TOUT POUR LA TUNISIE !
« Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. mais ce que vous pouvez faire pour votre pays” (John Fitzgerald Kennedy, discours inaugural, 20 janvier 1961). Cette recommandation du Président américain devrait être rappelée à la classe politique tunisienne post-révolution, qui a pris le pouvoir suite à la contestation populaire, mais s’est préoccupée de la quête des charges gouvernementales et parlementaires, occultant les attentes sociales.
Le paysage politique tunisien
Tout est spectacle et chaque jour le spectacle est différent. Chacun de nous y devient à la fois spectateur et acteur, lui même protagoniste de scènes dont tous les autres sont spectateurs. Ainsi se définit la situation tunisienne actuelle. La révolution n'a rien changé au quotidien des banlieues, populaires et aux régions internes. Par ailleurs, la population subit la montée des prix et la dévaluation du dinar. L’affaiblissement du pouvoir d’achat est aggravé par les coupures fréquentes d’eau, la pénurie du lait, et le manque de médicaments de première nécessité.
L'histoire immédiate tunisienne est vécue comme une farce ou une tragédie. Un jeune, entrepreneur, m’a dit : «La Tunisie est comme un jeune de 14ans, qui se réveille après une cuite et se révolte”. Optimiste, il déclare cependant: «La jeunesse doit assumer et se battre”. Les terroristes, « des ratés de l'intégration», qui menacent l’ordre public et ont en partage l’obscurantisme. Pour la majorité, l’avenir est incertain.
Les logiques d’action individuelles sont déclassées par le mouvement social, c'est-à-dire «les manières d’agir, de penser et de sentir, extérieures à l’individu” (Durkheim). Les politiques, experts en théorisation verbale, ne donnent pas la juste dimension à la situation sociale. On leur reproche volontiers de manier «la langue de bois» ou de se comporter en illusionnistes. Fait d’évidence, il faut transgresser les réflexions construites a posteriori et les humeurs partagées. Les dirigeants de l’ère post-révolution, qui ont formé au fil des jours un collectif plutôt solidaire, sont d'une certaine façon des antihéros d’un star système. Fait certain, l'establishment est victime d'un long désamour.
Il y a une rupture évidente qui n’épargne aucune formation politique. Nida Tounes et les groupuscules formés par ses fondateurs dissidents sont particulièrement affectés. Les élections municipales ont confirmé leur échec, dans le cadre de la dérive gestionnaire du parti fondateur. Le paysage politique est formé de deux pôles fondamentaux inconciliables et de zones d’incertitudes. Le jeu politique occultant cette évidence est vouée à l’échec. La classe politique en prend conscience, après la dérive géopolitique de l’instance gouvernementale (2014 – 2018).
L'establishment prolonge la crise
Prenant ses distances des revendications sociales, marginalisant la pression populaire, faisant peu cas des attentes de la jeunesse, la classe politique a consacré son «jeu d’échecs » à la bataille des sièges ministériels et à l’affrontement concurrentiel entre les mouvances, les coteries et autres chapelles. La guerre du pouvoir s’est déclenchée et s’est développée à l’insu de la population :
- Attaque du chef du gouvernement par la direction autoproclamée de Nida et recherche de soutien de sa campagne auprès de la centrale syndicale,
- Alliance de fait du chef du gouvernement avec Ennahdha, qui le soutient, dans le cadre d’une soi-disant stabilité.
- Evocation d’un « complot » et licenciements au sein de la Garde nationale, après l’éviction du ministre de l’Intérieur,
- Discours du chef du gouvernement délégitimant la direction actuelle de Nida Tounes,
- Démission de certains ministres de leurs partis, pour garder leurs charges, après le départ de leurs instances politiques de Carthage II.
Vu l’impact de la crise politique et le mécontentement général, le président de la République est descendu dans l'arène. Prenons en compte le dit et surtout le non-dit du président : on remarque sa prise de distance du chef du gouvernement qui n’exclut pas un éventuel départ de Youssef Chahed. D’autre part, la crise de Nida Tounes ainsi d’ailleurs que l’alliance avec Ennahdha semblent occultées.
Une relève annoncée
Peut-on résoudre la crise par une stricte application de la Constitution ou un changement du personnel politique ? Irait-on vers des élections anticipées pour changer la donne ? On semble s’orienter plutôt vers un remaniement ministériel, plus ou moins important. Les citoyens qui s’expriment affirment leur souhait d’un gouvernement de compétences, en nombre réduit, austérité oblige.
Clé du problème, Nida Tounes, bien affaibli devant Ennahdha, semble l’objet d’une reconstruction générale, par une recomposition de l’équipe dirigeante, l’intégration des fondateurs et le départ des nouveaux venus. Mais la crise socioéconomique est plus profonde. Elle requiert une mobilisation générale, l’adoption d’une politique d’austérité et la prise en compte du « panier de la ménagère». Comment rétablir les finances publiques et arrêter l’endettement ?
La Tunisie nouvelle requiert une vision collégiale. Il ne s’agit pas de rechercher des personnages charismatiques, des hommes providentiels. Nous vivons des temps nouveaux qui exigent une vraie renaissance, à l’appui d’une mobilisation populaire. Revisitons notre grille des valeurs et réactualisons nos références, pour faire face aux défis et faisons tout pour reconstruire la Tunisie de demain, objet de nos espérances, de nos rêves et de nos ambitions