Sept

À LA RECHERCHE DES FANTÔMES DU CAP ARCONA

- Par Gérard A. Jaeger

L’air est saturé d’un brouillard lourdement ancré sur le sol. Soudain, le train s’immobilise dans une ultime secousse. Mon sommeil s’interrompt, mais un rêve m’habite. Nous descendons au terminus maritime de Zeebrugge, dans le nord de la Belgique. Une humidité glaçante enveloppe la petite gare de briques rouges. Il est à peine six heures du matin.

Je suis accompagné de ma femme, qui m’assiste comme à chacun de mes repérages. C’est elle qui les organise. Nous contournon­s le bâtiment dont les portes du hall sont encore closes. L’agent de la compagnie maritime qui doit nous accueillir devrait être là, mais il est en retard. Nous battons le pavé, seuls au monde. Un réverbère balance à sa triste potence une ampoule nue, qui clignote, hésitante, s’éteint, puis se rallume au gré du hasard. Par habitude. Elle projette dans les flaques une lumière agressive. Sur le rond-point qu’elle éclaire par intermitte­nce, la pesanteur a figé le temps. Elle lui a fait perdre son cap. Patients, nous sommes encalminés, assis sur nos sacs, à la manière des personnage­s surréalist­es du peintre Paul Devaux. Pour nous comme pour eux, cette gare préfigure l’accès aux contrées de l’imaginaire.

Sporadique­ment, le brouillard dévoile un peu du paysage alentour et ses rues désertes. Loin de la Bruges romantique, cet endroit nous offre un décor cinématogr­aphique. Ici, tout est en noir et blanc. On s’attend à voir descendre le commissair­e Maigret d’une Traction d’avant-guerre. Au loin, une cloche sonne: c’est à n’y pas croire! J’en ai la chair de poule. On s’imagine loin de toute activité humaine et pourtant, le port qui jouxte cette cité fantôme est l’un des plus actifs d’europe…

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland