Bush Sr meurt à l’âge de 94 ans
IL AURAIT PU ÊTRE UN GRAND HOMME, IL EST MORT EN CRIMINEL DE GUERRE
Le 41e président des Etats-Unis, George Herbert Walker Bush, est décédé le 30 novembre à l’âge de 94 ans. Les Américains lui ont rendu hommage et la presse l’a encensé, le présentant comme « un homme humble, magnanime, raisonnable ». Des commentateurs sur CNN et MSNBC sont allés jusqu’à le présenter comme « un homme exceptionnel qui a oeuvré pour la propagation de la démocratie et de la justice dans le monde ».
Etonnamment, la plupart des Américains continuent de croire que leur pays est cette « nation indispensable » qui regorge d’ « hommes exceptionnels » dont le souci constant est d’extirper le mal du monde et d’y faire régner le bien. C’est cette idée saugrenue et aveuglante qui les empêche de se poser des questions sur les ravages, les destructions, le chaos et la mort que leur armée sème depuis des décennies dans le monde arabe et musulman, après les avoir semés dans les années 50 et 60 du siècle dernier dans le monde asiatique. C’est cette idée saugrenue et aveuglante qui leur fait prendre un véritable criminel de guerre pour un homme honnête, magnanime et raisonnable.
Le premier crime de guerre commis par George Bush Sr remonte au 25 juin 1944 quand il était pilote à l’US Navy. Dans son édition de septembre 1993, le mensuel américain ‘’Harper’s Magazine’’ publiait un article intitulé : « La question à laquelle Bush n’a pas répondu ». On y lit notamment : « Après que Bush eut bombardé et coulé un chalutier, les survivants s’étaient regroupés dans deux canots de sauvetage. Il les a bombardés et coulés à leur tour. S’attaquer à des soldats sans défense dans des canots de sauvetage est un crime de guerre en vertu du droit international. »
Inutile de s’attarder sur les années que Bush Sr a passées à la tête de la CIA, une institution connue pour ses crimes sanglants, ses coups bas, ses complots et ses ingérences dévastatrices dans des pays aussi loin et aussi différents les uns des autres, comme le Chili et l’Iran ou le Congo et la Grèce.
Limitons-nous ici aux deux plus grands crimes de guerre qui avaient marqué la présidence de George Bush Sr qui était le locataire de la Maison-Blanche du 20 janvier 1989 au 20 janvier 1993.
Juste un an après son élection, George H.W. Bush ordonna en décembre 1989 l’invasion de Panama et le renversement de l’ancien allié et homme de la CIA, le président panaméen Manuel Noriega. La raison officielle était que Noriega entretenait des relations avec la mafia sud-américaine des narco-trafiquants. Mais quand on sait que la CIA elle-même n’hésitait pas à se lancer dans le trafic de drogue pour financer ses opérations secrètes, il est permis de douter du sérieux du motif mis en avant par Bush pour envahir Panama et renverser son gouvernement.
En fait, les véritables raisons sont ailleurs. Noriega était devenu de moins en moins coopératif dans la guerre d’usure que menait Washington contre le régime sandiniste du Nicaragua. Par conséquent, pour Bush, son renversement était devenu une urgence d’autant plus impérieuse que l’échéance du transfert de l’autorité sur le canal de Panama aux autorités panaméennes approchait. Pour l’Administration américaine, il était hors de question que le transfert de la souveraineté sur un détroit maritime aussi stratégique se fasse au profit du régime de Noriega en qui la Maison-Blanche n’avait plus confiance.
L’invasion de Panama, que Bush baptisa ‘’Just Cause’’ engendra le renversement du gouvernement panaméen, la capture du président Noriega et son transfert dans une prison américaine en prévision de son jugement. Jugé par un tribunal de Miami, il fut condamné à 40 ans de prison. Coût humain de l’invasion : 3000 morts.
Le 41e président américain avait eu une chance extraordinaire qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait eue. Il aurait pu s’imposer dans l’Histoire comme un géant du XXe siècle et quitter le monde en grand homme. Il avait raté la grande chance qui lui était offerte, il est mort en criminel de guerre.
Le second crime de guerre du 41e président des EtatsUnis est d’une tout autre ampleur et avec des conséquences autrement plus dramatiques. Il concerne sa décision de s’en prendre à l’Irak à la suite de la désastreuse décision de Saddam Hussein d’envahir le Koweït le 2 août 1990.
On ne va pas retracer ici les différentes étapes, les manipulations, les intrigues, les manigances, les machinations et les pièges conçus par l’Administration américaine avec la complicité de ses alliés du Golfe pour mettre l’Irak à genoux. Mais, s’agissant des crimes de guerre de Bush Sr, on ne peut pas ne pas revenir sur l’épisode le plus meurtrier et l’un des plus grands crimes de guerre de la fin du XXe siècle : le massacre de l’’’Autoroute de la mort’’ dans la nuit du 26 au 27 février 1991.
Cette nuit, l’armée irakienne qui quittait le Koweït et se repliait, tentant de rejoindre Basra, était attaquée par l’aviation américaine en violation des Conventions de Genève, vu que les soldats irakiens étaient en retraite et non en position de combat.
Les bombardiers pilonnaient sans arrêt pendant des heures les soldats en fuite. Entre 1800 et 2700 véhicules et tanks transformés en ferraille calcinée et les morts se comptaient par milliers. Ce massacre gratuit, à grande échelle et en violation du droit international humanitaire fut décidé par ce que la presse laudatrice qualifie d’« homme humble, magnanime et raisonnable ».
Mais aussi terrifiant soit-il, ce crime de guerre n’est rien face au calvaire de proportions bibliques que les Bush père et fils ont fait subir au peuple irakien en particulier et à la région du Grand Moyen-Orient, en général. Les victimes de ces deux criminels de guerre se comptent par dizaines de millions entre morts, blessés et déplacés. Sans parler des germes du terrorisme, de déstabilisation, d’anarchie et de chaos qu’ils ont semés dans les pays arabes.
Si Bush Sr était réellement un homme « humble, magnanime et raisonnable » comme nous le décrivent les flagorneurs et les laudateurs outre-Atlantique, le monde aurait aujourd’hui une tout autre configuration. Nous n’aurions connu ni terrorisme, ni guerres, ni anarchie, ni chaos, ni torrents de larmes et de sang, ni victimes par dizaines de milliers.
Le 41e président américain avait eu une chance extraordinaire qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait eue. Il aurait pu s’imposer dans l’Histoire comme un géant du XXe siècle et quitter le monde en grand homme. Il avait raté la grande chance qui lui était offerte, il est mort en criminel de guerre.
Quelques mois après l’entrée de Bush Sr à la Maison-Blanche le 20 janvier 1989, le mur de Berlin tomba, et peu de temps après l’Union soviétique s’effondra. Pour la première fois dans son histoire de grande puissance, l’Amérique se trouva sans rival avec une capacité inédite de choisir seule la nature du nouvel ordre international et d’imposer son choix.
En tant que chef de l’Exécutif de la désormais unique puissance mondiale, Bush Sr avait le choix entre la guerre et la paix, entre la stabilité et l’anarchie, entre la coopération constructive et l’ingérence destructive. Il avait la capacité de jouer le rôle d’intermédiaire honnête et bienfaiteur dans le Golfe et au Moyen-Orient et régler les contentieux entre les pays arabes et entre ceux-ci et Israël. Malheureusement, il a choisi de jouer les apprentis-sorciers.
S’il avait réellement les caractéristiques dont la presse laudatrice l’a encensé après sa mort, le monde serait aujourd’hui un havre de paix et de coopération. Bush n’était ni humble, ni magnanime ni raisonnable. Il était habité par le mal, la méchanceté et le mépris pour tout ce qui n’est pas américain. Il avait inauguré le nouvel ordre international par le déclenchement d’une guerre d’agression à 10.000 kilomètres de chez lui. Plus d’un quart de siècle plus tard, le feu allumé par George Herbert Walker Bush dans la nuit du 16 au 17 janvier 1991, et que son fils a transformé en incendie gigantesque dans la nuit du 19 au 20 mars 2003, continue de ravager la vie de centaines de millions de personnes