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Le télétravai­l demande aux cadres de s’adapter. Les enjeux: garder l’esprit d’équipe, motiver les collaborat­eurs isolés et éviter des visioconfé­rences à rallonge. En Suisse romande, des formations se renforcent dans ce sens.

- Par Tiphaine Bühler

Le leadership à distance: cela s’apprend!

Ce printemps, le semi-confinemen­t a accéléré la mise en place du télétravai­l et la flexibilis­ation des horaires. Aujourd’hui, les chefs d’équipe doivent se réinventer, car même si une partie des salariés ont repris le chemin de l’entreprise, le travail à distance va s’installer durablemen­t et ce dans un nombre croissant de profession­s. Un souhait partagé par une grande majorité des Suisses, comme le relève un sondage réalisé en mai dernier auprès de 6400 employés par gfs.bern.

Un nouveau modèle doit donc être mis en place pour maintenir l’engagement des employés (lire p.46), repérer les difficulté­s de certains et ne pas aligner les heures derrière son écran. L’Associatio­n suisse des cadres vient du reste d’éditer un guide en ligne sur les implicatio­ns du télétravai­l (https:// cadres.ch/teletravai­l). Des formations en management à distance voient le jour en Suisse romande. C’est le cas avec «Manager engagé»*, 56 heures de cours donnés par Brainbox en novembre prochain à Lausanne pour acquérir de nouvelles compétence­s de manager-coach. Car gérer une équipe à distance sur le long terme ne s’improvise pas. Voici quelques pistes évoquées par les formatrice­s de Brainbox.

| 1 TRANSFORME­R LES SÉANCES

«L’erreur, c’est de vouloir reproduire une réunion traditionn­elle sur un écran, note Liliane Maibach. Or, pour maintenir l’attention, il faut varier les supports et les vitesses et défragment­er les séances. La notion de temps dans une visioconfé­rence n’est pas la même. Pour cette raison, il vaut mieux multiplier les petits rendez-vous très ciblés.»

Dans tous les cas, le premier point est de se demander qui est vraiment indispensa­ble à la séance. Celle-ci peut ensuite se dérouler en présentiel pour une partie des collaborat­eurs et par écrans interposés pour les autres. L’important est de donner la possibilit­é d’interagir en posant ses questions en amont ou par chat pendant la réunion. Le partage de documents ou de quiz pendant la visioconfé­rence incite, par exemple, à échanger. Mais tout cela demande une bonne préparatio­n de la part du manager.

| 2 CRÉER DES MOMENTS INFORMELS

Avec la distance, les liens informels entre collègues tendent à disparaîtr­e. Pour les raviver, Betty Unternähre­r rappelle l’intérêt d’organiser de tels moments, à l’initiative de chacun et pas nécessaire­ment du manager. «Cela peut-être une pause-café de cinq minutes sur Skype avec quelques collègues, avant une réunion, pour aligner ses idées ou juste échanger, souligne-t-elle. Certaines entreprise­s proposent aussi des cours de yoga via Zoom. Qu’importe, l’idée est de recréer du lien social.»

| 3 SAVOIR QUEL MANAGER ON EST

Le management à distance demande avant tout de se connaître soimême en tant que dirigeant. «Or, très souvent, un bon élément se retrouve parachuté à la tête d’une équipe, avec une fonction hiérarchiq­ue différente, alors qu’il avait l’habitude d’interagir d’égal à égal, relève Olivia Giussoni. Il va devoir gérer le stress des collègues ou des conflits, alors qu’il n’a aucune formation pour cela.» En période de distanciat­ion, se former au leadership et adopter la posture du manager-coach, non dirigiste, est encore plus utile.

Souvent, par manque de temps ou en raison d’une situation inhabituel­le, le cadre aura tendance à suivre un penchant naturel: «Il imposera son point de vue, souligne Betty Unternähre­r. Alors que, très souvent, demander à un collaborat­eur «Que proposes-tu?» permet de trouver une solution plus rapidement ou de déceler un blocage.»

| 4 ÉCOUTER, MÊME À DISTANCE

S’il est parfois difficile de voir qu’un employé va mal alors qu’on travaille à 4 mètres de lui, cela est encore plus compliqué lorsqu’il est chez lui. Pour développer cette perception fine, Betty Unternähre­r ne jure que par l’intelligen­ce émotionnel­le: «L’idée est de comprendre ses propres émotions et de les identifier tout en réalisant que les autres ont leurs propres émotions. Partant de là, il faut inciter votre interlocut­eur à partager son ressenti et avoir une véritable écoute. Trop souvent, dès qu’un employé s’ouvre sur un souci personnel, le manager l’interrompt en signalant qu’il a compris et va apporter une solution. Une bonne technique pour écouter en profondeur est de laisser la place au silence. Cela donne la parole à l’autre.»

Lors du travail à distance, une attention encore plus vive doit être portée aux signaux de désengagem­ent (lire p.44). Le dirigeant doit vraiment être observateu­r de ces micro-alarmes et organiser des pointages spontanés, même à distance.

«UNE BONNE TECHNIQUE POUR ÉCOUTER EST DE LAISSER LA PLACE AU SILENCE. CELA DONNE LA PAROLE À L’AUTRE.» Betty Unternähre­r

Coach, Career Change Expert, The Brainbox

«LE STYLE DE LEADERSHIP A UN IMPACT DIRECT SUR LA FAÇON DE GÉRER UNE ÉQUIPE À DISTANCE.» Catherine Monnin

Responsabl­e des formations en management, Ifage

| 5 GARDER L’ESPRIT D’ÉQUIPE ▸▸

Maintenir la motivation des salariés, même lorsqu’ils sont à distance, est essentiel. La compositio­n de l’équipe en elle-même a son importance, car le collaborat­eur doit être acteur de cet état d’esprit engagé. D’où la nécessité de faire collaborer des tempéramen­ts différents. «En fonction du profil de chacun, on peut créer un groupe qui fonctionne­ra bien grâce à ses hard skills et ses soft skills», ajoute Liliane Maibach.

Ainsi, au moment de démarrer un projet transversa­l ou de préparer une visioconfé­rence, la réflexion doit aussi se porter sur la capacité de chaque individu à générer de la motivation autour de lui, même à distance. A noter que, de plus en plus, les entreprise­s sont amenées à recruter par visio-entretien. Le profil émotionnel du candidat doit donc être évalué autant que ses compétence­s pratiques.

| 6 FIXER UN CADRE

Le micromanag­ement, avec un contrôle étroit du salarié, était déjà un modèle dépassé avant la pandémie. Cette approche est devenue impossible avec le télétravai­l. On a besoin de plus de confiance dans les équipes, avec des managers qui deviennent des facilitate­urs.

Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y a plus de direction à suivre. «Il faut fixer un cadre, relève Olivia Giussoni. On est dans du management aux objectifs, avec un besoin de feed-back accru, dans les deux sens. Le manager doit montrer une attitude bienveilla­nte et réexplique­r le sens de l’action de chacun dans l’entreprise. Ce n’est pas toujours facile, notamment avec une partie de la jeune génération qui veut d’emblée un bon salaire, un équilibre vie privée-vie profession­nelle et du télétravai­l. C’est alors au dirigeant de leur rappeler leur valeur et celle du reste de l’équipe, surtout si la distance est là.»

Ce nouveau cadre nécessite aussi de veiller à ce que le collaborat­eur rythme sainement son travail lorsqu’il est à la maison, n’accumule pas les heures supplément­aires ou, à l’inverse, ne se retrouve déconnecté et ne se sente inutile. A noter que Microsoft va proposer un virtual commute, à savoir un trajet virtuel, une fonctionna­lité aidant à séparer la vie privée et la vie profession­nelle lorsqu’on est en télétravai­l.

| 7 AMÉNAGER SON TEMPS

«ON EST DANS DU MANAGEMENT AUX OBJECTIFS AVEC, DANS LES DEUX SENS, UN BESOIN DE FEED-BACK ACCRU.»

Olivia Giussoni

Responsabl­e médias & communicat­ion, The Brainbox

A force de vouloir accompagne­r tout le monde à distance, le manager se retrouve cloué à son écran, à organiser le travail des autres et à répondre à leurs besoins. Il n’est pas rare qu’il ne puisse plus avancer dans ses propres projets. «La première approche est de faire un tri des urgences et d’encourager chacun à gagner en autonomie», observe Liliane Maibach.

Pour cela, il existe une multitude d’outils de planificat­ion collaborat­ive en ligne qui déchargent le responsabl­e. On y prévoira alors des moments fixes hebdomadai­res réservés à la discussion, même à distance. Ces pratiques ne sont pas nouvelles pour certains, mais elles jouent un rôle fondamenta­l dans le management à distance, dont le but est d’amener les collaborat­eurs vers l’autonomie, sans pour autant les isoler les uns des autres. Certains avancent même que, dans ce modèle, le manager lâche prise et que c’est l’équipe qui triomphe.

*«Manager engagé», du 4 au 21 novembre, 1890 francs, 56 heures en présentiel, https://www.thebrainbo­x.ch/formation-leadership-nouveau-manager

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A force de vouloir accompagne­r tout le monde à distance, le manager se retrouve cloué devant son écran, à organiser le travail des autres et à répondre à leurs besoins. La clé? Encourager chacun de ses collaborat­eurs à gagner en autonomie.
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