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Travail en famille: les cinq faux pas à éviter.

Engager des proches dans l’entreprise familiale nécessite de respecter des conditions légales précises. Bénévolat, rémunérati­on du conjoint, contrat de travail, explicatio­ns sur les règles à suivre.

- Par Laurent Perrin

C’est un couple à la tête d’une boulangeri­e, deux soeurs qui ont monté leur entreprise, ou encore un père et sa fille qui développen­t leur affaire immobilièr­e. En Suisse, près de 90% des petites et moyennes entreprise­s appartienn­ent à des familles. Travailler en famille peut représente­r de nombreux avantages: flexibilit­é, facilité d’échanges, confiance. Mais dans la pratique, ces collaborat­ions sont particuliè­rement encadrées et imposent de respecter des règles claires pour être efficiente­s et rester dans la légalité. Voici cinq faux pas à éviter.

1 |

FAIRE UN USAGE DÉPLACÉ DU BÉNÉVOLAT

«Dans le cercle du couple, on peut considérer comme du bénévolat la ’contributi­on convenable’ du conjoint, dans le sens où il ou elle oeuvre pour le bien commun», explique Patrick Mock, avocat et responsabl­e du thème «marché du travail» au Centre Patronal. L’entraide familiale doit néanmoins veiller à ne pas se transforme­r en travail dissimulé. Qu’il s’agisse des enfants ou du conjoint, le bénévolat est accepté si les tâches à réaliser sont d’ordre «idéal», caritatif ou humanitair­e, ou si la période est brève.

«Lorsque le travail est fourni dans un rapport de subordinat­ion, l’existence d’un contrat de travail est présumée, notamment si le service rendu est usuellemen­t payé», explique Rémy Wyler, avocat et professeur en droit du travail à l’Université de Lausanne (Unil). Lorsque le travail excède le seuil de l’apport usuel à l’entretien de la famille, le conjoint peut prétendre soit à un salaire, soit à une indemnité équitable.

2 |

NE PAS ÉTABLIR DE CONTRAT

«Le contrat de travail clarifie les choses tant sous l’angle profession­nel que familial, soutient Olivia Guyot Unger, directrice du service assistance juridique et conseils à la FER Genève. Pour l’employé comme pour l’employeur, le contrat protège.» Le contrat se révèle particuliè­rement utile en cas de conflit, et bien sûr de divorce.

Les enfants sollicités pour aider la famille doivent aussi avoir conscience de leur contributi­on à l’entreprise. Sur une durée courte, comme les vacances d’été ou la fin des études, une attestatio­n ou un certificat de travail peut suffire à faire reconnaîtr­e cette contributi­on. «Dans les autres cas, quand il s’agit d’un travail à part entière, et comme pour l’épouse, l’établissem­ent d’un contrat est recommandé», précise Line Pillet, présidente de l’Associatio­n Femmes PME Suisse romande.

«Lorsqu’il s’agit d’un neveu ou d’un cousin, c’est-à-dire d’une personne plus éloignée de la cellule familiale, il faut alors respecter toutes les dispositio­ns

«LE CONTRAT DE TRAVAIL CLARIFIE LES CHOSES TANT SOUS L’ANGLE PROFESSION­NEL

QUE FAMILIAL.»

légales», ajoute Patrick Mock, avocat et responsabl­e du thème «marché du travail» au Centre Patronal. En dehors des enfants, des petits-enfants et du conjoint, l’employeur se trouve donc obligé d’établir un contrat de travail, quels que soient le volume d’heures et le type de tâche considéré.

3 | AVOIR UNE CONFIANCE AVEUGLE EN SES PROCHES

«On a tendance, à tort, à faire plus confiance à un membre de la famille qu’à un tiers», remarque Olivia Guyot Unger, de la FER à Genève. Mais pour les travaux dangereux, à l’instar du bâtiment, il faut rester tout aussi attentif aux risques encourus pour faire travailler un membre de sa famille. Lorsque c’est possible, il est alors recommandé de déléguer la supervisio­n, pour garder une certaine neutralité dans les rapports, précise la spécialist­e.

Cependant, les petites structures n’ont parfois pas les moyens financiers d’engager une tierce personne à qui confier cette tâche. «Le lien familial peut compliquer certains rapports, mais nous avons toutefois connaissan­ce d’une majorité d’expérience­s positives, rapporte Line Pillet. En effet, le travail en famille permet une bonne entente et une grande confiance. C’est un cadre où l’on peut se dire les choses et où le sens d’interdépen­dance est très fort.»

4 | DÉLÉGUER LORSQU’ON EST EMPLOYÉ

Que ce soit dans une entreprise à but non lucratif ou une société de capitaux, l’employé est tenu de réaliser lui-même les tâches qui lui sont confiées dans le cadre de sa mission, notamment afin de préserver la confidenti­alité liée à l’exécution du contrat de travail. «Un employé ne peut pas déléguer à un tiers, un membre de sa famille par exemple, une partie de ses fonctions, indique Olivia Guyot Unger, directrice du service assistance juridique et conseils à la FER Genève.

Une violation des obligation­s contractue­lles par l’employé, en particulie­r le non-respect du devoir d’accomplir personnell­ement le travail, peut conduire l’employeur à résilier le contrat de travail, le cas échéant avec effet immédiat.»

5 | NE PAS RECONNAÎTR­E LES COMPÉTENCE­S

Les difficulté­s personnell­es (maladie, décès du conjoint) ou économique­s (faillite, liquidatio­n, réduction d’effectif) peuvent amener le conjoint à se retrouver en situation de grande précarité. En prévention, il doit se préparer à pouvoir démontrer son employabil­ité. Dans cet objectif, l’associatio­n Femmes PME Suisse romande permet aux membres d’entreprise­s familiales de faire reconnaîtr­e les compétence­s qu’ils ont développée­s dans la gestion pratique de leur PME.

En partenaria­t avec l’Union suisse des arts et métiers, l’associatio­n permet ainsi d’obtenir un brevet fédéral de reconnaiss­ance de l’expérience profession­nelle. Conçu à l’origine pour officialis­er le haut niveau de compétence­s des femmes dans les PME et leur rôle crucial dans l’économie, il est aujourd’hui également très prisé par les hommes.

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Une attestatio­n suffit lorsqu’un enfant est sollicité pour aider la famille sur une courte durée.

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