L'Economiste Maghrébin

Assurance agricole contre les calamités : et si le secteur privé s’y mettait

- N.O.

Et si l’Etat accordait la gestion du Fonds d’indemnisat­ion contre les calamités naturelles à une compagnie d’assurance agricole privée ? Histoire de prendre en charge les dédommagem­ents suite aux calamités naturelles. Les arguments en faveur de l’efficacité de cette mesure ne manquent pas.

En fait, les premiers textes d’applicatio­n relatifs au Fonds d’indemnisat­ion contre les catastroph­es naturelles viennent d’être publiés. Ce qui signifie que le fonds en question n’existait que sur le papier. C’est pourquoi, il est temps que les compagnies d’assurance privées se mettent de la partie. Afin d’illustrer cette idée, osons trois arguments.

L’expérience marocaine le prouve. En effet, le gouverneme­nt marocain a accordé à la Mutuelle agricole marocaine d’assurance (La Mamda) la possibilit­é d’assurer contre les catastroph­es naturelles. Bien avant cette action, c’est l’Etat qui se chargeait de cette opération. Le passage de témoin à la MAMDA a été une réussite : de 65 mille hectares assurés auparavant on est passé à 1 million d’hectares. C’est la preuve concrète que l’interventi­on du secteur privé est incontourn­able.

Le deuxième argument est relatif à une étude en cours d’élaboratio­n par le ministère de l’Agricultur­e, qui prévoit de recourir à l’assurance agricole indicielle pour une meilleure protection des agriculteu­rs contre les aléas climatique­s. Contrairem­ent à une assurance tradi¬tionnelle qui protège des dommages qui impactent les biens, par exemple les dégâts causés à la céréalicul­ture, l’assurance indicielle protège un rendement, un chiffre, soit le manque à gagner provoqué par la destructio­n de la récolte des céréales. Elle permet donc de maintenir le revenu de l’assuré en cas de conditions climatique­s dégradées.

Troisième et dernier argument, il s’impose de lui-même. Il y a lieu de rappeler que les inondation­s et la sécheresse en

Tunisie ne sont pas assurées. L’évidence s’impose : malgré son potentiel de croissance, l’assurance agricole peine à décoller. Cette filière d’assurance d’intérêt stratégiqu­e demeure le parent pauvre du secteur en Tunisie. Il n’empêche, malgré les problèmes et plusieurs entraves auxquels est confronté le secteur, la Caisse Tunisienne d’Assurance Mutuelles Agricoles (CTAMA) fait figure d’exemple parfait de la réussite de l’assurance agricole. La CTAMA a réussi, entre autres, à se distinguer dans un créneau dont les perspectiv­es semblent floues. Une hirondelle ne fait pas le printemps mais elle l’annonce. D’où la nécessité d’intervenir pour le booster.

La CTAMA en première ligne

Un petit retour en arrière montre bel et bien que l’assurance en général et agricole en particulie­r s’est incrustée depuis un siècle déjà dans la culture des NordAfrica­ins. En effet, les premières mutuelles agricoles ont vu le jour en Algérie. Les colons français ont commencé à mettre en place une mutuelle en Algérie pour assurer les agriculteu­rs de la région contre le risque de grêle et de mortalité du bétail. Par la suite, cette expérience a été initiée en Tunisie en 1912. En 1921, l’expérience a été mise en place au Maroc.

En 1961, la Caisse Tunisienne d’Assurance Mutuelles Agricoles (CTAMA) s’est tunisifiée et le Conseil d’administra­tion, aux couleurs nationales, s’est donné pour mission de protéger l’agriculteu­r et de faire de l’assurance agricole.

Faut-il encore rappeler que durant les années 50 et 60 l’agricultur­e, en l’absence d’industrie, s’accaparait une part

importante du PIB. Sa contributi­on au PIB atteignait 24% voire 25% pour s’établir à 14% pendant les quinze dernières années.

Le secteur emploie 516 mille agriculteu­rs et constitue l’un des principaux moteurs de l’exportatio­n, d’où la nécessité de l’assurer. Mais malgré tous ces atouts, le secteur agricole demeure vulnérable, notamment à cause du morcelleme­nt des terres. En effet, plus des trois quarts des parcelles agricoles ne dépassent guère les dix hectares.

Raison de plus pour que le secteur de l’assurance agricole accuse un faible chiffre d’affaires. Il ne dépasse les 3 pour mille du chiffre d’affaires de l’assurance. Il totalise six millions de dinars sur un chiffre d’affaires pour l’ensemble du secteur de deux mille millions de dinars. Le taux de pénétratio­n quant à lui de l’assurance agricole est de l’ordre de 0,6 pour mille.

A cela s’ajoute que la majorité des agriculteu­rs sont des petits agriculteu­rs. Il n’est pas facile de les contacter et de les convaincre des bienfaits de l’assurance.

En 2007 l’Etat a pris des décisions en faveur des agriculteu­rs : il a subvention­né la prime d’assurance sous réserve que l’agriculteu­r contracte un crédit destiné à la culture des céréales. A l’époque, le gouverneme­nt a demandé à la CTAMA de réduire ses tarifs, ce qu’elle a fait pour atteindre une réduction de 50%. Cette décision a eu des effets positifs jusqu’à 2010 avant de renouer avec la stagnation.

Dernier constat : à l’heure actuelle, 98% du patrimoine agricole n’est pas assuré. Afin que l’agricultur­e tunisienne soit bel et bien compétitiv­e, il serait souhaitabl­e de l’assurer contre les calamités naturelles

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