2018, ? fin ou renouveau du multilatéralisme
Avec la fin de la guerre froide et une puissance économique et militaire américaine devenue incontestable, le multilatéralisme semblait pouvoir trouver une efficacité que l’opposition entre Washington et Moscou entravait par l’usage du véto, des votes automatiques selon le camp dans lequel on se plaçait , par un monde coupé en deux et en proie à des rivalités d’influence. Portée par le magistère moral du Président Bush – le père, pas le fils -, cette conception paraissait pouvoir enfin s’installer. Le monde ancien était fini, l’agressive Irak sanctionnée internationalement sans qu’un véto s’y oppose ; les dividendes de la paix pouvaient être encaissés , notamment par une Europe prompte à réduire ses dépenses pour financer un modèle social porté à l’état d’exemple pour le reste de l’humanité.
Du multilatéralisme au service de l’unilatéralisme
Mais, par une ruse dont elle familière l’Histoire devait suivre une trajectoire inverse. Loin de permettre au système multilatéral de fonctionner selon les principes qui le fondent : égalité des pays, rassemblement dans une « communauté internationale « , droits et règles s’appliquant à tous , conviction partagée par la puissance dominante que ses intérêts sont mieux protégés par la collaboration que par l’isolationnisme , le nouveau rapport de force permettait à Washington de s’affranchir de ces contraintes dès lors qu’elles apparaissaient entraver son libre arbitre. Non pas isolationnisme mais unilatéralisme. Cette tendance est de fond dans la diplomatie nord-américaine mais les crises mondiales du vingtième siècle qui ont franchi les barrières de l’Atlantique et du Pacifique pouvaient l’amener à se corriger , à s’auto-limiter . Mais , l’on constata rapidement que c’était là une vue de l’esprit , une utopie .
La défaite électorale de W H Bush, l’interventionnisme humanitaire de B. Clinton qui a multiplié les actions militaires à l’étranger (pas surprenant que Hilary Clinton ait approuvé de l’action de Bush (fils) en Irak), une majorité américaine au Sénat en 1995 composée de sénateurs pro-militaires et peu favorables aux institutions multilatérales, le véto russe au Conseil de Sécurité sur la Serbie amènent à clôre cette parenthèse, acceptée d’ailleurs par Washington car lui d’exporter plus facilement ses valeurs plus que par conviction profonde sur les bienfaits du multilatéralisme .
Après l’épisode guerrier de G.W. Bush (le fils pas le père) et le mépris affiché vis-à-vis des Nations-Unies par son entourage , le Président OBAMA a voulu faire prendre un cours différent à la diplomatie américaine, tenant mieux compte de l’état de la société et du monde en transformations profondes . Plus de « nation indispensable » mais la nécessité de répondre aux besoins d’une population se sentant agressée et dévalorisée par la mondialisation et le malêtre grandissant qui l’accompagne dans les pays dits encore industrialisés . Moins d’engagements en première ligne et moins d’application du principe de l ‘ intérêt national à des zones, comme le Proche-Orient, avec la Syrie , qui ne sont pas jugées vitales pour les Etats-Unis . Mais, aussi , en contrepoint , un attachement à des engagements internationaux comme les Accords de Paris , à un accord multilatéral avec l’Iran dès lors qu’ils paraissent conformes aux intérêts de l’Amérique.
Après « l’America is Back » de G.W. Bush (le fils pas le père ), ce retrait réfléchi de la scène mondiale des Etats-Unis a pu décevoir ceux qui, notamment en Europe, ont revêtu les nouveaux habits d’un exceptionnalisme fondé sur des valeurs morales réputées universelles et l’activisme peu efficace qui va avec, mais, au total, l’attitude de OBAMA apparaît rétrospectivement bien plus sage que ce qui a suivi et de ce qui pourrait suivre à plus long terme.
Donald Trump , pas si orignal que cela
Malgré ses excès et ses errements, le Président Trump n’est pas véritablement en rupture avec ses prédécesseurs immédiats ou plus lointains . Le document sur la stratégie de défense d’août 1992 énonce clairement que la stratégie américaine est d’empêcher « l’émergence de toute puissance rivale » Bush père refusa d’endosser ce rapport largement inspiré par les néo-conservateurs républicains déjà présents dans les allées du pouvoir . Ces termes seront repris 26 ans plus tard par le rapport demandé et approuvé par le Président Trump. America great again .De même, la volonté de D. Trump de se désengager de certains théâtres de guerre, de ne pas revêtir systématiquement l’armure de Croisé des droits de l’homme, d’être particulièrement attentif à l’opinion publique américaine qui souffre, n’est pas sans rappeler certaines attitudes de OBAMA, même si celui-ci est le repoussoir absolu pour son successeur. Bien sûr, les différences entre les deux hommes sont extrêmes. Chez le successeur, l’absence de valeurs morales et de culture, l’obsession de l’argent dans ses relations avec ses alliés (sic), le court-termisme de décisions annoncées par tweet ; même si des ressemblances se présentent, l’âme de la politique étrangère n’est en rien comparable.
Demain ,un monde selon la règle du plus fort
Donald Trump s’emploie à ébranler méthodiquement l’édifice multilatéral dont les Etats-Unis , pères fondateurs et qui en forment l’armature et en sont largement la raison d’être. Ses alliés ne sont que des obligés et des mauvais payeurs.Pour faire passer des mesures auprès de Trump, il suffit de commander des armes ou des automobiles à l’industrie américaine . Saoudiens , Polonais, Japonais le savent bien .
La décision récente de Washington de retirer ses troupes de Syrie est prise de manière unilatérale, non seulement vis-à-vis de ses partenaires mais aussi de son équipe. Pour Trump , seule compte l’impact sur ses électeurs potentiels .
Cette entreprise de démolition est en cours depuis le premier jour du mandat de Trump avec le renoncement au Traité de Partenariat Pacifique . Elle ne s’arrêtera pas et s’étendra comme le laissent penser le départ du Général Mattis , Ministre de la Défense, et les propos du Secrétaire d’Etat Mike Pompeo sur la nécessité de mettre fin à des « règles injustes et archaïques » qui sont celles des institutions internationales . Face à ce désastre annoncé, il appartient au reste du monde de réagir en bon ordre, d’éviter le chacun pour soi, de se garder de s’enfermer dans des postures stériles et de rechercher la combinaison optimale des intérêts nationaux dans un système multilatéral renouvelé et réaliste.
Avancer sur ce terrain en 2019 sera bien délicat avec une Europe affaiblie et qui doit faire face à des échéances politiques redoutables, une Chine qui, en dehors d’une Amérique qui entend lui couper le tendon d’Achille, ne trouve guère d’interlocuteur avec qui parler de manière plus constructive, une Inde qui s’éveille un peu plus au monde mais sera occupée par des élections dont l’issue est douteuse pour le Premier Ministre MODI, une Russie toute occupée à se refaire une place stratégique et frappée elle aussi d’ostracisme sans guère de voie de sortie. Il est interdit d’être pessimiste car la volonté de réagir s’impose mais il est aussi autoriser de ne pas être exagérément optimiste