Comment les proptechs changent la donne.
INNOVATION Environ 300 entreprises développent et commercialisent des technologies pour le secteur de l’immobilier en Suisse. Comment bousculent-elles les régies et les entreprises de la branche? Rencontre avec ces PME et ces start-up helvétiques qui travaillent de concert avec les acteurs classiques, récupèrent des parts de marché ou créent de nouveaux besoins.
La digitalisation de l’immobilier, accélérée par la crise sanitaire et le contexte de distanciation sociale, a mis en avant le domaine émergent des proptechs. Entrepôts pour l’e-commerce, espaces de bureaux désertés par le télétravail, déménagement à la campagne, la pandémie a modifié les habitudes en matière d’immobilier. Dans le secteur de la «property technology», ou proptech, l’heure est à la consolidation, selon l’analyste de Credit Suisse Fredy Hasenmaile. «Le rythme annuel des créations d’entreprises proptech ralentit et leur nombre dépasse désormais les 300 en Suisse.»
Mais les technologies de ces sociétés attirent toujours plus les convoitises. Plusieurs grands groupes, comme Bâloise, la
Mobilière ou Helvetia, rachètent ou prennent des participations dans les startup les plus prometteuses. Ainsi, en 2020, 81% des proptechs jugeaient les acteurs classiques de l’immobilier assez réceptifs ou très réceptifs à leurs solutions, contre seulement 63% un an auparavant.
Planification, financement, construction, intermédiation, gestion de portefeuilles ou des bâtiments: les entreprises proptech sont actives à tous les niveaux de la chaîne de création de valeur immobilière. Lesquelles d’entre elles ont observé un embellissement de leurs affaires durant la pandémie? Qui s’attirent les faveurs des grands groupes? Comment ces innovations sont-elles accueillies par les différentes professions de l’immobilier? Décryptage avec des entreprises et des experts du milieu.
«TOUT D’UN COUP, LE BUREAU QUE L’ON CROYAIT INDISPENSABLE NE L’ÉTAIT PLUS.» Stève Cattin Responsable marketing, Locatee
1 | INTELLIGENCE ARTIFICIELLE À TOUS LES ÉTAGES
Il n’y a pas si longtemps, trouver un nouveau logement passait par une prise de contact avec l’une des agences immobilières de la région de son coeur. Puis sont arrivés les premiers sites d’annonces spécialisés. Au début des années 2000, Immopool, devenu depuis Homegate, un des leaders du marché, recensait 17000 objets. Un chiffre qui fait pâle figure en regard des 140 000 annonces de logements à louer ou à acheter que l’on peut découvrir aujourd’hui sur le site de Lookmove (+700%).
La start-up vaudoise, fondée en 2012, se targue de défricher cette jungle d’annonces, en réalisant une agrégation automatisée. «L’offre immobilière est fragmentée sur plus de 20 portails et des centaines de sites d’agence, explique Maxime Danibert, CEO et fondateur de Lookmove, qui emploie une vingtaine de personnes à Lausanne. Cette situation complexifie la recherche immobilière, les gens perdent du temps à parcourir de nombreux sites et ratent les bonnes affaires.»
COUPER LES INTERMÉDIAIRES
Afin de ne pas présenter d’annonces redondantes, périmées ou incomplètes, la jeune pousse a développé des algorithmes d’analyse qui trient en continu des annonces provenant de plus de 60 sites. «Nous avons intégré 26 critères, tels que l’emplacement, le prix ou la qualité des photos, de manière à pouvoir mettre en avant automatiquement les meilleures annonces.» La jeune société, qui ambitionne de s’étendre en Europe, prévoit par ailleurs une nouvelle levée de fonds pour ajouter à sa plateforme des outils destinés aux courtiers.
Le recours aux nouvelles technologies permet aussi de revoir certaines manières de faire bien rodées du secteur. C’est l’ambition de l’entreprise Neho. Cette agence immobilière 2.0 propose aux particuliers de vendre leur bien en échange d’une commission fixe d’environ 10 000 francs, là où les acteurs traditionnels demandent un pourcentage de 3% du prix de vente, ce qui représente en moyenne de 30 000 à 50 000 francs pour un appartement ou une maison individuelle. «Notre offre est partie d’un triple constat: l’apparition des portails en ligne a fait dégringoler la valeur ajoutée des agences, l’avènement des outils de gestion de la relation client (CRM) a permis de grandement simplifier le travail des courtiers et, enfin, les prix ont doublé, voire triplé ces vingt dernières années, alors que le taux des commissions est resté le même», avance Eric Corradin, CEO et cofondateur de Neho.
Un modèle d’affaires rendu possible par un recours accru aux outils digitaux, qui permettent d’automatiser certaines tâches chronophages. «L’ensemble du processus de vente se déroule via notre plateforme développée en interne, ce qui permet au propriétaire-vendeur de suivre l’évolution de sa vente et le travail du courtier.» L’entreprise a également mis en place un système de visite virtuelle, dans le but de mieux cibler les acheteurs potentiels. Enfin, 90% des visites physiques sont effectuées directement par le propriétaire, la présence du courtier étant facturée en sus. Lancée en février 2018 avec quatre collaborateurs,
«NOUS NOUS SOMMES RENDU COMPTE QUE LA RÉVOLUTION DIGITALE N’AVAIT PAS EU LIEU AU DÉBUT DE LA CHAÎNE.» Thibault Clément CEO, Popety