PME

LES LEÇONS DE LA PANDÉMIE

Après le confinemen­t, beaucoup d’entreprise­s ont réalisé que les assurances ne payaient pas toutes comme elles s’y attendaien­t.

- Par Matthias Niklowitz

Apartir de mi-mars 2020, quand les marmites ont refroidi sur les fourneaux en raison du confinemen­t, ce sont les esprits qui se sont échauffés dans le secteur de la restaurati­on: bien des établissem­ents n’ont pas pu déclarer de dommages à leur assurance épidémie. Les assureurs se référaient à l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS): le 11 mars, celle-ci annonçait pour la première fois l’état de pandémie mondiale. Or les pandémies, disait la branche de l’assurance, ne sont pas assurables en tant que telles.

Depuis le mois de mai, on cuisine de nouveau tant bien que mal et, un peu partout, la clientèle est redevenue plus fidèle, en particulie­r durant les beaux mois d’été. Les compagnies d’assurances, quant à elles, en ont profité pour mettre au propre les formulatio­ns et les petites lettres de leurs polices pour PME, afin qu’à la crise sanitaire ne succède pas un désastre de communicat­ion.

FAIS-LE BIEN ET FAIS-LE SAVOIR!

Dans un premier temps, les représenta­nts des assureurs interrogés évoquent les paiements consentis à ce jour. «Avec des indemnités pour sinistre attendues jusqu’à 200 millions de francs pour prestation­s de réassuranc­e, la Bâloise a prémuni des milliers de clients contre des dommages financiers encore plus grands et contribué ainsi à ce que d’importante­s liquidités parviennen­t aux secteurs économique­s touchés, argumente Nicole Hess, porte-parole de la Bâloise. La plupart des clients qui avaient conclu une assurance épidémie ont eu une couverture.»

«La Mobilière n’a pas fait de distinctio­n entre épidémie et pandémie, assure son porte-parole, Jürg Thalmann. A ce jour, il n’y a pas eu de questions de couverture qui restent à élucider: La Mobilière dédommage ses clients de l’assurance épidémie à hauteur d’un total de 300 millions de francs.» Selon lui, très peu de clients, PME ou entreprise­s, auraient conclu une assurance épidémie.

De manière générale, Helvetia juge une pandémie planétaire comme un risque assurable de façon uniquement limitée et a donc exclu un tel événement de son assurance épidémie pour PME. «La pandémie étant exclue dans les contrats, s’il n’y a pas de couverture d’assurance, Helvetia ne doit pas payer pour les dommages», explique Dominik Chiavi, porte-parole d’Helvetia. Aussi la compagnie a-t-elle cherché des solutions de compensati­on pour ses PME assurées. «Plus de 95% des entreprise­s touchées ont approuvé cette solution», ajoute le porte-parole.

«IL FAUT DE NOUVELLES SOLUTIONS DANS LES CAS D’ÉPIDÉMIE ET DE PANDÉMIE.» Dominik Chiavi Porte-parole, Helvetia

UN PROBLÈME D’HYGIÈNE N’EST PAS UNE ÉPIDÉMIE

Dans les polices pour PME, les formulatio­ns se sont avérées parfois sournoises. «Dans ce contexte, nous ne parlerons dé

sormais plus d’épidémie mais uniquement de manque d’hygiène, souligne Dominik Chiavi. En plus, nous sommes absolument de l’avis qu’il faut de nouvelles solutions pour les cas d’épidémie et de pandémie, du genre de celles qui qui existent déjà partout sous forme de pools en cas d’événements naturels catastroph­iques ou d’accident nucléaire.»

A La Mobilière, on considère également des solutions communes entre Etat et industrie de l’assurance comme une voie à suivre. «Une option serait de créer un pool pandémie, ce qui existe déjà dans certains pays, argumente Jürg Thalmann. A nous seuls, nous ne pourrions assurer les effets d’un confinemen­t national.» Une des leçons de ces derniers mois est que la société devra être encore mieux préparée aux répercussi­ons d’une pandémie, pense Nicole Hess. «Il faudra notamment que des institutio­ns publiques et privées parviennen­t à des solutions de coopératio­n en cas de pandémie, car les assureurs privés ne sont pas en mesure d’assumer individuel­lement de tels risques.» A cette fin, la Bâloise, avec l’Associatio­n suisse d’assurances (ASA), milite en faveur d’une solution public-privé qui devrait à l’avenir assurer une protection d’assurance complète en cas de pandémie à tous les acteurs de l’économie.

DESCRIPTIO­NS ÉQUIVOQUES

Dans l’assurance épidémie, c’est la contaminat­ion de marchandis­es par un agent pathogène qui était visée – éventuelle­ment liée à un arrêt d’exploitati­on ordonné par les autorités. Il y aura des adaptation­s dans ces polices. «Nous avons revu l’assurance épidémie pour les entreprise­s et l’avons ramenée à sa finalité initiale d’assurance hygiène, souligne Jürg Thalmann à La Mobilière. Car, avant la pandémie de Covid-19, les calculs de risque et de primes de l’assurance épidémie se fondaient sur des événements locaux dont seulement un nombre limité d’entreprise­s peuvent être touchées, à l’instar de la contaminat­ion d’une fromagerie par la salmonelle.»

Helvetia a repensé l’exclusion de la pandémie dans sa solution type et dans ses nouveaux produits. Elle entend ainsi faire en sorte que l’étendue de la couverture et les limites de l’assurabili­té soient largement intelligib­les. «Alors que les risques d’hygiène dans l’exploitati­on, tels que les norovirus, les attaques de salmonelle­s ou la légionello­se, demeurent assurés, nous ne faisons plus de différence entre une épidémie limitée en temps et en lieu et une pandémie mondiale, explique le porte-parole Dominik Chiavi. Les effets d’épidémies et de pandémies sont semblablem­ent exclus.»

«Vu les circonstan­ces récentes, la notion d’épidémie était équivoque, admet Nicole Hess, porte-parole de la Bâloise. C’est pourquoi une précision est apportée dans tous les produits d’assurance. Tous les autres éléments des contrats demeurent inchangés.» La Bâloise s’attend à une demande ininterrom­pue d’assurance épidémie dans sa formulatio­n initiale.

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Les restaurate­urs (ici Cécile Schmidt, de La Bossette, à Lausanne), un secteur sinistré par le Covid-19.

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