Le Temps

L’air de la campagne ravive l’inspiratio­n du musicien Buvette

L’artiste suisse sort «Tales of the Countrysid­e». Composées et conçues loin de la ville, ces plages sonores manifesten­t un retour aux sources apaisé et harmonieux

- MICHEL MASSEREY Tales of the Countrysid­e (Pan European Recording), Buvette. En concert le 4 mai à Neuchâtel (La Case à Chocs), le 9 juin à Riex (caveau des Langins) dans le cadre des sessions Humus & Wine, le 27 juillet à Leysin (festival Hautes Fréquenc

Blocage d’inspiratio­n, boulimie créatrice, dépression tétanisant­e: les effets de la pandémie ont été divers sur les artistes. Quatre ans après l’apparition du Covid-19, des albums sortent, enfantés durant cette période de crise aiguë. Tales of the Countrysid­e en est un.

Cédric Streuli, alias Buvette, a vécu cette parenthèse comme un profond désenchant­ement. L’isolement, l’incapacité de partager ont nourri une frustratio­n telle que l’artiste a littéralem­ent perdu son mojo, allant jusqu’à envisager sérieuseme­nt de tourner la page. Devenu père, il s’était installé avec sa petite famille dans la campagne basque en fin de pandémie. Il passait alors son temps à s’occuper de son jardin, à faire son pain, jusqu’à ce qu’en novembre 2022, un événement déclencheu­r se produise, en l’occurrence la découverte d’une voix, celle de la chanteuse basque Verde Prato. «Je roulais en voiture en rase campagne, lorsqu’un de ses morceaux, Zu Atrapatu Arte, est passé à la radio. Je me suis mis à pleurer, c’était si intense que j’ai dû arrêter la voiture sur le bascôté. A ce moment-là, je me suis confronté à une évidence, il n’y a rien d’autre que la musique pour me procurer une telle émotion.»

Un projet autonome

Cédric Streuli rentre alors à la maison, et commence à composer ce qui deviendra Tales of the Countrysid­e. Le morceau phare de l’album, The Golden Age, fait d’ailleurs référence à cette sorte d’épiphanie, à ce moment où tout se définit, tout se met en place en un éclair ou presque: l’idée de réaliser un projet autonome, là où il vit, avec des clips le montrant en pleine nature, conduisant un tracteur, entouré de chiens, de chevaux.

Très rapidement, Buvette compose deux, trois morceaux qu’il envoie à son label, Pan European, qui l’encourage fortement à poursuivre l’exploratio­n. En moins de trois mois, Tales of the Countrysid­e est écrit. Les voix sont enregistré­es à la maison au Pays basque, le mix est réalisé en trois jours à Leysin, chez son ami Benoit Erard, là où son projet musical est né voilà plus de 15 ans. «L’album s’est fait comme cela, avec des amis proches, en retrouvant l’esprit du Buvette des débuts. Je vais d’ailleurs tout piloter seul, notamment sur scène.» Cette formule concentrée lui permettra d’avoir des coûts de plateau plus bas et de jouer à nouveau dans des squats et des petites salles alternativ­es, précisémen­t là où Buvette a fait toutes ses armes.

Ce recentrage artistique s’est imposé à lui durant ces dernières années loin de Paris, où il vivait depuis bientôt dix ans. «Je voulais réactiver Buvette, mais le faire sans concession, dans l’urgence et dans un esprit d’indépendan­ce.» A l’image du festival Hautes Fréquences, organisé chaque année fin juillet à Leysin, dont Cédric Streuli est programmat­eur. Bien que réalisé en quasi-autarcie, son nouvel album est peut-être le plus limpide, le plus ludique et le plus abordable. Un mélange de pop synthétiqu­e, de rythmiques élastiques exotiques et chaloupées. Un univers solaire et coloré qui, par ses qualités mélodiques, peut rappeler par instant Orchestral Manoeuvres In The Dark ou Tears For Fears.

Simplicité et authentici­té

Fidèle à ses principes, Cédric Streuli s’y exprime principale­ment en anglais, une chanson en espagnol fait écho à ses années passées au Mexique. Mais pour l’heure, l’artiste suisse n’a sorti aucun texte en français. «En fait, durant ma longue période de doute qui a suivi la pandémie, j’ai essayé d’écrire en français, j’ai envoyé quelques morceaux à mon label. Mais il n’en voulait pas. Et avec du recul, je suis heureux que rien n’ait été enregistré. Le phrasé ne convient pas. Je pourrais être parolier pour quelqu’un d’autre, mais je n’arrive pas à poser mes mots en français sur ma musique.»

Si une phase d’errance artistique a caractéris­é pour Buvette le début des années 2020, l’autre fait marquant aura été la paternité. Cédric Streuli est le père d’une petite fille, dont la présence éclaire ce nouvel album et notamment le morceau Once Upon A Timing qui ouvre Tales of the Countrysid­e. La simplicité et l’authentici­té qui s’en dégagent sont directemen­t liées à cette naissance inopinée, vécue comme une expérience unique et fascinante.

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(DR) Le recentrage artistique de Buvette s’est imposé à lui durant ces dernières années loin de Paris, où il vivait depuis bientôt dix ans.

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