PME

Le RV du digital Confier son marketing digital à l’étranger

La pratique se développe en catimini et les entreprise­s répugnent à parler. Ce modèle s’est également intensifié depuis le début de la pandémie.

- Tiphaine Bühler

PME, start-up ou multinatio­nales, elles sont de plus en plus nombreuses à se laisser tenter et à confier la gestion de leur site web, de leurs réseaux sociaux ou de leurs campagnes de pub à des spécialist­es du digital basés en Croatie, au Pérou ou au Canada, par exemple.

Le gros avantage? Le prix. «Nous faisons le même travail pour la moitié du prix», déclare sans détour Samuel Bosch, CEO et fondateur d’Assist-O, agence de marketing digital basée à Saint-Sulpice (VD), mais dont l’équipe entière est composée de nomades digitaux établis en Croatie, aux Etats-Unis, au Canada et en Belgique, notamment. Le fondateur lui-même vit entre Zagreb et les Etats-Unis, où il termine sa thèse au MIT de Cambridge. Il a également créé il y a trois ans l’associatio­n EPFL Quantum Computing avec son associé Alexander Sanchez de la Cerda. Vous êtes perdu? Alors bienvenue dans le parcours des nomades digitaux. «Nous sommes actuelleme­nt 25 chez Assist-O, alors qu’il y a un an nous n’étions que quatre, relève Samuel Bosch. Notre société fournit du travail à de nombreux jeunes talents du numérique. Ceux-ci créent du contenu ou écrivent pour les entreprise­s, en anglais la plupart du temps, mais aussi en allemand ou en français.» Un modèle où flexibilit­é rime parfois avec précarité salariale.

Cette externalis­ation du marketing digital va très loin, «puisque le consultant numérique communique avec une adresse e-mail de la PME qu’il représente, il participe à des séances, voire remplace des collaborat­eurs en vacances. «Nous sommes très flexibles, car nos contacts permettent de trouver rapidement une ressource. Au final, le client ne fait pas la différence entre le collaborat­eur salarié d’Assist-O et celui de l’entreprise basée en Suisse.»

Chez Logifleet, le modèle convient. «Notre clientèle est essentiell­ement B2B, dans le domaine de l’IoT, commence Raphaël Greppin, CEO. Nous avions de la difficulté à trouver en Suisse des ressources qui offrent toutes les compétence­s requises entre la rédaction multilingu­e, le SEO, le suivi des leads et la connaissan­ce de l’industrie SaaS (software as a service).

C’est pourquoi nous travaillon­s avec des freelancer­s digitaux à l’étranger. Le prix, la flexibilit­é et la rapidité sont également des avantages.» L’entreprene­ur lausannois précise tout de même qu’il faut bien encadrer ces ressources, avec des séances régulières et un décalage horaire minime. Il ne s’agit en aucun cas de laisser carte blanche à des équipes externes.

La délocalisa­tion de son marketing digital à l’étranger est une concurrenc­e pour les agences qui ont pignon sur rue. La pratique est connue d’Enigma, agence de communicat­ion et stratégie digitale fondée il y a treize ans à Genève. «C’est de la sous-traitance digitale et du dumping salarial. C’est exactement la même logique que de demander à un électricie­n thaïlandai­s de venir poser des prises en Suisse», dénonce Olivier Kennedy. Le CEO d’Enigma, qui a d’ailleurs lui-même testé la collaborat­ion avec des freelances du digital en Pologne, pointe en outre un autre problème. «La culture n’est pas la même et s’il y a bien une chose importante dans la gestion des contenus digitaux et dans le travail du community manager, c’est de comprendre la culture du pays. Sinon, cela donne des exemples comme cette entreprise genevoise, qui sous-traite son marketing à l’étranger, qui a publié sur ses réseaux sociaux le jour du Jeûne genevois: «Que faites-vous ce matin en allant au travail?» Un flop. Une anecdote aux conséquenc­es limitées dans ce cas.

Conseils

• Avant de confier un mandat à un freelancer étranger, il faut s’assurer que ce dernier dispose d’une compréhens­ion fine du marché helvétique. Sinon, les actions peuvent être contre-productive­s.

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