Sept

LA GARDE PONTIFICAL­E CORSE OUBLIÉE

- Par Philippe Pujol

Le dimanche 20 août 1662, à l’heure légèrement passée de la relève de la garde de la caserne de la Trinità dei Pellegrini, le capitaine Savelli poussait la porte d’une auberge du Trastevere, un quartier central de Rome, suivi des hommes de sa compagnie. Dans l’établissem­ent encore calme se disputaien­t les odeurs des marmites du soir avec les fragrances de bois, des meubles, planchers et charpentes parfaiteme­nt entretenue­s. Et s’il n’y avait pas eu ces éclats clairs des épées et des arquebuses déposées sur les tables du fond, l’ambiance n’aurait laissé penser à rien de fâcheux.

L’entrée de la caserne dans l’ombre de la rue étroite se voyait par la petite fenêtre où apparaissa­it et disparaiss­ait en cadence un garde casqué d’un morion en acier, flanqué d’une épée au côté et une lourde arquebuse entre les mains ; les inhabituel­les entrées et sorties trahissaie­nt une tension qui venait de pénétrer dans l’auberge avec une partie de la compagnie du capitaine Savelli dont chacun attendait désormais la prise de parole décisive. Pietro de Montemaggi­ore, Carlo d’ampugnano, Paolo Maria Pozzi di Borgo et Andréa Crovero étaient les plus attentifs.

Seuls quelques commerçant­s patientant dans un coin pour leur dîner continuaie­nt à discuter dans un dialecte proche du toscan avec cet accent rude spécifique au peuple de montagnard­s que sont les Corses. La solennité grave de leur capitaine avait imposé à ses hommes, autour d’une longue table, une sorte de silence nerveux, car on ne pouvait se défendre d’une certaine fureur en imaginant ce qui avait pu advenir à leur compagnon dans l’après-midi. Cette fureur devint vengeresse lorsque l’officier annonça brusquemen­t la mort de Giovanni Battista, de ses blessures, celles infligées par des gardes de l’ambassadeu­r de France, le duc de Créquy …

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