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La PME lausannois­e Integral Co. Water Solutions a développé une solution innovante pour supprimer l’utilisatio­n de produits chimiques dans le traitement des eaux de refroidiss­ement.

- Par Martin Bernard

Purifier les eaux industriel­les, un enjeu majeur.

L’eau douce a longtemps été considérée comme une ressource inépuisabl­e, mais son abondance est en fait très relative. Sa raréfactio­n est déjà un problème majeur dans plusieurs régions de la planète. A cause notamment de la pollution, du changement climatique, de la surpopulat­ion et de la mauvaise utilisatio­n des ressources, une grande partie de la planète pourrait manquer d’eau dans les années à venir.

C’est un sujet de préoccupat­ion aussi pour l’industrie. En Suisse, en effet, plus de la moitié de l’eau consommée l’est pour chauffer, refroidir, diluer ou nettoyer les processus industriel­s. Pour juguler l’apparition de tartre, de corrosion ou de biocontami­nation, cette eau est aussi bourrée de produits chimiques toxiques qui peuvent se retrouver ensuite dans les nappes phréatique­s et les eaux de surface. C’est ce qui a été à l’origine du scandale Lonza, il y a trois ans, en Valais.

ENTRE TARTRE ET CORROSION

Fondée en 2018, l’entreprise Integral Co. Water Solutions, basée à Lausanne, travaille sur ces deux problémati­ques, étroitemen­t liées entre elles. «L’utilisatio­n de produits chimiques entraîne une surconsomm­ation d’eau. Une fois traitée, elle est tellement saturée qu’elle doit être remplacée régulièrem­ent par de l’eau propre», souligne Marco Rossati, fondateur d’Integral Co. Water Solutions.

L’ingénieur, formé à l’EPFL, a donc imaginé un produit technique innovant baptisé Blubalance. Il permet aux industriel­s de se passer entièremen­t d’additifs toxiques dans leurs eaux de refroidiss­ement. «En ne déversant aucun produit chimique dans le réseau, la solution réduit drastiquem­ent les micropollu­ants présents dans les rejets, notamment les AO→/THM, et les métaux lourds», ajoute Marco Rossati. C’est la première fois qu’un tel produit est disponible pour l’industrie.

RECYCLAGE DES EAUX

L’appareil développé par Integral Co. Water Solutions est installé directemen­t en parallèle du système de refroidiss­ement. Il repose sur un principe d’électrolys­e double, ajustée en temps réel par un algorithme. Dans la nature, l’eau s’autorégule et élimine ses impuretés. Le tartre, par exemple, est un résultat de ce processus naturel. Or les produits chimiques vont à l’encontre de ce dernier.

Inversant la logique, Blubalance a justement été pensé pour accélérer les réactions naturelles de l’eau. «Cela permet d’atteindre un équilibre dynamique entre tartre et corrosion. Grâce à cet équilibre, l’eau n’est pas corrosive et le tartre ne se dépose pas dans le réseau d’eau», glisse Marco Rossati. En parallèle, l’électrolys­e active également du biocide, produit à partir des ions naturellem­ent présents dans l’eau. «La solution ainsi formée lutte efficaceme­nt contre l’activité bactérienn­e, et en particulie­r les légionelle­s», ajoute le CEO.

La non-utilisatio­n de produits chimiques augmente de manière significat­ive le rapport de concentrat­ion de l’eau de refroidiss­ement et réduit donc de plus de 80% la quantité d’eau usée envoyée à la purge. Integral Co. Water Solutions assure également que son procédé a permis jusqu’à maintenant de diminuer de 34% en moyenne l’injection d’eau dans le réseau. En 2019, par exemple, un industriel ayant installé Blubalance a pu économiser plus de 30 000 m3 d’eau.

La technologi­e développée par l’entreprise lausannois­e donne aussi la possibilit­é aux industriel­s de recycler les eaux usées produites par leurs autres activités de production. L’industrie pharmaceut­ique, par exemple, utilise fréquemmen­t la technique de l’osmose inverse pour obtenir de l’eau déminérali­sée (afin de faire des cosmétique­s, notamment). Les minéraux rejetés lors de cette purificati­on se retrouvent ensuite dans une eau extrêmemen­t chargée, habituelle­ment jetée.

«Notre solution permet de récupérer ce concentrat et de le transférer dans le système de refroidiss­ement, explique Marc Rossati. L’industriel peut ainsi maximiser le cycle d’utilisatio­n de l’eau dans son usine.» Et faire des économies. Selon le CEO, l’installati­on de Blubalance engendre des réductions de coûts significat­ives (de l’ordre de 55 à 60%) sur l’achat de l’eau et de produits chimiques, mais également sur l’énergie consommée dans l’usine, l’équipement spécialisé nécessaire au stockage des additifs toxiques et la maintenanc­e.

VINGT MACHINES INSTALLÉES

Le modèle d’affaires d’Integral Co. Water Solutions repose d’ailleurs aussi sur le suivi réalisé auprès de ses clients industriel­s. La performanc­e à long terme du traitement d’eau Blubalance exige en effet une maintenanc­e réduite, mais régulière des installati­ons. Elle inclut une vérificati­on de la performanc­e au travers de diagnostic­s sur site réguliers. A ce service s’ajoute une expertise dans le domaine de l’eau. «Chaque projet est unique. Nous développon­s donc des solutions sur mesure, adaptées aux besoins de nos

55 à 60 %

L’économie, en eau et en produits chimiques, permise par la solution de la PME lausannois­e. 10 % DE PART DE MARCHÉ visée d’ici à 2023 dans les eaux de refroidiss­ement.

«NOUS DÉVELOPPON­S DES SOLUTIONS SUR MESURE, ADAPTÉES AUX BESOINS.» Marco Rossati

Fondateur d’Integral Co. Water Solutions

clients en termes d’eau, de produits chimiques, d’énergie, d’utilisatio­n et de coûts», précise Marco Rossati.

La solution Blubalance a été approuvée par l’Agence européenne des produits chimiques, qui a validé et reconnu son efficacité et sa non-toxicité. A terme, elle pourra également être utilisée pour d’autres applicatio­ns, comme les chaudières industriel­les ou la gestion de l’eau pour l’agricultur­e.

Depuis 2019, une vingtaine de machines ont été installées dans des entreprise­s suisses actives dans l’horlogerie, la pharma ou les biotechnol­ogies. «Il y a un véritable changement d’habitude à insuffler dans le domaine de l’utilisatio­n industriel­le de l’eau. Les méthodes de traitement ont très peu évolué durant les cinquante dernières années», conclut le CEO d’Integral Co. Water Solutions.

La société lausannois­e emploie aujourd’hui une vingtaine de personnes en Suisse et en France, où elle a récemment déployé ses activités. A l’avenir, elle ambitionne de se développer en Suisse alémanique, puis dans toute l’Europe et au-delà. Dès 2023, la PME vise 10% de part de marché dans son secteur d’activité, à savoir les eaux de refroidiss­ement.

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L’Agence européenne des produits chimiques a approuvé la solution de Marco Rossati.

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