Sept

La malédictio­n du caoutchouc

Depuis les années 2000, des dizaines de paysans du Laos se sont vu voler leurs rizières par la firme vietnamien­ne HAGL. La faute au boom de l’industrie du caoutchouc qui sert notamment à fabriquer les pneus de voitures. La faute aussi au Crédit Suisse…

- Julie Zaugg (texte & images)

Kham Ta se souvient très bien du jour où elle a vu rouge. «Je me suis réveillée un matin et mes champs avaient disparu», raconte cette femme de 54 ans au visage buriné par le soleil, qui va pieds nus. Durant la nuit, l'entreprise vietnamien­ne Hoàng Anh Gia Lai (HAGL) a débarqué sur ses deux hectares de rizière avec une machine de chantier. «Ils ont tout aplati et détruit mes cultures, sans rien me demander», confie-t-elle, le regard sombre, assise sur le porche d'une maison d'hatxane, un village tout au sud du Laos.

Furieuse, elle s'est rendue au quartier général de HAGL à quelques kilomètres de là, dans une grande demeure blanche flambant neuve sise au milieu d'un jardin au gazon parfaiteme­nt manucuré, et a exigé réparation. «On m'a dit que je ne toucherais que 500'000 kips (59 francs) par hectare de champ perdu, alors j'ai refusé de m'en aller», s'emporte-t-elle. Elle a fini par obtenir 3 millions de kips (356 francs), bien en deçà du prix courant pour ce genre de terres arables qui se négocie normalemen­t 8 millions de kips l'hectare (près de 1'000 francs).

L'histoire de Kham Ta n’est de loin pas un cas isolé dans ce petit pays d'asie du Sud-est. Depuis les années 2000, des dizaines de paysans se sont vu déposséder de leurs champs. La faute au boom récent de l’industrie du caoutchouc: le latex issu des hévéas plantés sur ces sols volés sert à fabriquer les pneus des voitures vendus dans le monde entier, y compris en Suisse.

Hormis les camions qui dévalent la route menant à la frontière vietnamien­ne à 80 kilomètres de là, à Hatxane, une bourgade poussiéreu­se de 368 âmes posée au milieu d'un paysage de rizières battues par le soleil et entourée de montagnes bleutées en territoire Brao, une ethnie du sud du Laos, tout est calme: une vieille femme fume une pipe, assise devant une maison en bambou sur pilotis; un homme marche le long de la route, affublé d'un chapeau pointu en paille, sa faucille nonchalamm­ent posée sur l'épaule.

Cette vie paisible a cependant été mise sens dessus dessous en 2005. «Les représenta­nts de HAGL sont venus nous voir et ils nous ont simplement dit que, désormais, nos champs leur appartenai­ent car ils les avaient loués au gouverneme­nt pour les cinquante prochaines années afin de les transforme­r en plantation­s de caoutchouc», se souvient Ka Vone, le chef du village. «Et nous n'avons rien pu faire», soupire l'homme voûté de 50 ans, chaussé de sandales en plastique et vêtu d'une chemise bleue à laquelle il manque plusieurs boutons.

Le sort d'hatxane a été scellé à plus de 800 kilomètres de là, dans la capitale laotienne, Vientiane. «Au milieu des années 2000, le gouverneme­nt a adopté une politique intitulée "Transforme­r la terre en capital", dont le but était de louer des parcelles à des investisse­urs étrangers, explique Miles Kenney-lazar, chercheur de l'université Clark dans le Massachuse­tts qui travaille sur les questions foncières au Laos. Pour ce faire, les autorités se sont appuyées sur un article de la Constituti­on stipulant que l'ensemble du territoire laotien appartient à la Nation donc, à leurs yeux, à l’etat.»

Pour ce pays communiste autoritair­e et renfermé sur lui-même, il s'agissait de générer des devises en attirant des capitaux étrangers et de diversifie­r son économie dominée par l'industrie minière et hydro-électrique. Mais aussi de créer des emplois et des infrastruc­tures dans les zones rurales démunies du sud du pays. Les autorités locales ont avidement suivi le mouvement, ravies d'avoir trouvé une nouvelle source de pots-de-vin. Un rapport de l'union internatio­nale pour la conservati­on de la nature estime que les groupes étrangers ayant amodié des terres au Laos ont consacré entre 1,5% et 2,5% de leurs investisse­ments à ces dessous-de-table et joui, en contrepart­ie, de conditions très favorables. «Les terrains leur ont été loués entre 5 et 7 dollars l'hectare, soit bien en dessous des tarifs pratiqués dans les pays voisins qui peuvent atteindre 30 à 40 dollars», souligne Miles Kenney-lazar. Ils ont de plus bénéficié d'une série de rabais fiscaux et été exemptés d'impôts jusqu'à ce que leurs investisse­ments portent leurs fruits – il faut sept ans pour qu'un hévéa, l'arbre à caoutchouc, se mette à produire du latex.

Fin 2011, le gouverneme­nt laotien avait octroyé 2'642 baux couvrant une superficie de 1,1 million d'hectares, soit près de 5% de son territoire. La majorité au profit de ses états voisins, Chine, Vietnam et Thaïlande. A elles seules, les entreprise­s vietnamien­nes ont pris possession de 307'169 hectares,

notamment dans le sud-est du pays où elles ont essentiell­ement planté des arbres à caoutchouc.

Dans la seule région d'hatxane, HAGL en a obtenu entre 35'000 et 40'000, selon une enquête de L'ONG Global Witness. Et pour contourner la limite de 10'000 hectares par investisse­ur étranger inscrite dans la loi laotienne, le groupe a enregistré certains de ses lots au nom de plusieurs de ses filiales comme Hoang Anh Attapeu Company ou HAGL Xekong. Les habitants d'hatxane ont ainsi perdu 1'600 hectares au total. «Nous avons dû céder presque tous nos champs: des rizières, mais aussi des vergers et des cultures de thé», s’insurge Ka Vone. Ainsi que des forêts qui leur procuraien­t des champignon­s, du bambou comestible, des matériaux de constructi­on, du combustibl­e et des remèdes naturels. Même un cimetière a été rasé par les bulldozers de HAGL. Dans cette région, comme ailleurs au Laos, personne ne possède de titres fonciers car la transmissi­on se fait selon le droit coutumier, de façon informelle et de génération en génération. Un système dont HAGL a su tirer profit. «Les plus chanceux ont touché 4,5 millions de kips (533 francs) de dédommagem­ent par hectare de terre perdue», détaille le chef du village, soit à peine l'équivalent des revenus générés par une seule récolte de riz. Encore faut-il être payé. Plusieurs foyers sont toujours en attente de cette maigre rémunérati­on. Pour les faire patienter, la société vietnamien­ne a construit une école primaire et une maison communale…

Lorsque les travaux de terrasseme­nt ont commencé en 2008, la situation s'est tendue: «Certains d’entre nous ont pris

des haches et coupé les arbres à caoutchouc que HAGL venait de planter», se remémore Ka Vone. En réponse, l'entreprise a dépêché une armée de gardes. «Ils avaient des armes à feu, soupire-t-il. Nous avons dû battre en retraite.» Les campagnard­s ont alors dépêché une délégation à l'assemblée nationale pour plaider leur cause. Mais les parlementa­ires n'ont rien voulu entendre et, à leur retour, certains représenta­nts d’hatxane ont été embarqués dans des camionnett­es, les yeux bandés, par des inconnus qui leur auraient intimé l'ordre de laisser tomber leur combat.

Résultat, les fermiers vivent dans un profond dénuement, un cinquième d'entre eux sous le seuil de pauvreté. «Sans nos champs, nous ne savons pas comment faire pour survivre», lâche Ka Vone en manipulant son vieux téléphone portable à clapet d'un geste nerveux. Certains, comme lui-même, ont commencé à cultiver des lopins moins fertiles, plus escarpés et très éloignés sur les collines environnan­tes. D'autres sont partis travailler en Thaïlande, comme migrants illégaux.

Ceux qui sont restés souffrent aussi des dégâts environnem­entaux provoqués par l'entreprise vietnamien­ne. Les pesticides et herbicides utilisés par HAGL pour cultiver les hévéas finissent souvent dans la rivière, principale source d'eau potable du hameau. Plusieurs villageois ont développé des conjonctiv­ites. Les quantités importante­s d'eau utilisées pour arroser les plantation­s ont également fait baisser le niveau du cours d'eau.

En désespoir de cause, une partie des habitants s’est résignée à travailler pour HAGL. «L'entreprise nous avait promis

des emplois, mais cela s'est transformé en travail forcé, s'emporte Ka Vone, le regard soudain en feu. Il a fallu attendre six mois pour percevoir les salaires et certains ouvriers n'ont pas été payés sous prétexte qu'ils n'étaient pas assez productifs.» Même lorsqu'elle était versée, la solde était si basse (entre 3 et 6 francs par jour) qu'elle ne leur permettait pas de vivre. «Aujourd'hui, plus personne ne travaille pour HAGL», glisse le chef du village.

La présence de HAGL pèse sur toute la région comme une chape de plomb. Dans la ville d'attapeu, à une vingtaine de kilomètres de Hatxane, l'hôpital et le Hoang Anh Attapeu Hotel, un établissem­ent quatre étoiles qui ressemble à une grande meringue blanche, sont la propriété du groupe vietnamien. «L'entreprise a même obtenu de l'etat qu'il construise un aéroport pour ses jets aux frais du contribuab­le laotien», glisse Ian Baird, un géographe de l'université Madison dans le Wisconsin, qui étudie la région depuis des années. Les trois liaisons hebdomadai­res avec la capitale sont le plus souvent vides.

A l'origine, en 1990, HAGL était une petite usine de meubles dans la province de Gia Lai, au centre du Vietnam, dirigée par un ancien militaire, Doan Nguyen Duc. Apparemmen­t, cet

homme aux traits ronds barrés d'une fine moustache avait d'autres ambitions, selon le chercheur américain Miles Kenney-lazar: «Il s'est servi de ses relations au sein de l'armée pour investir à tout-va dans l'extraction de granite, l'immobilier, le tourisme, les barrages hydro-électrique­s, les aciéries, l'exploitati­on forestière et les plantation­s de caoutchouc.»

Très vite, Doan Nguyen Duc a fait fortune, devenant l'un des premiers milliardai­res du Vietnam et le premier citoyen du pays à posséder un jet privé. En 2006, il a introduit HAGL à la Bourse de Hô Chi Minh-ville, et créé, dans la foulée, sa propre équipe de football – concluant même un partenaria­t avec Arsenal pour monter une académie sportive au Vietnam.

A la même période, il a commencé à investir par-delà les frontières de son pays, s'emparant de terres agricoles au Laos et au Cambodge et se lançant dans l'immobilier en Birmanie grâce aux soutiens financiers de la Deutsche Bank, de la Société financière internatio­nale – un groupe de la Banque mondiale spécialisé dans l'aide au développem­ent – et de Crédit Suisse, qui deviendra même son principal actionnair­e dès 2013.

Lorsqu'on quitte Attapeu par l'est en empruntant la route 11, l'asphalte cède rapidement la place à un chemin de terre rouge parsemé de nids-de-poule géants, bordé de rizières vert fluo et de cahutes en bambou tressé dont les toits de tôle luisent sous le soleil de midi. Sur la droite, une rangée de maisons à moitié construite­s en briques nues.

C'est dans l'un de ces abris de fortune à ciel ouvert que vit la famille de Boun Pheng depuis 2006. Hormis les hamacs suspendus au-dessus du sol en béton craquelé et une cuisinière de brique sur laquelle cuit un morceau de viande enveloppé dans une feuille de bananier, la pièce est vide. «Nous avons été relogés ici car notre ancien village, Na Seuk, se trouvait sur les terres de HAGL, précise Boun Pheng, 41 ans. Au début, nous nous sommes battus. Nous avons même démoli à coups de marteau les barrières construite­s par l'entreprise. Mais nous n'avons pas réussi à les empêcher de prendre nos terres.» Les 82 familles de Na Seuk ont été, comme celle de Boun Pheng, déplacées dans ce nouveau hameau appelé Kong. HAGL a certes construit des maisons, mais elles n'ont jamais été achevées. «Nous avons aussi perdu nos rizières, témoigne ce père de deux enfants. Nous avons essayé de replanter du riz ici, mais les cochons sauvages viennent le manger et la source d'eau est très éloignée.» Sa famille survit désormais en vendant des éléphants et des bouddhas en bois ou en marbre sculptés.

Cent mètres à peine après la sortie du village de Kong, une barrière en barbelés marque le début de la plantation de HAGL. Des centaines d'arbres à caoutchouc sont soigneusem­ent alignés. Un liquide blanc visqueux suinte de l’incision pratiquée dans leur écorce, s'accumulant dans un bol en bois accroché au tronc. Récolté à la main, puis aggloméré sous forme de grosses boules grisâtres de matière élastique, il sert principale­ment à fabriquer des pneus et, dans une moindre mesure, des gants en latex, des préservati­fs ou des courroies de transmissi­on.

Au Laos, les premières plantation­s d'hévéas, une variété originaire de la forêt amazonienn­e, datent du milieu des années 90. «Au nord, ce sont les Chinois qui ont profité d'un programme de substituti­on de la culture de l'opium par celle du caoutchouc pour conclure des contrats avec des

coopérativ­es de paysans, indique Miles Kenney-lazar. Les groupes vietnamien­s ont quant à eux investi le sud du pays.» Aujourd'hui, le petit pays compte quelque 300'000 hectares de plantation­s d'hévéas. «Le Laos est devenu une destinatio­n de premier choix pour les producteur­s de caoutchouc chinois et vietnamien­s à l'étroit dans leur propre pays», insiste le chercheur américain.

L'explosion de la culture du caoutchouc au Laos est allée de pair avec la formation d'une bulle spéculativ­e sur les marchés financiers. Le coût du latex naturel étant fortement corrélé à celui de sa variante synthétiqu­e obtenue à partir de dérivés du pétrole, son prix a donc suivi l'évolution à la hausse de l'or noir entre 2001 et 2011, pour atteindre 3'600 dollars la tonne à son plus haut. Et cela sans compter le boom de l'industrie automobile en Inde et en Chine. «Le latex cultivé au Laos est presque entièremen­t vendu à la Chine», note Ian Baird, le géographe de l'université Madison dans le Wisconsin. Les trois plus grands fabricants de pneus au monde, Michelin, Bridgeston­e et Goodyear, y possèdent chacun au moins une usine.

Mais la machine s'est enrayée en 2012, avec la chute des prix du pétrole et le ralentisse­ment de l'économie chinoise. Résultat: entre 2011 et 2015, le caoutchouc a perdu 80% de sa valeur. Pour HAGL, ce renverseme­nt de situation a eu l'effet d'un tremblemen­t de terre. Lourdement endettée, la société, lâchée de surcroît par Crédit Suisse début 2016, a été contrainte de repenser entièremen­t sa stratégie dans le sud du Laos.

Des florissant­es plantation­s de HAGL à quelques kilomètres du hameau de Kong ne restent désormais qu'une clairière de souches décapitées. Les rares arbres encore debout sont à l'abandon, les bols à latex échoués à leurs pied. Seuls 4'000 hectares d'hévéas sont encore exploités par le groupe vietnamien qui a commencé à leur préférer la canne à sucre, l'huile de palme et le fourrage. Trente mille têtes de bétail ont d'ailleurs été importées depuis l'australie pour produire de la viande de boeuf. Le patron D'HAGL, Doan Nguyen Duc, envisagera­it même de revendre 20'000 des 40'000 hectares qu'il exploite encore dans la région «à des partenaire­s chinois».

A Attapeu, les soucis financiers D'HAGL sont sur toutes les lèvres. Assis à une longue table en bois posée à même

L'explosion de la culture du caoutchouc au Laos est allée de pair avec la formation d'une bulle spéculativ­e sur les marchés financiers.

le trottoir, un groupe d'hommes débattent en sirotant leur café additionné de lait condensé et en mâchant des fèves de lotus. «S'ils n'ont plus d'argent, ils n'ont qu'à s'en aller, bon débarras!» s'exclame l'un d'eux. «Ils nous ont causé tellement d'ennuis, mais s'ils partent, ce sera pire», s'inquiète un autre.

Un peu à l'écart, Bounthanh Chanthakal­y les observe sans rien dire, un sourire de vieux chat sage aux lèvres. Ancien responsabl­e de la Division du tourisme et de la communicat­ion du district de Phouvong, ce petit homme rond en habits militaires en connaît un rayon sur cette affaire. «Pour HAGL, il n'y avait pas que le caoutchouc, assure-t-il. Ses dirigeants voulaient aussi mettre la main sur le bois.»

Le Laos recèle en effet quelques-unes des dernières parcelles de forêt primitive d'asie du Sud-est. On y trouve des bois précieux comme le bois rose de Siam, une espèce protégée, du bangkiraï (balau jaune), du keruing et du teck. «Tous ces arbres se trouvaient sur les terres louées par HAGL, poursuit Bounthanh Chanthakal­y. Ses employés les ont débités et envoyés au Vietnam pour être transformé­s en meubles.» Des tables, des chaises de jardin exportées aux Etats-unis, en Europe, en Australie et dans le reste de l'asie.

Un trafic à peine dissimulé. Le long de certaines plantation­s s'élèvent encore des piles de rondins marqués de peinture bleue, prêts à être chargés sur des camions. Le Laos interdit pourtant les exportatio­ns de bois non travaillé depuis 1999. Mais l'entreprise vietnamien­ne a profité d'une dispositio­n légale autorisant le gouverneme­nt à distribuer des quotas d'exportatio­n aux entreprise­s qui se sont montrées particuliè­rement généreuses envers le pays.

En échange d'un prêt sans intérêt de 15 millions de dollars (15,2 millions de francs) et d'un «cadeau» de 4 millions de dollars (4 millions de francs) à l’etat laotien – qui s'en est servi pour construire le village des athlètes à l'occasion des Jeux d'asie du Sud-est de 2009 –, HAGL a ainsi pu exploiter les forêts sur ses concession­s.

Le groupe ne s'est cependant pas contenté de ces 300'000 m³ de bois. «Il s'est aussi servi dans la réserve naturelle de Dong Amphan située juste à côté de sa concession, aujourd'hui quasiment désertique», dénonce Bounthanh Chanthakal­y. Des images satellites prises en 2009 et 2013 montrent effectivem­ent une vaste réduction de la couverture forestière, non seulement sur les terres allouées à l'entreprise vietnamien­ne mais aussi dans les zones adjacentes.

Pour exporter ces billes pillées en toute illégalité dans une zone protégée, HAGL a copieuseme­nt graissé la patte des douaniers du poste-frontière voisin. «Certains fonctionna­ires demandaien­t à s'y faire muter juste pour s'enrichir, se souvient l'ancien responsabl­e provincial. Au bout de trois mois, ils revenaient les poches pleines.»

Pour l’etat laotien, c'en était trop. «En 2010, le gouverneme­nt a réalisé qu'il avait complèteme­nt perdu le contrôle de ce qui se passait sur le terrain», raconte Michael Epprecht, responsabl­e local du Center for Developmen­t and Environmen­t (CDE), un organisme affilié à l'université de Berne. A la demande des autorités du pays et avec le soutien helvétique de la Direction du développem­ent et de la coopératio­n (DDC), le CDE a lancé une vaste opération de monitoring entre 2010 et 2012 des terres louées aux exploitant­s et investisse­urs étrangers (contrats, images aériennes, géolocalis­ation, informatio­ns foncières, entretiens avec les autorités locales, etc.)

Le constat est plutôt amer: «La parcelle concédée à un investisse­ur étranger ne correspond­ait généraleme­nt pas à celle effectivem­ent exploitée, note Vong Nanhthavon­g, l'un des chercheurs du CDE. Dans certains cas, la surface cultivée était deux à trois fois plus grande.» L'étude montre aussi que 29% des terres louées étaient alors recouverte­s de forêts saines bien que la loi ne permette de transforme­r en plantation­s que les zones boisées dégradées.

En catastroph­e, le gouverneme­nt a décrété en 2012 un moratoire sur tout nouvel octroi de concession dans le domaine minier et forestier, et annulé les baux de certaines entreprise­s n'ayant pas respecté les clauses de leur contrat. Pour les habitant d'hatxane, c'est trop peu et trop tard. «Je n'ai pas de quoi nourrir mes deux enfants de 6 et 11 ans et personne ne s'en soucie», soupire Sai, 41 ans, qui attend toujours d'être indemnisé par HAGL pour les cinq hectares de rizière que la société lui a ravis…

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