PME

Michael Drieberg: «J’ai décroché le jackpot au flair, au culot et au bluff!»

Avant de devenir un maître du divertisse­ment, Michael Drieberg a tenté un coup de poker dans l’informatiq­ue qui lui a rapporté des millions.

- Christian Rappaz

J’ai toujours fonctionné au flair, au coup de coeur et par défi. Alors, quand j’ai vu naître la révolution informatiq­ue, à la fin des années 1970, je me suis dit que j’avais un coup à jouer. J’avais 20 ans. Je bossais chez DFS, leader mondial des magasins hors taxes, depuis la fin de mon école de commerce. C’est là que j’ai vu arriver les premiers ordinateur­s. J’étais fasciné, ces énormes machines allaient changer le monde. Mes compétence­s en informatiq­ue étaient cependant proches de zéro. Pas grave. Moi, ce qui m’intéressai­t, c’était le business qui émergeait autour de ce nouveau marché. Je me suis vite rendu compte qu’un secteur cartonnait: la maintenanc­e. Une cash-machine! L’abonnement d’entretien coûtait chaque année environ 1 million, soit 10% du prix d’achat de l’ordinateur. Je me suis dit qu’en me mettant à mon compte et en proposant un contrat d’entretien à 700 000 francs au lieu d’un million, les clients viendraien­t. C’est exactement ce qui s’est passé.

C’était gonflé d’attaquer IBM de front, la plus grande société au monde avec ses

600 000 employés. Bref. Comme tout le monde achetait IBM, je sous-traitais les réparation­s à... IBM. Mais il y avait un os. N’ayant pas un franc en poche, comment allais-je assumer une casse supérieure à 700 000 francs? Ni une, ni ou deux.

J’ai demandé un rendez-vous à la Lloyds Insurance, à Londres. Qui m’a reçu et s’est déclarée prête à assurer le risque pendant deux ans. Bingo!

Ça n’a pas duré, hélas. Un beau matin, l’Office fédéral des assurances m’a sommé de stopper mes activités. Pour lui, celles-ci relevaient non pas de la technique mais de l’assurance. Avec un pote avocat, nous avons passé une nuit à chercher la parade. Finalement, nous avons répondu qu’IBM faisait la même chose, que toutes les boîtes proposant un contrat d’entretien faisaient la même chose, qu’elles devraient donc toutes fermer. Ça a marché. L’Office s’est ravisé. Les affaires ont repris de plus belle jusqu’au deuxième coup dur: IBM nous informe qu’il ne dépannerai­t plus nos clients. Autant dire la mort subite de mon entreprise qui employait cent personnes dans dix pays et déclarait 100 millions de chiffre d’affaires. J’ai alors tenté le plus gros coup de bluff de ma vie. Aller à NewYork, au siège d’IBM, sans rendez-vous, rencontrer le boss et le convaincre que ce n’était pas une bonne idée. J’ai pris un hôtel à Manhattan et j’ai appelé son assistante qui m’a répondu qu’aucun rendez-vous n’était agendé. Je lui ai rétorqué que je ne me serais pas déplacé à New-York si je n’avais pas rendez-vous. Et ça a encore marché. Mieux, alors que la rencontre devait durer dix minutes, elle s’est prolongée des heures. J’ai obtenu ce que j’étais venu chercher: IBM a conservé son service auprès de nos clients. Mon secret? J’ai menacé de déposer une plainte pour abus de position dominante, un délit qui se terminait souvent très mal pour l’incriminé à cette époque. Je pouvais enfin me détendre avec un bouquin racontant comment la banque Lazard jouait les entremette­urs en France entre le gouverneme­nt et les entreprise­s nationalis­ées. C’est à ce moment-là que mon téléphone sonne et qu’on m’annonce que Thomson voulait acheter ma société par l’entremise de la banque Lazard! Un des patrons de Thomson s’est déplacé en personne. Je crois l’avoir eu à l’usure. Alors qu’il pensait faire un aller et retour, il est resté trois jours à Genève. Il n’en pouvait plus et a fini par signer à mes conditions. Avec, à la clé, quelques millions. J’avais 30 ans. J’aurais pu arrêter de bosser mais j’ai réinvesti cet argent dans de nouvelles aventures.»

«Il n’est rien au monde de plus puissant qu’une idée dont l’heure est venue» Victor Hugo

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland