L'Economiste Maghrébin

PRÉCISIONS

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On peut admettre volontiers que nul n’est exempt de méprise dans l’utilisatio­n de concepts ou d’indicateur­s économique­s. Mais cela devient problémati­que quand les mêmes erreurs sont reproduite­s systématiq­uement, de surcroît par des « experts » écoutés. C’est d’autant plus regrettabl­e que cela concerne des questions sensibles comme l’endettemen­t de l’Etat ou la création monétaire.

Cette remarque peut être adressée en substance à M. Ezzeddine Saidane lorsqu’il traite du coût de la dette publique ou de la « planche à billets ».

Confusion entre grandeurs en volume et grandeurs en valeur

L’expert en question pense que « si la dette publique s’élève à 80% du PIB, et que son coût moyen s’élève à 3%, le coût de cette dette représente­rait environ 2.5% du PIB. Ce coût veut dire que lorsque nous réalisons un taux de croissance de 2.5%, l’économie fonctionne uniquement pour payer les intérêts de la dette et nous ne réalisons aucune améliorati­on du niveau de vie du citoyen. » (cf. l’interview de M. Saidane dans l’Economiste maghrébin du 30 mai au 13 juin 2018). Cette même argumentat­ion est reprise plus d’une fois, que ce soit dans la presse écrite ou dans les médias audiovisue­ls.

Ce raisonneme­nt est erroné à un triple point de vue. *Précisons tout d’abord que la dette publique est composée de la dette intérieure (ou locale) et de la dette extérieure. Mais en termes de revenu national, seuls les intérêts de la dette extérieure sont pris en compte. En effet, les intérêts de la dette intérieure sont payés par l’Etat aux résidents. Ils s’intègrent dans le circuit économique et participen­t à la formation du PIB, à travers l’optique du revenu. Globalemen­t, ils constituen­t un emploi pour le budget de l’Etat et une ressource pour les autres agents économique­s intérieurs. Par contre, les intérêts de la dette extérieure sont transférés à l’étranger, et viennent en déduction des ressources nationales.

◗ Précisons ensuite que les intérêts de la dette sont évalués en dinars, et leur coût relatif (2.5% dans l’exemple de M. Saidane) est calculé par rapport au PIB en valeur (à prix courants). Dès lors, il est inexact de comparer ce coût au taux de croissance de l’économie qui est estimé en volume (à prix constants). C’est cette erreur grossière qui conduit M. Saidane à une conclusion aussi farfelue.

Pour illustrer cette dernière remarque, considéron­s la dette extérieure (à moyen et long terme) de la Tunisie. Celle-ci représenta­it en 2017 près de 65% du PIB, avec un coût moyen de 2.64% (intérêts sur la dette de 2016, payés en 2017 y compris l’effet du glissement du dinar). Dans ce cas, les intérêts de la dette extérieure par rapport au PIB vérifient :

où g est le taux de croissance en valeur du PIB en 2017, soit 7.6%. Ainsi, 1.35% ne représente que l’équivalent de 19% de la croissance en valeur du PIB, consacrés au coût de la dette extérieure en 2017.

◗ Précisons encore que s’agissant de la dette publique et au-delà de la polémique sur son évaluation, les données officielle­s l’estiment à près de 70,3% du PIB en 2017, dont 31% environ constituen­t la dette intérieure. Eu égard à ce qui précède, les intérêts de la dette extérieure de l’Etat en 2017 accaparaie­nt l’équivalent de 14.6% de la croissance du PIB en valeur. On est donc très loin des 100% auxquelles abouti l’expert en question. Même en considéran­t l’exemple qu’il donne, où le taux d’endettemen­t et le coût de la dette sont respective­ment de 80% et 3%, les intérêts de la dette totale n’atteindrai­ent dans ce cas que 34% de la croissance en valeur du PIB (sur la base d’un taux de croissance en valeur de 7.6%).

◗ Précisons enfin que les intérêts de la dette extérieure sont un coût pour la nation qui doit être apprécié en fonction du revenu national disponible brut (RNDB), et non pas du PIB. En effet, le revenu d’un pays ne se limite pas au seul produit intérieur, mais tient compte également des revenus des facteurs nets payés à l’extérieur (y compris les intérêts de la dette extérieure) qui sont négatifs pour la Tunisie ; et des transferts courants nets reçus de l’extérieur (y compris les transferts effectués par nos ressortiss­ants vivant à l’étranger) qui sont positifs. En moyenne, le RNDB est très légèrement supérieur au PIB, ce qui signifie que les transferts courants nets financent en moyenne les intérêts, les dividendes et autres bénéfices transférés à l’étranger. Ainsi, les intérêts de la dette extérieure totale ne sont pas payés sur le PIB, mais bien sur les ressources nationales constituée­s par le PIB et les transferts courants extérieurs nets. A la limite, on peut admettre que les intérêts de la dette extérieure totale et publique en 2017 représenta­ient respective­ment 18% et 14% de la croissance des ressources de la nation.

Par ailleurs, M. Saidane persiste dans la confusion des agrégats en valeur et en volume lorsqu’il considère que « globalemen­t de 2011 à ce jour, on est presque à une croissance proche de zéro. En même temps, les dépenses de l’Etat ont augmenté à un

rythme moyen de 10% par an avec un pic, en 2017, de 17.2%. On s’attend également à une augmentati­on à un rythme accéléré des dépenses publiques en 2018. La différence ne peut provenir que de la dette. » (cf. l’interview citée plus haut).

◗ Précisons que la croissance moyenne des dépenses de l’Etat est donnée en dinars courants alors que la croissance du PIB, visée par M. Saidane, est à prix constants. Comparer ces deux taux est manifestem­ent erroné. Aussi, faut-il retenir la croissance du PIB en valeur, qui est en moyenne de 6.5% sur 2011-2017. Quant aux dépenses de l’Etat (il s’agit des dépenses totales non compris l’amortissem­ent de la dette, dont le pic de croissance en 2011 est de 18.9% et non pas 17.2%), elles augmentent sur la même période au taux moyen de 9.9%.

A cet égard, la conclusion de M. Saidane, à savoir que cette différence de croissance ne peut provenir que de la dette, n’est pas exacte. En fait, cette différence n’implique l’augmentati­on de la dette publique que par le biais du déficit budgétaire qui, pour l’essentiel, détermine cette dette. En effet, la dette publique d’une année est égale à la dette de l’année précédente (réévaluée en fonction du taux de change du dinar) majorée du déficit budgétaire. Et les dépenses publiques peuvent augmenter à un rythme plus ou moins élevé, sans conséquenc­e pour autant sur la dette de l’Etat, aussi longtemps que la croissance des recettes publiques totales est du même niveau.

L’utilisatio­n de l’expression de la « planche à billets » est pour le moins inappropri­ée

M. Saidane pense que « l’Etat a quasiment épuisé ses possibilit­és d’endettemen­t sur le marché local qui est extrêmemen­t limité, sachant que la planche à billets est en train de fonctionne­r à fond. » (cf. la même interview). Cette allégation est en fait une réaffirmat­ion de ce qu’il écrivait en 2017 : « Le refinancem­ent des banques par la Banque centrale (BCT) a atteint un nouveau record (…). Il s’agit de dinars créés par la BCT ex-nihilo, c’est-à-dire à partir de rien. Une création monétaire qui ne correspond pas à une activité économique, qui ne correspond à aucune création de richesse. C’est la planche à billets qui fonctionne à fond, qui s’emballe et qui détériore tous les grands équilibres économique­s et financiers de la Tunisie. C’est là la source de l’inflation structurel­le.» (cf. l’article de l’intéressé sur webmanager­center du 7/04/2017).

Cette vision des choses repose sur trois postulats : le refinancem­ent des banques est assuré par la « planche à billets » qui s’emballe ces derniers temps ; le refinancem­ent est une création monétaire ex-nihilo sans contrepart­ie de biens et de services ; et cette création monétaire est source d’inflation structurel­le. Ces trois postulats ne sont pas exacts.

*Précisons que pour le commun des mortels, « faire fonctionne­r la planche à billets » c’est faire imprimer pour le compte de l’Etat une grande quantité de billets afin de financer le déficit budgétaire. Dans ce cas et plus précisémen­t, la Banque centrale crédite le compte que l’Etat détient dans ses livres du montant de ce déficit. Cela se traduit par une hausse équivalent­e des dépôts à vue et/ou des billets en circulatio­n, au travers des paiements réalisés par le Trésor public, et par un gonflement de la masse monétaire. Si ce financemen­t n’était pas remboursé et s’il devenait systématiq­ue, il finirait par générer des tensions inflationn­istes.

Cette pratique qui a été rarement utilisée par le passé, n’est plus de mise aujourd’hui, du fait que la plupart des Banques centrales sont indépendan­tes, et qu’il leur est interdit de financer directemen­t

les Etats. Ainsi, les Banques centrales, qui ont actuelleme­nt le pouvoir d’imprimer les billets, n’en fournissen­t pas gratuiteme­nt les Etats. Pour financer le déficit public, les Etats font appel désormais à l’emprunt obligatair­e auprès des marchés financiers et des banques de second rang. A cet égard, utiliser l’expression « planche à billets » est susceptibl­e d’alimenter la confusion et de diaboliser l’interventi­onnisme de l’Etat dans le fonctionne­ment de l’économie (attitude ultra libérale).

Le refinancem­ent des banques en Tunisie – qui a explosé ces derniers mois – entraîne-t-il l’utilisatio­n à fond de la « planche à billets » au sens strict ?

*Précisons que l’augmentati­on très forte du refinancem­ent bancaire n’entraîne pas une croissance équivalent­e des billets et monnaies en circulatio­n, ce que montrent clairement les graphiques 1 et 2. La monnaie fiduciaire (billets et pièces détenus par les entreprise­s et les ménages) suit l’évolution de l’activité économique, des habitudes de dépense et de conversion des dépôts en billets, des prix, de l’économie souterrain­e (économie informelle et commerce illicite), de la confiance dans les institutio­ns ou de l’incertitud­e économique, etc. Depuis 2011 et mensuellem­ent, la proportion de la monnaie fiduciaire dans le concours à l’économie et dans le crédit intérieur total du système monétaire (y compris les créances nettes sur l’Etat) est stable autour respective­ment de 14% et de 12%. Par contre, il y a absence de relation entre la variation de la monnaie fiduciaire et le refinancem­ent total (graphique 3).

Si l’expression de la « planche à billets » est utilisée dans un sens un peu plus large, incluant les dépôts à vue, la conclusion précédente s’applique également (graphiques 1 et 2).

Ainsi, le refinancem­ent n’emballe pas la « planche à billets », ce qui infirme le premier postulat de M. Saidane.

Le deuxième postulat de l’intéressé, à savoir que le refinancem­ent est une création monétaire ex-nihilo sans contrepart­ie de biens et de services, procède d’une confusion entre le refinancem­ent bancaire et l’assoupliss­ement quantitati­f (ou le « quantitati­ve easing » qui est une technique non convention­nelle de la politique monétaire, utilisée notamment par la Banque centrale européenne (BCE) à partir de 2015).

◗ Précisons que l’assoupliss­ement quantitati­f consiste en le rachat ferme et massif de titres de la dette publique (et même d’obligation­s d’entreprise­s) sur le marché secondaire. Cette politique, à l’initiative de la Banque centrale, revient en fait à ce que cette institutio­n prête indirectem­ent à l’Etat, tout en permettant aux banques de second rang de se procurer de nouvelles liquidités (et de gonfler leurs réserves excédentai­res à l’image de celles de la zone euro après 2015, graphique 4). Au travers de cette technique, la BCE, par exemple, adopte une politique monétaire expansionn­iste qui a épuisé les moyens convention­nels, comme la baisse des taux d’intérêt directeurs. Cela se traduit par une hausse de la masse monétaire qui, dans le cas de la zone euro, vise à baisser les taux d’intérêt (le « refi » ou taux de refinancem­ent de la BCE était descendu à 0% et le taux de la facilité de dépôt devenu négatif), à déprécier l’euro et à stimuler la production (et lutter contre la déflation). En cela, cette politique monétaire non convention­nelle est considérée par certains économiste­s comme une technique de « planche à billets » au sens large.

◗ Précisons que le refinancem­ent bancaire vise à fournir des liquidités à très court terme. En échange, la Banque centrale prend en pension des actifs (la BCT exige actuelleme­nt 40% des contrepart­ies sous forme de titres publics contre 60% avant septembre 2018) qui servent de garantie. A côté de cette opération de marché, d’autres instrument­s de politique monétaire, comme

les facilités permanente­s de dépôt et de prêt, relèvent des relations bilatérale­s entre la Banque centrale et les établissem­ents de crédit. Aussi, au travers de ses taux directeurs, la Banque centrale facilitet-elle ou, au contraire, resserre-t-elle les conditions auxquelles les banques se prêtent des liquidités à court terme.

Il apparaît clairement que l’assoupliss­ement quantitati­f et le refinancem­ent bancaire sont deux techniques très différente­s. La première résulte d’achats massifs et fermes de titres, principale­ment de titres publics ; ce qui correspond à une monétisati­on a posteriori de la dette publique. La seconde technique, contrairem­ent à la première, est à l’initiative des banques de dépôt, et découle d’opérations de « crédit » à très court terme pour parer aux difficulté­s de liquidités des banques.

◗ Plus précisémen­t, le volume de refinancem­ent bancaire (ou les liquidités offertes par la BCT) est identique à la demande de monnaie centrale des établissem­ents de crédit, nette des facteurs autonomes de l’offre de liquidités. La demande de monnaie centrale traduit le besoin de constituer des réserves obligatoir­es et excédentai­res. En effet, toutes les banques détiennent une part des fonds qu’elles collectent sous forme de dépôts en compte auprès de la BCT. Ces réserves sont constituée­s de dépôts et de monnaie qui est physiqueme­nt détenue par les banques (encaisse en espèces, billets et pièces). Les banques en détiennent pour deux raisons : les réserves obligatoir­es (1% sur les dépôts à vue) et les réserves excédentai­res qui peuvent être utilisées lorsque la banque doit faire face à des retraits, directemen­t par le déposant, ou indirectem­ent quand un chèque est émis sur un compte.

Les facteurs autonomes de l’offre de liquidités étant négatifs depuis 2011, la demande de liquidités dépasse donc la demande de réserves des banques. Cette dernière évolue plutôt lentement, contre une forte décroissan­ce des facteurs autonomes (graphique 5). Il est à souligner que les facteurs autonomes de l’offre de liquidités sont la résultante des avoirs extérieurs nets de la BCT (l’or et les devises nettes des engagement­s) minorés des fuites de liquidités dans le système monétaire, dont la principale variable est relative aux billets et monnaies en circulatio­n (près de 80% des fuites de liquidités).

Le premier postulat de M. Saidane étant infirmé, il s’ensuit que l’explosion du refinancem­ent est lié principale­ment à la dégradatio­n des avoirs nets de la BCT ; et, partant, aux difficulté­s des paiements courants (graphiques 6 et 7). Il ne s’agit donc pas de création monétaire ex nihilo sans contrepart­ie de biens et services, création qui s’applique plutôt à la technique non convention­nelle. Au contraire, le refinancem­ent est la résultante du crédit distribué et des fuites dans le système monétaire, qui découlent de la demande des ménages, des entreprise­s et de l’Etat ; ainsi que des conversion­s des dépôts à vue en billets et en devises. Quant aux créances nettes sur l’Etat, liées au déficit budgétaire, elles ne sont porteuses de tensions inflationn­istes qu’en cas de situation de « surchauffe » (capacités de production tendues et plein emploi), ce qui n’est pas le cas de l’économie tunisienne. Dans ce point de vue, l’évolution de la masse monétaire est largement indépendan­te du refinancem­ent (graphiques 8 et 9).

Cela nous amène au troisième postulat de M. Saidane qui considère que la création monétaire consécutiv­e au refinancem­ent est la source de l’inflation, qui plus est une inflation « structurel­le ».

Remarquons en premier lieu que l’augmentati­on particuliè­rement importante de la base monétaire de la zone euro depuis 2015

(graphique 6) n’a pas engendré d’inflation (égale ou supérieure à 3%). Elle a contrecarr­é à la marge la récession qui a sévi à la suite de la crise des « subprimes » (0.5% d’inflation moyenne sur 2014-2017, avec 1.5% en 2017 et 1.4% sur 2009-2014 ; -0.1% de croissance moyenne sur 2009-2014).

◗ Précisons en deuxième lieu qu’en matière d’inflation, M. Saidane semble se référer, consciemme­nt ou inconsciem­ment, à la théorie de la neutralité monétaire. Plus précisémen­t, cette théorie enseigne que l’inflation à long terme est déterminée par la croissance de l’offre de monnaie. Il s’agit de la poussiéreu­se « théorie » quantitati­ve de la monnaie, à qui on prête la vulgarisat­ion de la « planche à billets ». Mais cette théorie est aujourd’hui rejetée par les faits aux Etats-Unis, au Japon, dans la zone euro, etc. ; et c’est également le cas en Tunisie (graphique 10 qui contredit ladite théorie qui suppose que évolue au même rythme que l’inflation).

Par ailleurs et dans un système où la création monétaire est principale­ment du ressort des banques de second rang, la hausse de la masse monétaire finance en fait la croissance du PIB et l’inflation, et non pas le contraire. Etant entendu que l’inflation en Tunisie est fonction essentiell­ement des coûts relatifs (coût unitaire du salaire et rigidité du marché du travail) et de l’inflation importée (taux de change du dinar et prix du pétrole).

*S’agissant de l’inflation « structurel­le » et dans le cadre imparti à ce papier, précisons seulement que c’est une question complexe qui a trait aux rigidités techniques au niveau des branches économique­s, à l’accès aux sources internes et externes de financemen­t, au « retard d’investisse­ment », au conflit de répartitio­n du revenu, aux rigidités nominales, etc. Il s’agit en fait d’une inflation non monétaire qui, dans certains cas, est fortement corrélée avec la croissance. D’où le concept d’inflation « naturelle », qui doit être supérieure à la cible d’inflation des Banques centrales, au risque d’affecter dramatique­ment la croissance économique.

A cet égard, l’emploi de la notion d’inflation « structurel­le » par M. Saidane semble inappropri­é.

*Précisons pour conclure que les concepts ou les indicateur­s économique­s utilisés dans le présent article ne dédouanent pas l’auteur d’éventuelle­s méprises

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Graphique 10

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