Des quick-wins réglementaires pour soutenir la parité du dinar
Par Moez Labidi*
Le taux de change du dinar continue de subir de plein fouet la dégradation des fondamentaux de l’économie tunisienne : une nette hausse des prix à la consommation ramenant le taux d’inflation, au mois de septembre 2018, à 7,4 % en glissement annuel, un creusement du déficit de la balance courante (10.3 % du PIB pour l’année 2017) et un tarissement du stock des réserves de change (76 jours d’importations vers le 10 octobre 2018) [Figure 1 et 2]. Du coup, des pressions baissières se sont abattues sur la monnaie tunisienne poussant l’euro à franchir aujourd’hui la barre des 3,200 dinars et le dollar la barre de 2,800 dinars.
Cette détérioration des fondamentaux trouve une explication dans une série de facteurs internes (climat sécuritaire, revendications sociales démesurées, lourdeur administrative, manque de visibilité politique …) et externes (croissance anémique dans la zone euro, flambée des prix des matières premières).
1 - Une dépréciation coûteuse pour l’économie tunisienne
Pourquoi le théorème des élasticités critiques n’a pas fonctionné ?
Théoriquement, une forte dépréciation pourrait booster les exportations en rendant les produits nationaux plus compétitifs, et freiner les importations, en renchérissant leurs prix, orientant la demande vers les produits nationaux, et améliorant ainsi le solde commercial. Mais malheureusement le théorème des élasticités critiques n’a pas été d’un grand secours pour les partisans du glissement du dinar. Certes, en termes réels, il a fallu attendre 2016 pour observer une nette dépréciation, mais c’est surtout l’hostilité de l’environnement qui a grippé les canaux de transmission de l’effet positif de la dépréciation à la balance courante. Plusieurs facteurs peuvent être repérés.
Primo, la crise de la dette souveraine et l’anémie de la croissance qui en résulte dans la zone euro continuent de peser sur la demande en Europe, et prive ainsi l’économie tunisienne des dividendes du glissement du dinar sur les exportations.
Secundo, la dégradation du climat sécuritaire qui a engendré la chute des IDE et des recettes touristiques. La multiplication des actes terroristes a miné le climat sécuritaire limitant ainsi la portée d’une dépréciation sur les recettes touristiques et enfonçant davantage le tourisme tunisien dans la catégorie bas de gamme avec une clientèle adepte du all-inclusive. Un tel modèle très efficace pour neutraliser les effets d’entraînement du tourisme sur les autres secteurs de l’économie.
Tertio, les revendications sociales excessives qui ont été couronnées par des hausses salariales démesurées ont fortement déstabilisé les finances publiques et alimenté les pressions inflationnistes. Des sit-in sauvages ont causé des pertes colossales dans les recettes en devises des grandes entreprises exportatrices (Compagnie des Phosphates de Gafsa et Groupe Chimique, à titre d’exemple). L’effondrement de ces recettes a fortement pesé sur le stock des réserves en devises, poussant ainsi le dinar vers une dépréciation plus importante.
Quarto, le glissement du dinar conjugué au blocage de certaines entreprises exportatrices a alimenté les craintes des investisseurs étrangers qui demeurent très sensibles au risque de dévalorisation des bénéfices rapatriés. De telles craintes l’ont amené à réviser à la baisse leurs projets d’investissement ou même à déserter le site Tunisie pour d’autres destinations, accentuant davantage le rythme de glissement de la monnaie tunisienne.
Enfin, l’environnement des affaires n’est plus encourageant même pour les entreprises exportatrices résidentes qui se sentent handicapées dans la concurrence internationale par la dégradation de la qualité de la gouvernance administrative (Rapports de Doing Business).