Le projet de loi de finances 2019 n’est pas du goût des forces vives du pays
Conseil d’analyses économiques
Plan de relance et pactes de compétitivité : pour un modèle de développement renouvelé
La tenue, le 27 novembre dernier, d’une table ronde à l’effet de présenter le contenu du Plan de relance économique 2018-2020 est venue marquer, pratiquement jour pour jour, la première année qui a suivi la relance, par le Chef du gouvernement, des activités du Conseil d’analyses économiques (CAE) qui en a élaboré le contenu.
Dans l’introduction du contenu, vision et objectifs, nous apprenons que le Plan de relance est un rapport fédérateur de dix «Notes de Propositions thématiques»1 qu’il complète en aboutissant à un total de 100 mesures2 visant une relance axée sur deux leviers: la croissance et l’emploi ainsi que l’inclusion sociale et régionale:
• Huit de ces mesures concernent la loi de finances 2019. Elles ont été, en tout ou partie, retenues: moratoire sur la fiscalité des entreprises, Taux d’imposition unifié à 13,5 %, (au lieu de 10% proposé par le CAE), sur les secteurs onshore et offshore, rréation de la Banque des Régions, bonification d’intérêt pour les crédits à la PME, dégrèvement fiscal pour le secteur touristique (le CAE a proposé une extension au secteur industriel), réduction des taxes sur les énergies renouvelables (le CAE a proposé de réduire également les taxes sur les conteneurs et sur les TIC).
• Afin de compléter la loi de finances, qui ne peut, à elle seule - avance Afif Chelbi, président du CAE -, porter toutes les mesures de relance, il est proposé de promulguer, au cours du 1er trimestre 2019, une loi pour la relance économique qui comprendrait la trentaine de mesures à caractère législatif du plan et les autres mesures proposées, près de 70 , revêtant un caractère réglementaire ou relevant de programmes d’action à mettre en oeuvre.
En outre, il a été précisé que ce plan de relance a, certes, un horizon de court terme : 2019 – 2020, mais qu’il s’inscrit néanmoins dans une vision de la Tunisie à l’horizon 2025 (cf. encadré) qu’il est
proposé de consigner dans des Pactes de compétitivité (cf. encadré) entre l’Etat et les partenaires sociaux représentant les principaux secteurs économiques.
Une telle vision, affirme Afif Chelbi, a été construite à partir d’un bilan des forces et faiblesses des politiques économiques menées en Tunisie depuis près de 60 ans et à travers deux questionnements:
* Pourquoi, de 1960 à 2010,
la Tunisie est-elle restée à un taux de croissance moyen de 5 % au lieu des 7 à 8 % potentiels?
Autrement dit, l’élève Tunisie aurait pu mieux faire en dépit des progrès significatifs dans plusieurs domaines et l’édification d’une économie nationale diversifiée qui a réalisé de profonds changements structurels mais avec, cependant, les défaillances de gouvernance et de démocratie qui ont été des obstacles majeurs à une croissance plus soutenue et plus équilibrée régionalement et socialement.
* Pourquoi, près de huit années après le 14 janvier 2011,
la Tunisie connaît-elle une grave crise économique et sociale ?
Qu’un pays en transition connaisse des difficultés économiques, cela paraît normal, sauf que la Tunisie fait face à une durée de crise plus étalée dans le temps que celle observée dans les expériences de transition qui ne dépassent pas les cinq années.
Le pays enregistre, certes, en 2018 les prémices d’une reprise. Toutefois, souligne Afif Chelbi, les fragilités persistent dont notamment : l’instabilité politique et les tensions sociales, un taux d’investissement très bas, le drame des secteurs énergétique et phosphatier, une ouverture non maîtrisée des importations, la quasi-suppression des incitations aux secteurs productifs. Ces fragilités conduisent à doper l’économie parallèle, à creuser le déficit commercial, et à un véritable danger de désindustrialisation de la Tunisie.
Outre les aspects spécifiques des réponses à ces questionnements, Afif Chelbi indique que «une réponse commune à ces deux périodes constitue notre thèse centrale, à savoir que le principal obstacle au développement a été, et est toujours, lié aux politiques économiques «bridées» par un blocage idéologique persistant à propos de l’impératif d’un rôle plus volontariste d’un Etat stratège.
Avant 2011, le blocage est né du «traumatisme des années 60» avec l’échec des politiques étatistes et du choc du P.A.S. de 1986.
Il a entraîné une grave erreur de politique économique qui a fait que l’aisance financière, dont a bénéficié le pays avant 2011, n’a pas été suffisamment mise à profit pour impulser davantage la relance et mettre en oeuvre un modèle de développement plus ambitieux et plus équilibré.
Après 2011, la sortie de crise est certes d’ordre budgétaire et institutionnel, mais elle concerne surtout ce même blocage idéologique, qui a non seulement persisté, mais s’est aggravé avec la perte de notre aisance financière et l’affaiblissement de l’autorité de l’Etat ».
Aussi et sans pour autant revenir à l’investissement public direct ni à laisser seules jouer les forces du marché, il préconise une relance et une vision de politique économique, de mettre en oeuvre toute la panoplie de mécanismes de politiques publiques qui concernerait tout sauf l’investissement direct dans les secteurs productifs : stratégies sectorielles et de filières appuyées par la mise à disposition d’un écosystème adéquat, incitatif, logistique, technologique, de financement, de formation, de R&D, de promotion… avec pour objectif de «favoriser les activités de production au détriment des activités de circulation : importations, rentes… ».
De tels mécanismes sont donc à mettre en oeuvre par un Etat certes régulateur, redistributeur, réalisateur d’infrastructures mais pas seulement. Un tel Etat, face à une situation exceptionnelle, met également en oeuvre des politiques économiques exceptionnelles, novatrices, au service d’un développement :
* Plus ambitieux internationalement avec un ancrage par le haut dans la mondialisation,
* Plus inclusif socialement et régionalement, et
* Plus durable écologiquement. Pour cela, toujours selon A. Chelbi, un bon diagnostic est indispensable en ne confondant pas les problèmes structurels et les problèmes actuels, nés du choc de 2011 qui doivent être traités en priorité pour rétablir un fonctionnement normal des institutions, préalable indispensable à toute réforme et pour ce faire :
* Ecarter les fausses pistes : privatisations et ciblage de la compensation non réalisables, suppression des incitations à la création de valeur, fétichisme des textes, …
* Engager les vraies solutions : appuyer la relance, rétablir la confiance, l’autorité de l’Etat de droit, maîtriser les dépenses publiques, établir un nouveau contrat social...
* Et ne pas laisser les difficultés budgétaires, réelles, prendre le pas sur l’impératif de relance car la crise est certes économique, mais elle est surtout politique et idéologique.
Le Plan de relance et les pactes de compétitivité oeuvreront donc à la préservation et au développement de la principale richesse de la Tunisie : l’existence de milliers d’entreprises productives de niveau international et des centaines de milliers de compétences dont elles recèlent.
Par contre, il avertit que l’absence d’une relance ambitieuse ouvrirait la voie à la sortie de la Tunisie du monde de la production et de la création de valeur vers celui d’un acteur passif dans la division internationale du travail, simple importateur et consommateur.
D’où l’impératif d’une relance qui tienne compte de nos spécificités, ce qui implique une démarche de co-construction avec les institutions internationales, partenaires incontournables de la Tunisie, meilleur gage de réussite.
Abordons maintenant au concret le contenu du Plan de relance, dont la présentation a été faite par M.Sami Zaoui, qui a présidé le groupe de travail “Relance économique et pactes de compétitivité” au sein du CAE.
Le plan de relance comporte :
Des mesures de relance horizontales Des mesures de relance sectorielles et d’accélération de projets. Certaines mesures sectorielles seront consignées dans «des pactes de compétitivité» sectoriels à établir entre l’Etat et le secteur privé.