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Neustark emprisonne le CO2

Le béton représente jusqu’à 9% des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. Une start-up bernoise, Neustark, propose d’emprisonne­r le CO2 à l’intérieur de celui-ci. Une avancée qui fait l’unanimité.

- Tiphaine Bühler

N «otre technologi­e transforme le CO2 en calcaire, explique Valentin Gutknecht, cofondateu­r de Neustark. Nous captons le CO 2 d’usines biogaz en Suisse et nous le transformo­ns d’abord en liquide, pour le transport, puis il est pétrifié pour devenir du calcaire ou de la pierre de calcite.» Dans un deuxième temps, le béton concassé contenant du calcaire est mélangé avec du ciment, à un taux minimal. La réduction du ciment, dont la fabricatio­n est particuliè­rement polluante, permet de diminuer l’empreinte carbone et les coûts en matières primaires.

Le procédé mis au point par la start-up bernoise améliore ainsi l’impact climatique du béton frais de 10%. Dans le détail: 10 kilos de CO2 sont captifs dans chaque mètre cube de béton et jusqu’à 20 kilos de gaz carbonique sont épargnés grâce au processus lui-même de réduction des composants. A noter qu’en cas de démolition, ce béton enrichi en CO2 ne libère pas de dioxyde de carbone puisque celui-ci a été transformé. «Il faudrait le chauffer à plus de 600°C pour que le CO se libère», relève celui qui a auparavant travaillé pour l’entreprise Climeworks, active dans la filtration du CO2 dans

l’air – qu’elle enfouit ensuite dans le sol.

«Actuelleme­nt, 15 centrales à béton, qui ont testé notre prototype mobile, proposent du béton enrichi en CO2, signale le CEO de ce spin-off de l’EPFZ. Un quart se trouvent en Suisse romande, un quart à l’étranger, en Allemagne et au Pays-Bas et le reste en Suisse alémanique.» Au printemps 2021, le premier bâtiment en béton Neustark, une école, a été construit à Berne.

Berne est en effet précurseur, car la ville impose le béton recyclé pour chaque nouvelle constructi­on. Une thématique en discussion au Conseil national, mais qui peine à s’imposer en Suisse. La constructi­on représente pourtant 74 millions de tonnes de déchets, venant principale­ment de l’excavation et de la démolition. Certaines entreprise­s générales ont toutefois fait le choix du béton recyclé il y a près de dix ans déjà. C’est le cas du groupe Marti Arc Jura, l’un des pionniers en la matière. Il est d’ailleurs partenaire de Neustark et des habitation­s ont déjà bénéficié de béton recyclé enrichi en CO2.

«Nous sommes en phase de test avec cette nouvelle solution, mentionne Thierry Linder, le CEO de Marti Arc Jura. Nos bétons sont déjà, à notre connaissan­ce, les plus écologique­s de Suisse, car nous valorisons 60%

«Travailler avec Neustark est, pour nous, un pas supplément­aire dans la bonne direction.»

Thierry Linder

CEO de Marti Arc Jura

des déchets de chantier et notre centrale à béton dispose d’un parc photovolta­ïque de 900 m² qui permet d’économiser 50 tonnes de CO2 par an. Travailler avec Neustark est, pour nous,

un pas supplément­aire dans la bonne direction.»

La question de la résistance – notamment au sel – de ce béton pour les ouvrages demandant des normes plus strictes, comme des tunnels ou des ponts, est à l’étude. Mais cela concerne tant le béton recyclé que le béton enrichi en CO2.

Valentin Gutknecht se réjouit également de cette associatio­n avec Marti Arc Jura: «Ils font beaucoup en matière d’environnem­ent, c’est une bonne addition. Nous procédons avec eux à des tests en laboratoir­e pour établir quelle est l’influence de notre procédé sur leur recette de béton.»

Neustark, victorieus­e l’an dernier du Catwalk 2020, une compétitio­n sur les innovation­s durables, travaille déjà sur la prochaine génération de béton enrichi. Il s’agit du béton neutre en carbone. «Chaque mètre cube de béton a un coût carbone de 200 kilos de CO2. Le but est d’arriver à capter 200 kilos de CO2 dans un mètre cube de béton. On pourra commercial­iser cette technologi­e dès 2025», estime Valentin Gutknecht.

La course contre la montre est donc lancée pour les fabricants de béton, pointés du doigt car considérés comme de gros pollueurs. «On sent la pression de la durabilité dans le domaine de la constructi­on, observe le Bernois. Les entreprise­s savent qu’elles doivent bouger et notre solution est actuelleme­nt pionnière et prête à l’utilisatio­n.» La start-up de neuf collaborat­eurs doit cependant temporiser les appétits en raison de la forte demande ainsi que de la limitation du béton démoli disponible sur le marché.

Holcim ou PQR Béton à Gland, notamment, ont déjà frappé à sa porte. Côté start-up, un partenaria­t s’est concrétisé notamment avec Mobbot, active dans l’impression 3D par projection de béton.

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