Le Temps

Même absente, la VAR reste au coeur des débats après Sion-Lugano

Frustrés d’une qualificat­ion en finale de la Coupe de Suisse, les Valaisans en veulent à l’arbitre d’avoir accordé un pénalty litigieux, et à l’ASF d’avoir organisé une demi-finale avec assistance vidéo et l’autre sans, la leur, perdue 0-2 samedi contre L

- L. F.

Un stade à l’ancienne, avec ses quatre tribunes distinctes et pour certaines vieillotte­s; un très fervent public, venu des heures avant la rencontre de tout un canton enfin réconcilié avec son club; tout l’attirail des artifices interdits (fumigènes, pétards, chants à caractère homophobe); des odeurs de raclette et un parfum d’exploit; une opposition de styles bien marquée entre deux équipes, la locale chérie et la visiteuse honnie, la petite et la grande, la généreuse et la calculatri­ce, l’une misant sur le coeur et l’autre sur la tête.

Ce Sion-Lugano sentait bon le football d’antan, celui des antagonism­es marqués, des identités régionales et des différence­s assumées. Celui où un match ressemblai­t encore à une aventure humaine, avec ses imperfecti­ons, et non au froid résultat d’un produit industriel. Il s’est achevé sur la polémique de toujours, l’arbitrage, et son cortège antique d’indignatio­n et de mauvaise foi, avec cette subtilité que les lésés ont amèrement regretté de ne pas avoir été projeté dans la modernité de l’assistance vidéo (VAR).

Parce que la VAR est utilisée en Super League mais pas en Challenge League, cette première demi-finale à Sion, club de deuxième division, n’était pas supervisée par la vidéo, au contraire de l’autre demi-finale, hier à Winterthou­r, club de première division. Organisatr­ice de la Coupe de Suisse, l’Associatio­n suisse de football (ASF) n’avait pas jugé utile, ou réalisable techniquem­ent (la question n’était pas claire samedi soir), de faire disputer les deux matchs dans les mêmes conditions.

Il y avait faute… pour Sion

Ce qui n’était qu’une anecdote avant la rencontre était devenu le fait du match dès le retour aux vestiaires. En cause: l’action de la 48e minute sur laquelle l’arbitre Urs Schnyder donna un pénalty au FC Lugano, transformé par Zan Celar. Sur les ralentis de la RTS, il apparaît très clairement que non seulement le Luganais Ousmane Doumbia vient provoquer le contact avec sa jambe gauche, mais qu’il fait en plus faute sur le défenseur valaisan Cristian Souza. A 0-1, le FC Sion aurait-il pu revenir? Face à la meilleure équipe actuelle de Suisse, et de très loin la plus difficile à jouer lorsqu’elle mène au score, c’est très hypothétiq­ue, mais au moins les Valaisans auraient-ils pu y croire.

«L’arbitre a tué le match avec ce pénalty», assénait, l’oeil noir, Christian Constantin après la rencontre. «Je ne peux rien reprocher à mes joueurs quand un élément extérieur influence à ce point le résultat», lâchait l’entraîneur Didier Tholot, pesant bien chaque mot de son unique déclaratio­n. Plus constructi­f, le jeune défenseur Joël Schmied estimait que «lorsqu’il n’y a pas la VAR, tu dois être sûr à 100% quand tu siffles un penalty».

Les Valaisans oubliaient à cet instant que, loin d’éteindre les polémiques, la VAR a depuis son introducti­on multiplié les interpréta­tions contradict­oires sur ce genre de situations, et qu’il n’y a absolument aucune garantie que l’arbitre se serait déjugé s’il avait revu la scène. «Il n’y a pas grand-chose, mais c’est suffisant», déclarait pour sa part Ousmane Doumbia, faisant preuve d’un cynisme qui montrait combien les joueurs ont appris à jouer avec le poids d’une image décontextu­alisée pour essayer d’en tirer profit.

Une technologi­e ennemie l’an dernier

En seconde mi-temps, les Sédunois n’eurent d’ailleurs de cesse de tenter leur chance à la roulette du plongeon dans la surface. L’arbitre ne céda pas à cette forme de chantage à la compensati­on, sans doute parce qu’il estimait ne pas s’être trompé. Ce qui eut le don d’agacer encore plus Christian Constantin: «C’est scandaleux, Urs Schnyder a tout le temps raison, il ne se remet jamais en question.»

Il y a pile un an, au lendemain d’un Sion-Winterthou­r de Super League (le stade de Sion était alors relié à la centrale de la VAR), Christian Constantin avait écrit à la commission d’arbitrage pour se plaindre d’une «manipulati­on de la VAR» et demandé que des «experts neutres» soient présents en tant qu’observateu­rs dans les locaux de la VAR à Volketswil (ZH), afin de veiller à ce que «l’arbitre reste souverain dans ses décisions».

Autre paradoxe, cette polémique survient le week-end où les supporters organisés de toute l’Europe ont revendiqué comme une victoire collective le refus de la ligue suédoise d’introduire la VAR dans ses compétitio­ns. «Avec la VAR, il n’est pas possible de célébrer un but. Cela enlève ces émotions qui sont les plus importante­s pour les fans et les joueurs», a souligné Isak Eden, président de l’union suédoise des supporters. Question émotions, les supporters valaisans ont été servis. Colère, déception, frustratio­n, amertume. Comme le dirait Ousmane Doumbia: «Ce n’est pas grand-chose mais c’est suffisant.»

«Je ne peux rien reprocher à mes joueurs quand un élément extérieur influence à ce point le résultat» DIDIER THOLOT, ENTRAÎNEUR DU FC SION

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