hors sujet
L’opposition frontale entre les enseignants et les parents d’élèves n’a rien d’anodin, encore moins d’anecdotique. Le Ministère de tutelle assume une large part de responsabilité dans cette affaire, mais le plus symbolique est que les deux parties réputées lésées s’accusent mutuellement dans une échauffourée où les enfants payeront n’importe comment la note. Dans le délitement généralisé de l’Etat de droit et des devoirs assumés, on ne peut faire pire pour la problématique restauration de la confiance. On ne le dira jamais assez : quand tout le monde dit avoir raison, c’est que chacune des parties est responsable. Dans le cas d’espèce, la société dite civile exprime bruyamment sa colère contre une corporation, ce qui est fondamentalement malsain.
En fait, les intéressés, tous les partenaires de l’équation, évitent de dire que le système éducatif est devenu une machine d’apprentissage en décalage avec la société et les réalités économiques. Le système avait bien ses vertus à un moment de l’histoire, il y a quelques décennies. Il se trouve maintenant qu’il ne fait illusion que par quelques filières d’excellence qui ne regroupent qu’une partie infime du public jeune appelé à tenir les rênes du pays demain. On l’observe au quotidien dans la sanction des faits : le chômage des jeunes, en particulier diplômés, d’un côté et le départ en masse des meilleurs de l’autre. Face à cela, les querelles de clocher autour du chef du gouvernement ou de complots de pacotille ne tiennent vraiment pas la route. Si on devait faire subir un examen de compétences à nos politiques, ils seraient pratiquement tous hors sujet. Ils avaient été élus pour défendre le bien commun, ils passent leur temps à organiser leur confort particulier.
Au plus fort de la crise, le projet pour 2019 du département de l’Education est passé haut la main devant le Parlement. On peut faire l’hypothèse que nos élus n’avaient pas grand-chose à dire sur la question, on peut aussi supposer qu’ils s’en désintéressent. A faire le décompte des élus présents lors de ces « discussions », il est probable que la deuxième hypothèse soit la plus pertinente. La pratique est ancestrale dans les travées des écoles : on se fait porter pâle quand on n’a pas fait ses devoirs à la maison. Heureusement que dans les classes, il y a souvent des élèves « locomotives », ceux qui sauvent la leçon et permettent à l’enseignant de rentrer la conscience tranquille.
Et il y a fort à parier que dans les élites en attente d’émigration, on retrouve beaucoup de ces « locomotives ». Pour faire court, les locomotives bien de chez nous s’exportent pour aider au développement d’autres pays, laissant nos trains sans locomotives, puisque n’importe comment nous n’avons pas encore décidé de partir vers l’avant. Et même quand nous voulons garder l’espoir à travers nos élites républicaines, celles qui sont élues à la régulière, il arrive que certains en profitent pour faire la malle, comme cet élu local qui a profité de sa position pour éviter les embarcations de fortune.
Ce constat n’est pas vraiment nouveau et cela fait déjà quelques années que des gens avisés ont cru bien faire en rattachant, structurellement, l’apprentissage à la formation professionnelle, ensuite à l’emploi. A ce titre, une véritable expertise existe bien chez nous et des programmes ambitieux ont été élaborés pour faire la jonction entre l’école et le monde du travail. Il se trouve seulement que le « dialogue », qui s’éternise entre les partenaires de l’éducation, n’aborde nulle part ce volet. Dès que l’on sort la calculette pour évaluer les augmentations et les rémunérations, la pratique consiste à se mettre des oeillères pour tout le reste. Et, en posant les mauvaises questions, il est évident que les réponses ne peuvent être que mauvaises. Il est toujours vertueux de sortir les grandes envolées lyriques au sujet de la mission noble de l’école, encore faudra-t-il caser les générations à venir et leur offrir l’espoir de gagner leur vie par le travail.
Le corporatisme étroit et le clanisme politique sont aux antipodes de cette perspective. Et s’il devait y avoir complot, c’est bien dans cette sphère d’indécision et dans cette atmosphère glauque de la gouvernance à la petite semaine. Sur le papier, le pays n’est pas hors sujet, ce sont ses politiques qui sont hors champ, comme on dit au cinéma. Les pays vers lesquels se tournent nos jeunes chercheurs d’emploi n’appliquent en réalité que cette recherche de l’adaptation de la formation à la demande économique et sociale. A côté, continuer à apprendre, en méthodes et en contenu, comme cela a réussi il y a cinquante ans n’est pas seulement ridicule. Cela transforme la richesse d’une nation, ses générations en devenir, en poids insupportable, et souvent incontrôlable. Dès demain, on oubliera les examens perdus pour les élèves pour pleurer toutes les larmes du corps sur le mauvais sort. Quand le serpent se mord la queue, c’est que, bientôt, il n’aura plus ni queue ni tête.
En fait de serpent, la vigilance sans faille des services douaniers vient de mettre en échec des opérations de contrebande de drogue. Les quantités saisies sont significatives et informent surtout sur la permanence du trafic des matières illicites. Dans le lot des prises, on avait dit au départ qu’une drogue particulièrement nocive, capable de transformer en zombie les amateurs de drogue. Au final, on a rectifié le tir pour dire que le pays a échappé, momentanément, à ce fléau. En fait, on n’a pas vraiment besoin d’un coup de pouce pour constater qu’il y a des zombies. Ces morts en même temps vivants sont parmi nous et qu’il leur arrive de faire semblant de gouverner. Stupéfiant, non ?