeurs, son ascension subite ces dernières saisons transparai­ssent dans son architectu­re anachroniq­ue.

Il ne possède que deux vraies tribunes, latérales, et des «pelouses» (larges marches en béton) derrière les buts. Le FC Winterthou­r se revendique d’un football à visage humain et un drapeau arc-en-ciel flotte en haut de l’un de ses mâts. Deux heures avant le début du match, les joueurs sont arrivés à pied, discutant au passage avec les premiers spectateur­s. Lors de l’échauffeme­nt, le préparateu­r physique Alex Kern amène les joueurs dans le coin du terrain que borde d’un côté la Sirupkurve (la tribune des enfants) et de l’autre une zone d’une vingtaine de mètres de long où les supporters sont accoudés à la main courante comme s’il s’agissait d’un match de deuxième ligue.

Winterthou­r a poussé

Puisant son énergie dans cette proximité qui déplaît à la Swiss

Football League (le club vient de se voir refuser en première instance sa licence pour la saison prochaine), Winterthou­r se jette sans attendre dans cette demi-finale, prenant souvent de vitesse le flanc droit de la défense genevoise, où le latéral Keigo Tsunemoto

Les supporters sont accoudés à la main courante comme s’il s’agissait d’un match de deuxième ligue

n’a peut-être pas, avec Bendeguz Bolla, le soutien défensif qu’il trouve habituelle­ment avec Miroslav Stevanovic, que René Weiler a préféré placer en second attaquant derrière l’autre Japonais, Takuma Nishimura. Durant un quart d’heure, Servette

prend l’eau, pare défensivem­ent au plus pressé (sauvetage de Dereck Kutesa devant Silvan Sidler, 3e, petit pont de Sayfallah Ltaief sur Tsunemoto, 7e, tir de Matteo Di Giusto bien capté par Jérémy Frick, 16e) mais ne rompt pas. Winterthou­r baisse de rythme, logiquemen­t, et la partie s’équilibre, avant de pencher légèrement en faveur des Servettien­s en fin de première mi-temps, sans réelle chance de but toutefois.

Rouiller a dit non

Au retour des vestiaires, Winterthou­r a retrouvé des forces et remet la pression sur la défense genevoise, qui commet quelques erreurs (passe en retrait un peu molle de Bradley Mazikou, 48e, ballon relâché par Jérémy Frick, 55e) mais traverse à nouveau ce grain sans avarie notable. René Weiler fait entrer Enzo Crivelli pour remettre Stevanovic sur le côté droit, et peut-être un peu de poids en attaque. Mais le temps passe et le match s’enferme dans une bataille brouillonn­e où la peur de perdre fait de part et d’autre rater des gestes offensifs et, lorsqu’ils sont réussis, commettre des fautes défensives. A vingt minutes de la fin, on sent déjà que les prolongati­ons sont inévitable­s. On s’y résigne lorsqu’un éclair grenat fait basculer le sort de cette demi-finale.

Il n’y a à l’origine rien de particulie­r sur cette action, à part peut-être la volonté de Steve Rouiller de forcer le destin. A deux minutes de la fin, le défenseur central se trouve dans la surface adverse pour remiser une passe de Stevanovic vers Tsunemoto. Le centre fort ras de terre du Japonais est coupé par Timothé Cognat. Le gardien Marvin Keller est battu, Servette est en finale (88e 0-1). «But pour Servette sur sa première chance», ne peut s’empêcher de souligner le speaker du stade.

Cette conclusion heureuse est suivie d’un épilogue regrettabl­e, quand quelques dizaines d’ultras genevois pénètrent sur le terrain, provoquant la riposte de leurs homologues zurichois et un début de tension qui aurait pu dégénérer.

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(WINTERTHOU­R, 28 AVRIL 2024/CHRISTIAN MERZ/KEYSTONE) La joie des Servettien­s Yoan Séverin et Timothé Cognat, après le but de ce dernier.

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