Pourquoi je me suis enfuie de mon pays
Je m’appelle Tserendolgor. Les gens m’appellent Tseren. Je suis citoyenne de la République de Mongolie. Je suis femme d’affaires depuis l’âge de 23 ans. Mais à présent, toutes mes affaires liées à mon entreprise sont au point mort.
A la suite de la chute du mur de Berlin et de l’effondrement du système communiste en 1990, la Mongolie s’est engagée dans la voie de la démocratie il y a maintenant 27 ans. Le 26 juin 2017, les électeurs mongols vont aux urnes pour choisir le président de la République de Mongolie. Je fuis la Mongolie temporairement en raison des divers faits liés à cette élection présidentielle. Mon époux ainsi que mes deux enfants sont restés dans le pays. Les vacances d’été de mes deux enfants n’ont pas encore commencé. Ils ont le droit de poursuivre leurs études.
Je suis arrivée en septembre 2016 la première fois en Suisse, à la suite de l’invitation de l’association des juristes défenseurs de l’environnement. Je me suis adressée au procureur de la Confédération suisse afin de soumettre les comptes détenus par S. Bayartsogt, ex-ministre des Finances de la Mongolie. Car toutes les institutions mongoles n’ont pas répondu à ma demande depuis 2013.
La Mongolie se trouve actuellement dans une situation critique. Mon pays occupe un territoire 38 fois plus grand que la Suisse et abrite certaines des plus grandes ressources naturelles au monde.
La majorité des habitants de mon pays est très jeune, elle est traditionnellement respectueuse de l’environnement. Pourquoi alors la population vit-elle sous le seuil de pauvreté et de nombreuses personnes n’ont-elles qu’une envie: fuir le pays?
Rien qu’à Genève où je me trouve actuellement, vivent plus de 2'000 compatriotes. La plupart des pays européens considèrent la Mongolie comme étant un pays sûr; donc aucun pays n’accepte les demandes d’asile politique des habitants venant de la Mongolie. Nous sommes souvent assimilés à des immigrés économiques.
Aujourd’hui, plus de 140'000 citoyens mongols représentant presque 5% de la population se trouvent à l’étranger sans papiers ni protection. La plupart des pays européens refusent les demandes d’asile politique car la Mongolie est considérée comme pays démocratique. Les responsables mongols déclarent solennellement lors de leurs visites à l’étranger que la Mongolie est un pays qui respecte les droits de l’homme. En réalité, ils ne cherchent qu’à se faire connaître. Leurs déclarations ont souvent pour but de faire connaître leurs propres personnalités à l’étranger.
Le populisme s’est profondément ancré à tous les niveaux de la politique. Depuis 8 ans, la Mongolie est dirigée par le président Elbegdorj, qui a été indiscutablement une des grandes figures du début du mouvement démocratique. Mais à présent Elbegdorj est devenu un symbole de la dictature des oligarchies. Comme dans tous les ex- pays communistes, la corruption a pris son envol et la répartition des richesses s’est faite de manière très injuste. A titre d’exemple, le vice-ministre des Finances de Mongolie, à la suite de contrôles au sein de la Banque centrale de Mongolie, a déclaré que 98% du montant des épargnes appartiennent au 4% de tous les titulaires de compte dans les banques mongoles. Les dettes extérieures et intérieures de la Mongolie s’accumulent de jour en jour et représentent l’équivalant de 22 milliards de dollars, soit un an de PNB du pays. La Mongolie promeut une fiscalité très avantageuse afin d’attirer l’investissement étranger; mais les revenus engendrés par les investissements étrangers ont été confisqués par un petit nombre de personnes et dissimulés dans des paradis fiscaux.
Selon les sources non officielles, plus de 17,5 milliards de dollars ont été dissimulés dans des comptes offshore.
Au printemps 2017, de nombreuses associations ont organisé des manifestations anticorruption mais malheureusement, le Parlement mongol a entériné une loi afin de défendre les personnalités politiques qui détiennent les comptes offshore dans des paradis fiscaux.
La démocratie est vécue comme une structure qui accouche et qui favorise les corrompus dans notre pays. Plus de 40% des habitants du pays survivent sous le seuil de pauvreté avec moins d’un dollar par jour. La Mongolie possède un climat très hostile, avec un grand écart de température entre l’été (+30°C) et l’hiver (-30°C ); cette situation a des répercussions lourdes sur la population locale urbaine.
Plus de 40% de la population urbaine n’a pas accès à l’eau potable à domicile et ne possède que des toilettes sèches. De nombreuses maladies infectieuses se déclenchent et progressent. L’apparition soudaine et massive des mines et leurs
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actions d’exploitation de l’or ont déjà engendré des situations irréversibles dans l’équilibre naturel. Plus de 70% de nos terres ont été désertifiées et l’élevage traditionnel pastoral est sur le point de disparaître. Cette situation oblige les éleveurs nomades à abandonner leur terre et leurs activités traditionnelles afin de se rapprocher des zones urbaines ou à quitter leur pays.
En résumé, la situation actuelle du pays est directement liée aux comportements des personnalités politiques. Les gens ont perdu foi en la démocratie et choisissent l’ancien régime politique: le communisme. Le Parlement mongol compte 76 sièges dont 66 sont occupés en 2016 par les membres venant des partis politiques de l’ancien régime. Les partis comme PPRM et PPM ont établi un gouvernement absolu avec sa majorité écrasante.
Tseren Enebish, citoyenne mongole.