L’air de la campagne ravive l’inspiration du musicien Buvette
L’artiste suisse sort «Tales of the Countryside». Composées et conçues loin de la ville, ces plages sonores manifestent un retour aux sources apaisé et harmonieux
Blocage d’inspiration, boulimie créatrice, dépression tétanisante: les effets de la pandémie ont été divers sur les artistes. Quatre ans après l’apparition du Covid-19, des albums sortent, enfantés durant cette période de crise aiguë. Tales of the Countryside en est un.
Cédric Streuli, alias Buvette, a vécu cette parenthèse comme un profond désenchantement. L’isolement, l’incapacité de partager ont nourri une frustration telle que l’artiste a littéralement perdu son mojo, allant jusqu’à envisager sérieusement de tourner la page. Devenu père, il s’était installé avec sa petite famille dans la campagne basque en fin de pandémie. Il passait alors son temps à s’occuper de son jardin, à faire son pain, jusqu’à ce qu’en novembre 2022, un événement déclencheur se produise, en l’occurrence la découverte d’une voix, celle de la chanteuse basque Verde Prato. «Je roulais en voiture en rase campagne, lorsqu’un de ses morceaux, Zu Atrapatu Arte, est passé à la radio. Je me suis mis à pleurer, c’était si intense que j’ai dû arrêter la voiture sur le bascôté. A ce moment-là, je me suis confronté à une évidence, il n’y a rien d’autre que la musique pour me procurer une telle émotion.»
Un projet autonome
Cédric Streuli rentre alors à la maison, et commence à composer ce qui deviendra Tales of the Countryside. Le morceau phare de l’album, The Golden Age, fait d’ailleurs référence à cette sorte d’épiphanie, à ce moment où tout se définit, tout se met en place en un éclair ou presque: l’idée de réaliser un projet autonome, là où il vit, avec des clips le montrant en pleine nature, conduisant un tracteur, entouré de chiens, de chevaux.
Très rapidement, Buvette compose deux, trois morceaux qu’il envoie à son label, Pan European, qui l’encourage fortement à poursuivre l’exploration. En moins de trois mois, Tales of the Countryside est écrit. Les voix sont enregistrées à la maison au Pays basque, le mix est réalisé en trois jours à Leysin, chez son ami Benoit Erard, là où son projet musical est né voilà plus de 15 ans. «L’album s’est fait comme cela, avec des amis proches, en retrouvant l’esprit du Buvette des débuts. Je vais d’ailleurs tout piloter seul, notamment sur scène.» Cette formule concentrée lui permettra d’avoir des coûts de plateau plus bas et de jouer à nouveau dans des squats et des petites salles alternatives, précisément là où Buvette a fait toutes ses armes.
Ce recentrage artistique s’est imposé à lui durant ces dernières années loin de Paris, où il vivait depuis bientôt dix ans. «Je voulais réactiver Buvette, mais le faire sans concession, dans l’urgence et dans un esprit d’indépendance.» A l’image du festival Hautes Fréquences, organisé chaque année fin juillet à Leysin, dont Cédric Streuli est programmateur. Bien que réalisé en quasi-autarcie, son nouvel album est peut-être le plus limpide, le plus ludique et le plus abordable. Un mélange de pop synthétique, de rythmiques élastiques exotiques et chaloupées. Un univers solaire et coloré qui, par ses qualités mélodiques, peut rappeler par instant Orchestral Manoeuvres In The Dark ou Tears For Fears.
Simplicité et authenticité
Fidèle à ses principes, Cédric Streuli s’y exprime principalement en anglais, une chanson en espagnol fait écho à ses années passées au Mexique. Mais pour l’heure, l’artiste suisse n’a sorti aucun texte en français. «En fait, durant ma longue période de doute qui a suivi la pandémie, j’ai essayé d’écrire en français, j’ai envoyé quelques morceaux à mon label. Mais il n’en voulait pas. Et avec du recul, je suis heureux que rien n’ait été enregistré. Le phrasé ne convient pas. Je pourrais être parolier pour quelqu’un d’autre, mais je n’arrive pas à poser mes mots en français sur ma musique.»
Si une phase d’errance artistique a caractérisé pour Buvette le début des années 2020, l’autre fait marquant aura été la paternité. Cédric Streuli est le père d’une petite fille, dont la présence éclaire ce nouvel album et notamment le morceau Once Upon A Timing qui ouvre Tales of the Countryside. La simplicité et l’authenticité qui s’en dégagent sont directement liées à cette naissance inopinée, vécue comme une expérience unique et fascinante.
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