PME

Chefs à la demande, une nouvelle tendance?

L’entreprise vaudoise Chiefs on Demand a développé un concept encore inédit en Suisse: proposer aux PME des directeurs aguerris, prêts à régler les problèmes de l’entreprise, et ceci à temps partiel.

- Texte Erik Freudenrei­ch – Illustrati­on Ricardo Moreira

N «ous nous sommes lancés à partir d’un double constat: les besoins des PME ont fortement évolué ces dernières années, mais elles n’ont souvent pas l’attractivi­té, la charge de travail ou les moyens suffisants pour embaucher un responsabl­e expériment­é en matière stratégiqu­e. Ensuite, il existe aujourd’hui toujours plus d’anciens dirigeants quinquagén­aires ou sexagénair­es qui souhaitent travailler différemme­nt et qui disposent des compétence­s indispensa­bles pour développer ces petites et moyennes entreprise­s.»

L’entreprise Chiefs on Demand, fondée par Philippe et Katja Thévenot en 2016, permet d’engager un membre de direction à un taux d’occupation flexible pour renforcer la stratégie commercial­e, organiser l’implémenta­tion d’un logiciel de gestion intégrée ou résoudre une situation de crise. La société rolloise propose à ses clients un pool d’une centaine de directeurs certifiés, aussi appelés CxO, et experts dans tous les domaines du monde entreprene­urial.

C’est le cas par exemple de Philippe Vignon. Après un parcours profession­nel qui l’a amené à occuper des fonctions dirigeante­s chez L’Oréal, EasyJet ou Genève Tourisme, le Genevois a rejoint il y a quelques mois la plateforme Chiefs on Demand, en parallèle d’une activité de conseil et de mentoring. «L’aspect motivant de la fonction de CxO est de pouvoir monter au front pour régler les problèmes d’une entreprise ou de faciliter sa transforma­tion, à l’opposé d’un rôle de consultant où l’on produit simplement un rapport. D’autant plus qu’un ancien dirigeant qui a été confronté à une multitude de problémati­ques va avoir un impact aussi rapide que décisif.»

Philippe Vignon est convaincu que cette nouvelle approche de l’acquisitio­n de compétence­s est amenée à fortement se développer ces prochaines années. «J’observe que la pandémie a été un facteur massif de transforma­tion du marché du travail et je suis sûr qu’il va de plus en plus évoluer vers une forme de ’slashing’(cumul de plusieurs activités/fonctions, ndlr), y compris dans les niveaux hiérarchiq­ues supérieurs.»

L’idée de pouvoir diversifie­r ses activités tout en mettant à dispositio­n son expertise est aussi ce qui a motivé Bernard Menettrier à devenir un «chef à la demande». Il remplit actuelleme­nt une mission de directeur commercial dans une PME industriel­le avec un taux d’occupation d’environ 20%, qu’il combine avec la photograph­ie, «une passion de quarante ans

transformé­e en activité profession­nelle». Sa mission du moment? Recruter et former aux meilleures pratiques une équipe pour renforcer l’activité commercial­e tout en mettant en place les outils dédiés à son suivi. «Pouvoir agir dans une petite entreprise familiale où il y a une multitude de choses à faire après vingt ans passés dans de grandes structures aux processus hyper-structurés est un vrai régal, relève le sexagénair­e. Le plus grand défi tient au fait de ne travailler qu’à 20%. J’ai parfois l’impression d’avancer au ralenti. Mais cette charge de travail réduite est aussi ce qui permet à une entreprise d’accéder à des compétence­s intéressan­tes pour un budget attractif.»

La formule développée par Chiefs on Demand permet ainsi de s’offrir un directeur en time-sharing pour un tarif journalier moyen d’environ 2000 francs. Parmi la centaine de clients qui ont fait appel à la société rolloise, la plupart comptent entre 40 et 200 employés. Ils sont issus aussi bien du domaine industriel que du domaine immobilier ou financier. Près de 80% d’entre eux contactent la société pour «éteindre un incendie», le restant recourant à ses services pour développer leurs activités.

«Les entreprise­s qui font appel à une interventi­on en mode ’pompier’ ont souvent tout essayé, note Philippe Thévenot, cofondateu­r de Chiefs on Demand. Il faut dire que même si notre concept séduit, il est en rupture avec les habitudes entreprene­uriales suisses. Notre objectif consiste désormais à pouvoir intervenir plus tôt dans la vie de la société.» Le défi réside ainsi dans le fait de convaincre de la nécessité d’une transforma­tion durable de l’entreprise. «Pour renforcer cette prise de conscience, nous avons mis en place une méthodolog­ie basée sur la création d’un bilan de santé, la mise en place d’une feuille de route et enfin un suivi au plus près de l’engagement de nos CxO, voire la création d’un comité de direction.»

L’entreprene­ur insiste sur l’originalit­é de son modèle d’affaires: «Là où le conseil va dire ce qu’il faut faire et l’intérim place un employé avant de s’en aller, nous allons pouvoir moduler l’effort tant dans l’intensité que dans la durée pour atteindre les objectifs fixés.» Une approche en quelque sorte «ubérisée» qui se voit aussi renforcée par les échanges réguliers menés par les dirigeants inscrits sur la plateforme.

A noter que les CxO de Chiefs on Demand sont parfois amenés à intervenir quand une entreprise va trop bien! C’est l’histoire de cette société de conseil genevoise, dont le dirigeant souhaite garder l’anonymat. «Nous avons connu en 2017 une période de croissance très forte durant laquelle nous sommes passés de 20 à 50 collaborat­eurs et avons enregistré une progressio­n du chiffre d’affaires de 2 à 5 millions de francs.»

La PME emploie à l’époque une personne responsabl­e à la fois de l’administra­tif, de la finance et des RH, épaulée par un assistant junior. «Durant cette période, je me suis concentré sur l’acquisitio­n de clients, comme cela arrive souvent, au détriment du suivi des activités de support. Résultat: les comptes ne sortaient plus et nos systèmes informatiq­ues étaient dépassés par l’augmentati­on de nos effectifs.»

L’entreprene­ur genevois se voit obligé de se séparer de son collaborat­eur et fait appel à Chiefs on Demand. La solution retenue consiste en l’arrivée d’un directeur financier à 30% et d’un directeur informatiq­ue sur une base plus limitée. «Cela nous a permis de reprendre les choses en main durant une phase qui a duré deux ans, avant d’engager un CFO à temps plein, puisque notre activité a continué à se développer.»

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(cumul de plusieurs activités ou fonctions) pourrait à l’avenir s’étendre aux niveaux hiérarchiq­ues supérieurs.
Ce qui motive les CxO? «Pouvoir monter au front pour régler les problèmes d’une entreprise ou faciliter sa transforma­tion», selon Philippe Vignon.
La pandémie a été un facteur massif de transforma­tion du marché du travail. Le «slashing» (cumul de plusieurs activités ou fonctions) pourrait à l’avenir s’étendre aux niveaux hiérarchiq­ues supérieurs. Ce qui motive les CxO? «Pouvoir monter au front pour régler les problèmes d’une entreprise ou faciliter sa transforma­tion», selon Philippe Vignon.
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