Sept

Edito

- Patrick Vallélian

Chère lectrice, Cher lecteur,

C’est le paradoxe «Albert Londres». Si ce grand reporter (1884-1932) auquel nous consacrons le 34e opus de notre Sept mook, fait figure encore aujourd’hui de modèle d’un journalism­e d’investigat­ion au service de la vérité, sa mort tragique en 1932 fut l’objet à l’époque d’une avalanche de fake news plus abracadabr­antesques les unes que les autres.

Rien ne fut d’ailleurs épargné à notre pauvre Albert dont le corps a été avalé par les eaux sombres du golfe d’aden. Ni les batailles d’experts. Ni la récupérati­on idéologiqu­e par une droite qui dénonçait un attentat des communiste­s chinois et par une gauche qui pointait du doigt des trafiquant­s de drogue. Ni les témoignage­s bidon alors que les causes de l’accident étaient largement plus… prosaïques, comme le révèle Bernard Cahier après des années d’enquête (lire pages 86 à 109).

Et ne croyez pas que les années 1930, c’est de l’histoire ancienne. Nous vivons désormais tous les jours des crises similaires dont se nourrissen­t les GAFAM, les géants du web. L’informatio­n est devenue le champ de bataille privilégié des grandes puissances, des gouverneme­nts, des lobbies, des «ismes». Un lieu de chaos où tous les coups sont permis. Qu’importe la vérité, tant qu’on a l’ivresse du clic. Qu’importe si leurs mensonges laissent des cadavres sur le bord du chemin.

Sept ans après la création de Sept, nous en sommes plus que jamais persuadés: ralentir le rythme de l’informatio­n est nécessaire pour saisir la réalité de notre époque et pour entrer en résistance contre les marchands de sornettes.

Faire mieux, mais moins, douter, enquêter, douter encore et toujours, remettre le travail sur le métier, chercher, nous immerger, voyager, questionne­r, vérifier, corriger, relire, recorriger et revérifier… tels sont les ingrédient­s de notre recette à succès puisque vous êtes toujours plus nombreuses et nombreux à nous rejoindre. Mille mercis à vous de nous faire confiance.

Cette recette, Albert Londres l’appliquait déjà il y a un siècle (lire pages 164 à 171). Cet artisan d’une informatio­n vérifiée et vérifiable s’offrait lui aussi le temps et l’espace quand il s’en allait dans le golfe Persique raconter la misère des pêcheurs de perles (lire pages 30 à 65)

ou qu’il dénonçait l’horreur des camps de concentrat­ion qu’étaient les bagnes de l’armée française et ceux où la République envoyait pourrir ses enfants mal-aimés.

Avant de vous laisser plonger dans les pages de notre numéro consacré à cet auteur majeur du slow journalism­e, avec, je l’espère, le même plaisir et la même gourmandis­e que nous avons eu à le réaliser, je souhaite remercier toutes celles et tous ceux qui nous ont permis de patiemment monter le puzzle qu’est un mook aussi riche et précieux.

Merci à Olivier Weber, membre du jury du prix Albert Londres qui nous a ouvert tant de portes, à Romain Vidal des Archives nationales (France), à Marie de Colombel, présidente de l’associatio­n Maison d’albert Londres, à Benoît Heimermann et aux Editions Paulsen, à Alain Sprauel, biographe, et à Bernard Cahier, président de l’atelier Albert Londres, et à Stéphane Joseph, directeur de la communicat­ion de la Scam qui gère le prix Albert Londres.

Bonne lecture

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