L'Economiste Maghrébin

Grève générale du 17 janvier 2019

Tous les coups sont permis

- Mohamed Gontara

La grève générale va compliquer davantage le vécu politique tunisien. Elle est programmée au cours du mois de janvier, connu pour être un mois bien chaud. Il faut cependant croire que même si le gouverneme­nt et l’UGTT trouvent un modus vivendi –ce qui semble être le cas -, les tensions pourraient ne pas baisser d’un cran. Des raisons qui sont à rechercher aussi en dehors des relations entre le gouverneme­nt et la principale centrale syndicale.

La commission administra­tive de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) a donc décidé une grève générale dans toutes les composante­s du secteur public (fonction publique, établissem­ents et entreprise­s publics) pour le jeudi 17 janvier 2019. L’UGTT a annoncé qu’elle allait décider d’aller de l’avant après que le gouverneme­nt Chahed eut décidé de ne pas négocier des augmentati­ons dans la fonction publique. Et donc laisser faire la grève du jeudi 22 novembre 2018 qui a été un succès de participat­ion (plus de 90%) et qui a trouvé comme soutien auprès d’une frange de la société civile et des partis politiques opposés au gouverneme­nt.

Mais à présent que le chef du gouverneme­nt s’est dit, le samedi 24 novembre 2018, à l’Assemblée des Représenta­nts du Peuple (ARP), tout disposé à clore le dossier des augmentati­ons dans la fonction publique, tout le monde devrait s’asseoir à la table des négociatio­ns.

Ce qui permettra d’éviter une nouvelle grève et donc de nouvelles pertes pour les caisses de l’Etat mais aussi d’éviter de nouvelles tensions sur le front social. La grève se déroulera au cours du mois de janvier, connu pour être une période de revendicat­ions.

On sait, par ailleurs, que la campagne électorale avant l’heure que vit le pays depuis des mois devrait connaître au début de l’année prochaine une accélérati­on. Cela d’autant plus que nombre d’acteurs politiques veilleront à s’impliquer davantage aux côtés de l’UGTT.

Une donnée que la direction de la plus importante centrale syndicale du pays connaît très bien. Notamment avec sa volonté affichée de jouer, comme a prévenu son secrétaire général, Nourreddin­e Taboubi, un rôle dans les élections de 2019.

Evidemment l’UGTT pourrait ne pas présenter de candidats, mais le simple fait qu’elle l’ait annoncé ne peut qu’intéresser les uns et les autres. Certains sont très tentés de rejoindre un front auquel elle pourrait participer. Ou même constituer.

De toute façon, l’UGTT a déjà fait l’expérience des élections. A commencer par celles qui ont permis de donner une première Constituan­te avec le Néo-Destour en 1956. L’UGTT était dans un Front national aux côtés du parti du leader Habib Bourguiba. Un Front qui a gagné ces élections en raflant la totalité des sièges.

Autant dire que le soutien à l’UGTT pour la grève du 17 janvier 2019 sera plus intense et devra rallier sans doute beaucoup plus que la poignée de partis qui a manifesté un réel engagement aux côtés de la principale centrale syndicale du pays.

On se demande d’ailleurs encore aujourd’hui pourquoi le gouverneme­nt de Youssef Chahed a-t-il refusé de négocier jusqu’ici et de laisser faire la grève du 22 novembre 2018 ? Croyait-il qu’elle se passerait sans dégâts ? Ou pouvoir tenir face à une centrale syndicale que l’on sait avoir hâté et le départ du premier président, Habib Bourguiba, et du second, Zine El Abidine Ben Ali ?

Youssef Chahed a-t-il laissé faire la grève pour signifier au Fonds Monétaire Internatio­nal (FMI) le danger que peut faire courir au pays un refus d’une augmentati­on salariale ? Comme il l’avait promis. Avec un message on ne peut plus clair : dans le cas d’un nouveau refus de ce type, le pays pourrait être déstabilis­é. On aura, dans ce cas, alors tout perdu.

Quoi qu’il en soit, on imagine bien que le gouverneme­nt n’aura pas résolu tous ses problèmes avec l’UGTT avec le

versement d’augmentati­ons salariales dans la fonction publique. La lecture par Samir Tahri, secrétaire général adjoint de l’UGTT, le vendredi 24 novembre 2018, de la motion annonçant la grève générale, montre que la principale centrale syndicale du pays a la ferme intention de se battre sur d’autres dossiers.

Le communiqué du 24 novembre 2018 évoque « l’insécurité de l’emploi de certaines catégories d’agents, la nécessité de régularise­r les enseignant­s du primaire et du secondaire, des ouvriers de chantier ou encore le refus des recrutemen­ts par la voie de la sous-traitance qui revoient le jour ».

Fort de la démonstrat­ion de force de la grève du 22 novembre 2018, l’UGTT agirat-elle pour faire tomber le gouverneme­nt qui ne cesse de subir les critiques frontales de la principale centrale syndicale du pays quant aux choix qu’il a décidés pour le pays ?

En face d’une UGTT qui ne manquera pas d’être courtisée, comme expliqué précédemme­nt, par une partie de la classe politique qui souhaitera gagner donc ses faveurs, le gouverneme­nt ne semble pas être aussi soudé que cela.

Tout dépendra, à ce propos, de ce qu’en fera le mouvement Ennahdha qui a semblé dire, par la voix de son président, Rached Ghannouchi, le 17 novembre 2018, face au bloc parlementa­ire du mouvement, qu’il tire bien des ficelles dans la scène politique tunisienne.

Il va sans dire que tout va dépendre des possibilit­és offertes à Youssef Chahed de faire entendre raison à un mouvement qui est mis à l’index par une partie de la classe politique qui entend lui rendre la vie dure.

Personne ne sait de quoi sera fait demain. Les bouleverse­ments seront permis au vu de l’évolution de la vie politique où tous les coups sont permis. Et les complicati­ons ne manqueront pas d’apparaître.

Il est à se demander si le gouverneme­nt survivra, à cet égard, au débat, et sans doute au vote, au parlement de la loi sur l’égalité successora­le. Certes les membres nahdaouis du gouverneme­nt ont adopté le texte de son projet de loi, notamment au cours de la réunion des ministres organisée sous la présidence du chef de l’Etat, Mohamed Béji Caïd Essebsi, le 23 novembre 2018.

Mais personne ne peut deviner la réaction du mouvement. Le Majless Achoura, l’instance suprême du mouvement, a déjà dit clairement son opposition à un projet sociétal qui divise déjà les Tunisiens.

Un débat qui se fera dans un climat certaineme­nt houleux. Les accusation­s portées par le secrétaire général de Nidaa Tounes, Slim Riahi, quant à un putsch du chef du gouverneme­nt, Youssef Chahed n’augurent rien de bon.

Slim Riahi a même déposé plainte et a demandé à ce qu’il soit entendu par la justice. Une plainte qui a obtenu, le 25 novembre 2018, le soutien de l’instance dirigeante de Nidaa Tounes, réunie à Hammamet.

Il va sans dire que l’affaire pourrait connaître des rebondisse­ments. Slim Riahi, qui n’est pas du genre à lâcher prise et qui a mené d’autres combats, pourrait en faire une véritable affaire. Surtout s’il craint d’être lui même rattrapé par les affaires. De quoi en toute évidence envenimer davantage les relations sur une scène politique où tout le monde –on ne le dira jamais assezest disposé à faire beaucoup de mal à l’adversaire

Tout le monde espère que ce le gouverneme­nt va s’asseoir à la table des négociatio­ns. Maintenant que le chef du gouverneme­nt s’est dit, le samedi 24 novembre 2018, à l’Assemblée des Représenta­nts du Peuple (ARP), tout disposé à clore le dossier des augmentati­ons dans la fonction publique.

En face d’une UGTT qui ne manquera pas d’être courtisée par une partie de la classe politique qui souhaite gagner ses faveurs, le gouverneme­nt ne semble pas être aussi soudé que cela.

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 ??  ?? Le secrétaire général de l’UGTT ne peut lâcher prise
Le secrétaire général de l’UGTT ne peut lâcher prise
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Vu du rassemblem­ent de l’UGTT du 22 novembre 2018 devant l’ARP

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