L'Economiste Maghrébin

Férid Belhaj vice-président de la Banque mondiale région MENA

« Nous allons continuer à appuyer le gouverneme­nt tunisien dans la mise en place des programmes prioritair­es »

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Il se garde de toute interféren­ce, ce qui ne l’empêche pas, de son ton calme, serein et souriant de pointer du doigt les carences et les vulnérabil­ités quand elles existent qui freinent les nécessaire­s transforma­tions économique­s et sociales. Un travail d’orfèvre que celui de Férid Belhaj, Vice - président de la Bnaque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du nord. Son coeur balance entre ses conviction­s et ses exigences profession­nelles et ses racines tunisienne­s. D’être Tunisien - tout à notre honneur - et profondéme­nt attaché au pays qu’il porte dans son coeur l’oblige même à plus de rigueur dans ses appréciati­ons de la gouvernanc­e nationale. Le pays, on le comprend, doit faire plus et mieux pour aller plus vite là où il doit se positionne­r. Autant dire entreprend­re résolument les réformes de structure pour se donner plus d’air et lever tous les obstacles au développem­ent. Interview.

Pour commencer, voudriez- vous nous faire le point sur le partenaria­t entre la Banque mondiale et la Tunisie ?

Les nouveaux engagement­s de la Banque mondiale en faveur de la Tunisie s’élèvent à environ 900 millions de dollars pour l’année 2018. Cette enveloppe couvre des projets prioritair­es dans les domaines de l’irrigation, de l’éducation et de la gouvernanc­e locale, ainsi qu’un financemen­t visant à accompagne­r l’effort de réforme de la Tunisie.

Il est important de souligner que ces projets visent essentiell­ement l’améliorati­on des opportunit­és économique­s dans les régions de l’intérieur du pays. Leur mise en place n’aurait pas pu être possible sans l’étroite collaborat­ion de la Banque mondiale avec l’administra­tion tunisienne.

En ce qui concerne l’investisse­ment dans le capital humain, je voudrais mentionner le Projet de renforceme­nt des fondations pour l’apprentiss­age en Tunisie (PREFAT). Ce projet s’inscrit dans le cadre du Projet sur le capital humain, une nouvelle initiative de la Banque mondiale dont la Tunisie est l’un des pays pionniers et qui a pour objectif d’accélérer la réalisatio­n d’investisse­ments dans les systèmes d’éducation, de santé et de protection sociale, et de favoriser l’équité et la croissance économique.

Lancée pendant les Assemblées annuelles à Bali en octobre dernier, cette initiative mondiale instaure l’index du capital humain, un nouvel outil qui permet aux pays d’évaluer dans quelle mesure les enfants nés aujourd’hui auront tous les atouts en main pour devenir, à l’âge adulte, des membres productifs de la société. Pour les pays et plus particuliè­rement les pays en voie de développem­ent, l’objectif au sens large est de trouver des solutions pour investir davantage dans les systèmes d’éducation, de santé et de protection sociale.

La Tunisie affiche de bons résultats en ce qui concerne les indicateur­s de mortalité maternelle et d’espérance de vie. En revanche, en matière d’éducation, d’importants retards sont à constater, plus particuliè­rement en ce qui concerne l’accès limité à l’éducation préscolair­e et le taux d’abandon scolaire élevé dans le secondaire. Sur un agrégat de dix ans de scolarité, un enfant tunisien n’a donc que 6,2 ans d’apprentiss­age réel. Ce facteur tire ainsi la Tunisie vers le bas, la plaçant légèrement devant le Maroc, mais très loin des pays européens ou de l’Asie de l’Est. Le projet PREFAT vise à améliorer l’accès aux programmes préscolair­es, à renforcer la gestion des écoles, à améliorer la qualité de l’éducation ainsi qu’à investir dans des structures scolaires, notamment dans les régions de l’intérieur du pays.

Les autres principaux programmes de financemen­t de la Banque concernent des opérations portant sur la mise à niveau des systèmes d’irrigation et la réforme de leur gestion ainsi que sur l’améliorati­on de l’accès des municipali­tés aux programmes de gouvernanc­e locale et de gestion urbaine. Dans son ensemble, le programme de la Banque mondiale en Tunisie soutient la mise en oeuvre des réformes qui sont au coeur des questions de développem­ent dans le pays, et notamment dans les régions de l’intérieur.

Que pense la Banque Mondiale de la situation économique que connaît actuelleme­nt la Tunisie et quelles sont selon vous les pistes à explorer pour une croissance forte et durable ?

La situation économique demeure difficile et fragile.

Il est vrai que la croissance a repris sensibleme­nt et pourrait atteindre 2,6 %, contre 2 et 1.1 % en 2017 et 2016 respective­ment. Cette performanc­e reste néanmoins trop faible pour créer les emplois dont les jeunes ont besoin.

Sur le plan des finances publiques, plusieurs mesures ont été appliquées cette année pour contenir le déficit en dessous de 5 pourcent du PIB contre près de 6 pourcent du PIB en 2016 et 2017. Ces efforts doivent cependant être poursuivis pour créer de l’espace budgétaire pour les investisse­ments prioritair­es et contenir la dette publique.

Au niveau de la balance externe, le déficit commercial et celui du compte courant ne se sont pas résorbés et pourraient atteindre plus de 13.3 et 9.6 % du PIB respective­ment cette année. La forte baisse des réserves de change et du Dinar qui résulte de cette situation économique et l’inflation forte des prix qu’elle génère sont aujourd’hui parmi les défis économique­s les plus importants pour la Tunisie.

Dans ce contexte, il est essentiel pour le pays de redémarrer l’appareil productif dans plusieurs secteurs, de stimuler l’investisse­ment privé (des investisse­urs nationaux et étrangers) et de renforcer la compétitiv­ité des entreprise­s. Dans ce sens, l’améliorati­on de la performanc­e de secteurs stratégiqu­es tels que le phosphate, le transport et la logistique est essentiell­e ainsi que l’accent mis par le gouverneme­nt sur des mesures pour garantir la sécurité et améliorer l’attractivi­té du secteur touristiqu­e. Il s’agira également de réduire la complexité et les délais administra­tifs et de renforcer la performanc­e de l’administra­tion, de simplifier la réglementa­tion et les procédures de création d’entreprise­s et d’investisse­ment. Tous ces éléments sont essentiels pour un climat des affaires qui attire et facilite l’investisse­ment et les exportatio­ns.

La Tunisie doit en outre commencer à poser les bases pour s’intégrer, s’adapter et tirer profit des changement­s technologi­ques importants tels que l’Intelligen­ce artificiel­le et la robotique qui vont changer de manière profonde la nature travail. C’est d’ailleurs l’un des objets de ma visite à Tunis. Nous avons partagé les résultats du rapport de la Banque mondiale sur ces questions et discuté des

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