Un potentiel unique de croissance
Le secteur des assurances en Tunisie est l’un des rares qui offre un potentiel de croissance à deux chiffres et cela pendant des années. Le taux de pénétration dans l’économie reste très faible, et ne dépasse guère les 2%. C’est faible par rapport à ce que l’on recense ailleurs, soit près de 8% en Europe. Si le secteur affiche des primes de l’ordre de 2 milliards de dinars, atteindre le même taux en Europe serait d’une grande utilité pour l’économie nationale.
Principaux chiffres de 2017
L’un des problèmes des secteurs est l’indisponibilité de l’information, au moins pour le grand public. Lors de la rédaction de ces lignes, nous étions en attente d’avoir un complément d’information pour nous faire une idée précise sur le secteur. En effet, et à titre d’exemple, les mutuelles n’ont pas l’obligation de publier leurs états financiers. De plus, il y a des compagnies qui n’ont pas encore affiché leurs performances en 2017. Ainsi, nous allons présenter des statistiques incomplètes, basées sur les états financiers de 17 compagnies. Le chiffre d’affaires total s’élève à 1,722 milliard de dinars, dont 76,2% de primes Non-Vie. Le secteur reste très dépendant de l’activité Automobile, qui représente plus de 45% des ventes.
Pour 2018, les premiers chiffres sont prometteurs. Selon le CGA, le chiffre d’affaires du secteur a évolué de 12,1 % au cours du premier trimestre 2018 pour atteindre 725 millions de dinars. Néanmoins, nous ne savons rien quant à l’origine de cette croissance. Nous pensons que c’est un effet prix plutôt qu’un effet volume. L’assurance Vie a enregistré une progression de 30%, soit le même rythme observé durant la même période en 2017.
Par ailleurs, le secteur reste un important contributeur pour les caisses de l’Etat, avec 46,9 millions de dinars d’impôts versés en 2017.
Problèmes de culture et de confiance
La relation du Tunisien avec l’assurance se résume, généralement, à un moment unique durant une année : payer sa prime d’assurance Automobile. D’ailleurs, plusieurs n’en possèdent pas, et n’ont donc aucun lien avec le secteur. Les assureurs doivent leur existence aux polices obligatoires. C’est logique dans un pays où le pouvoir d’achat s’est effrité durant ces dernières années. Le Tunisien moyen trouve déjà des difficultés à assurer le minimum syndical pour mener une vie digne. Assurer sa maison contre les incendies ou le vol est évidemment le dernier de ses soucis.
La croissance devrait-elle être boostée par l’augmentation du nombre de polices obligatoires ? C’est une partie de la solution, mais c’est difficile à mettre en oeuvre, au moins actuellement, pour deux raisons. La première est que l’image des compagnies d’assurances auprès des Tunisiens est très négative. Personne n’est satisfait de la qualité des services et les inondations de Nabeul ont montré de nouveau que les prestations actuelles sont encore loin des attentes des clients. D’autre part, de nouvelles exigences seraient peu respectées par une large part de la population dans le cadre inflationniste actuel.
Par Bassem Ennaifar
Les vrais leviers de la croissance
Pour l’assurance Non-Vie, elle doit être menée par la croissance économique. C’est elle seule qui peut offrir un vrai élan durable pour le secteur. S’il y a de l’investissement, de la création d’emplois, il y aura plus d’assurance transport, engineering, risques divers, santé, etc. Sinon, ce sont les mêmes clients qui demandent toujours les mêmes services. La croissance serait uniquement par les prix, et non par les volumes. Partout dans le monde, le prix de l’assurance est en train de baisser. En Tunisie, c’est l’inverse. Il ne faut donc pas s’étonner si bon nombre de personnes essaient, par tous les moyens, de ne pas s’acquitter des primes dues.
Pour l’assurance Vie, c’est un autre chantier. Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes cadres sont conscients de la gravité de la situation des caisses sociales. Cela va conduire, tôt ou tard, à la révision à la baisse de leurs prestations financières. Le système actuel de retraite est moribond et il n’est maintenu en vie que grâce aux interventions de l’Etat. Pour payer les pensions, l’Etat est en train d’injecter entre 65 et 85 millions de dinars mensuellement. Combien de temps cela pourra-t-il durer ? Ainsi, de plus en plus d’assurés sont en train de constituer une retraite complémentaire. Le nombre reste encore faible, mais les choses sont en train de s’améliorer. Là, par contre, l’apport du régulateur serait important. Pourquoi ne pas laisser la liberté aux assurés de placer leurs épargnes dans des compagnies privées ou auprès des caisses de l’Etat ? Cela pourrait donner naissance à une vraie offre et de la profondeur au marché financier.
La gestion d’actifs en manque de carburant
Qui dit assurance, dit gestion d’actifs. Si nous regardons aujourd’hui le marché mondial des M&A dans le secteur, nous constatons que les différentes transactions portent quasiment toutes sur des gestionnaires d’actifs. Il est vrai que le contexte est différent, marqué par des taux d’intérêt extrêmement faibles qui ne peuvent pas assurer le peu de rémunération accordée aux épargnants. Nous vivons dans un environnement de taux élevés, ce qui permet aux assureurs d’offrir des rémunérations attractives aux souscripteurs. Mais le problème c’est la faiblesse de l’actif à la disposition des compagnies d’assurances. Comme le montrent les chiffres de 2017, il est de l’ordre de 4,105 milliards de dinars. Si on intègre les quatre compagnies qui manquent à nos chiffres, il serait de l’ordre de 5 milliards de dinars.
La présence d’un catalogue de placement très rigide offre peu de possibilités de diversification aux compagnies d’assurances. La quasimajorité des investissements sont dans les obligations Corporate et les Bons du Trésor de l’Etat. Créer une dynamique dans l’assurance