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À LA RECHERCHE DE SON 2E PILIER PERDU

Quelque 13 milliards de francs de prévoyance seraient «en déshérence» en Suisse. L’an dernier, près de 79 000 demandes de recherches ont été enregistré­es, un chiffre en forte hausse.

- Par Edouard Bolleter

Dans une vie profession­nelle, les changement­s d’employeur et les périodes d’inactivité ou de chômage sont de plus en plus fréquents. Les missions, en parallèle, peuvent se multiplier et raccourcir dans leur durée. Corollaire à ces phénomènes de société, les avoirs en prévoyance des travailleu­rs changent souvent de caisses de pension et les transferts se succèdent parfois en passant par des comptes de libre passage.

Durant toutes ces pérégrinat­ions, qui symbolisen­t l’ensemble d’une carrière sur parfois plus de quarante années, il arrive malheureus­ement que des fonds de prévoyance ne suivent pas le chemin adéquat et ne terminent pas sur les comptes et les fiches des retraités. Comment faire lorsque l’on a des doutes sur l’ensemble de ses cotisation­s, lorsque l’on craint d’avoir égaré des montants en route? Pas de panique, ces fonds «en déshérence» ne sont pas perdus, il est même relativeme­nt aisé de les retrouver, puis de les récupérer.

PLUS DE CONTRÔLES DEPUIS 2017

L’Etat fédéral a en effet pris conscience de ces problèmes lorsqu’il a fondé, à Berne, la Centrale du 2e pilier. Celle-ci représente l’organe de liaison entre les institutio­ns de la prévoyance profession­nelle et les assurés. «Si vous recherchez des avoirs de la prévoyance profession­nelle, vous pouvez nous adresser une demande écrite. Nous comparons vos informatio­ns personnell­es avec les annonces des institutio­ns de prévoyance. En cas de concordanc­e, vous et l’institutio­n de prévoyance en serez informés», indique Cinzia Corchia, avocate à la Centrale du 2e pilier.

Concrèteme­nt, si vous ne connaissez pas l’adresse de votre institutio­n de prévoyance en Suisse, vous pouvez aussi déposer une demande auprès de la Centrale. Vous pourrez ensuite faire valoir vos prétention­s éventuelle­s directemen­t auprès de l’institutio­n de prévoyance, qui sera seule à décider du bien-fondé de votre demande et de tout versement éventuel. Pour informatio­n, afin de faciliter les recherches, il est important de joindre à sa demande une copie des documents suivants: un certificat AVS, un certificat de salaire, son contrat de travail, l’attestatio­n d’assuré du 2e pilier, l’attestatio­n de travail et éventuelle­ment un certificat de décès.

Comment ces recherches sont-elles ensuite rendues possibles? Historique­ment, l’obligation légale d’affiliatio­n à la prévoyance profession­nelle existe en Suisse depuis le 1er janvier 1985. La Centrale du 2e pilier a ensuite été créée en 1999. Depuis cette date et jusqu’en 2016, les institutio­ns de prévoyance profession­nelle devaient annoncer périodique­ment à l’entité fédérale les avoirs «oubliés».

Depuis 2017, en revanche, le système de contrôle s’est durci. Les institutio­ns de prévoyance doivent depuis lors annoncer annuelleme­nt à la centrale les données de toutes les personnes pour lesquelles elles gèrent un avoir. Un système très utile puisque, depuis 1999, environ 724000 personnes ont adressé une demande concernant leurs avoirs des régimes de retraite profession­nelle. Preuve que les besoins ont continué d’exploser: au cours de l’exercice 2020, près de 79 000 entrées ont été traitées, soit beaucoup plus qu’en 2018 (61 406) ou 2019 (65 000).

«NOTRE APPLICATIO­N PERMET DE RETROUVER CET ARGENT ÉGARÉ AUPRÈS DE 1500 CAISSES DE PENSION EN SUISSE.» Diego Rohner

Fondateur, applicatio­n Kala

«Les demandes de renseignem­ents des tribunaux et des avocats sur les procédures de divorce, en particulie­r, ont continué de progresser. Outre les questions posées, concernant des interrogat­ions venant directemen­t des assurés, des demandes sont souvent également effectuées par les autres organes habilités à recevoir des informatio­ns», ajoute Cinzia Corchia.

AIDE TECHNOLOGI­QUE

Ces demandes de renseignem­ents proviennen­t effectivem­ent de plusieurs sources relativeme­nt distinctes. Selon les statistiqu­es publiées, la Centrale du 2e pilier a reçu des sollicitat­ions de la part de tribunaux (12%), d’avocats (7%), de particulie­rs (48%), de mécénat (1%), de prestatair­es de services (12%), de survivants à charge (1%) ou des autorités (19%). Autre statistiqu­e dénichée dans le rapport annuel de l’institutio­n fédérale: l’année dernière, 1634 établissem­ents ont déclaré un total de 7,5 millions de personnes bénéfician­t d’un crédit. La proportion d’enquêtes pour lesquelles au moins un compte a pu être connecté était de 65%. A noter que les personnes qui désirent se faire aider dans ces démarches ont aussi la possibilit­é de faire appel aux services de sociétés privées. Créée cette année, l’applicatio­n Kala vient par exemple de lancer un concept considéré comme prometteur en termes de technologi­e. Il consiste en la recherche numérique d’une épargne «oubliée» de son avoir en libre passage.

Cette initiative, 100% romande, vient du Jura et l’entreprene­ur à la base de ce concept s’appelle Diego Rohner, basé à Delémont. «Plus de 13 milliards de francs issus des caisses de pension cherchent leurs propriétai­res. Sachant qu’il existe plus de 1500 caisses de pension en Suisse,

«LES DEMANDES DE RENSEIGNEM­ENTS DES AVOCATS SUR LES DIVORCES, EN PARTICULIE­R, ONT PROGRESSÉ.» Cinzia Corchia

Avocate, Centrale du 2e pilier

les démarches liées à la recherche sont fastidieus­es. Pour pallier ce problème, notre applicatio­n permet en trois minutes, depuis son smartphone, de retrouver gratuiteme­nt cet argent égaré.»

Dans les faits, le client donne ses coordonnée­s ainsi que son numéro AVS, il ajoute une copie de sa pièce d’identité et appose tactilemen­t sa signature. Une fois la demande terminée, Kala transmet de manière électroniq­ue les informatio­ns à la Centrale du 2e pilier. Cinzia Corchia confirme d’ailleurs le fait que son institutio­n reçoit des demandes de nombreux prestatair­es privés durant toute l’année, à l’image de celles de la société Kala, qui reste néanmoins la seule à fonctionne­r avec des services liés aux smartphone­s.

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