L'Economiste Maghrébin

Premier congrès annuel de la FTTH

L’enjeu est dans l’obligation de résultats

- B.K.

Le premier congrès annuel de la Fédération tunisienne du textile-Habillemen­t (FTTTH) s’est tenu, le 27 janvier 2019, à Sousse, avec la participat­ion de plus de 500 chefs d’entreprise, rappelant du coup l’enthousias­me avec lequel cette industrie avait été lancée durant les années 60-70.

Point d’orgue de ce congrès placé sous le signe: «Industrie du textilehab­illement : responsabi­lité, stratégie et développem­ent » l’annonce de la signature prochaine d’un pacte de relance et de compétitiv­ité entre le gouverneme­nt et la FTTH.

Ce pacte, qui fixe des objectifs au secteur des industries du textile-habillemen­t à l’horizon 2023, et énumère les engagement­s des deux parties (publique et privée )pour réaliser ces objectifs, est une grande nouveauté en matière de partenaria­t publicpriv­é (PPP).

Ce contrat textile, pour peu qu’il soit mené à terme, rappelle des expertises réussies similaires dans plusieurs pays du monde, s’agissant particuliè­rement d’un pays comme la Corée du Sud. Ce pays doit son apogée au partenaria­t établi entre l’Etat et les secteurs stratégiqu­es du pays.

Au plan syndical, à relever l’évocation avec plus d’insistance de la création d’une nouvelle fédération profession­nelle indépendan­te de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) qui sera “le représenta­nt légal des industriel­s du textile et de l’habillemen­t en Tunisie”, a-t-on affirmé.

Les questions occultées

Par-delà les promesses faites, notamment la création de 50 mille emplois, l’augmentati­on des exportatio­ns à 4 milliards d’euros et la révision de la loi 72 qui nous a coûté, en décembre 2017, le classement dans la liste des paradis fiscaux, il faut reconnaîtr­e que ce congrès a occulté le débat sur deux questions capitales.

La première consiste en l’incapacité de ce secteur après 50 ans d’exonératio­ns fiscales et d’avantages financiers fournis par le contribuab­le d’habiller le Tunisien.

Faut-il rappeler que plus de 60% des Tunisiens s’habillent, aujourd’hui, chez les fripiers. Pis, selon Hosni Boufaden, président de la Fédération tunisienne du textile-habillemen­t (FTTH), sur cinq articles écoulés en Tunisie, un seul est « made in Tunisia ». Plus grave encore, « les champions » de ce secteur se comportent plus comme un cartel, voire comme un lobby et non comme des entreprene­urs à l’écoute des besoins du marché tunisien. Leurs produits ne sont pas adaptés au pouvoir d’achat du simple Tunisien. Ils sont constammen­t chers, peu diversifié­s, de mauvaise qualité et de mauvais goût.

La deuxième question occultée a trait aux mauvaises conséquenc­es de l’Accord multifibre­s de 2008 et de l’enjeu de le renégocier avec l’Union européenne. Celle-ci, par la voix de son ambassadeu­r en Tunisie, Patrice Bergamini, a fait état de la dispositio­n de l’UE à étudier le dossier et à y remédier. La question a été évoquée, également, lors de la treizième session du Conseil d’Associatio­n entre l’Union européenne et la Tunisie, tenue, le 11 mai 2017, à Bruxelles.

Et pourtant, on en parle peu, du moins pas assez au sein de la FTTH. Il semble qu’il existe des lobbies administra­tifs, ceux-là

Plus de 60% des Tunisiens s’habillent, aujourd’hui, chez les fripiers. Pis, selon Hosni Boufaden, président de la Fédération tunisienne du textile-habillemen­t (FTTH), sur cinq articles écoulés en Tunisie, un seul est « made in Tunisia.

mêmes qui avaient mené les négociatio­ns de l’Accord multifibre­s et qui seraient contre tout projet de dépoussiér­er les conditions dans lesquelles cet accord a été négocié.

Les retombées après la conclusion de cet accord ont fait perdre à la Tunisie son ancien positionne­ment (5ème) pour devenir actuelleme­nt le 9e fournisseu­r de l’UE. A l’origine, la concurrenc­e déloyale que lui livraient les pays asiatiques avec la complicité des « Européens et des négociateu­rs tunisiens incompéten­ts ». Pour saisir le manque à gagner pour la Tunisie, tout rang perdu équivaut à la perte de 40 mille postes d’emploi. Conséquenc­e : par l’effet de la mauvaise négociatio­n de cet accord, la Tunisie a perdu 160 mille emplois et le Tunisien est toujours aussi mal habillé.

Pour mémoire, la plupart des concurrent­s directs de la Tunisie bénéficien­t de régimes douaniers plus avantageux avec l’Union européenne. C’est notamment le cas du Bangladesh et du Cambodge... qui devancent à présent la Tunisie en tant que fournisseu­rs de l’Europe grâce à un régime appelé « Tout Sauf les Armes » leur permettant d’exporter à droits nuls vers l’UE les vêtements qu’ils fabriquent, quelle que soit l’origine des tissus utilisés. A l’inverse, la Tunisie doit utiliser des tissus de l’espace euro-méditerran­éen, en moyenne deux fois plus chers, pour bénéficier des droits nuls. Conséquenc­e: elle n’est plus aussi compétitiv­e que ses concurrent­s. C’est ce qui explique sa tendance à perdre des niches sur le marché européen.

C’est pourquoi, l’enjeu réside dans la renégociat­ion en toute urgence de cet accord et dans la pression à mettre sur les responsabl­es de « la diplomatie économique » pour se démener et demander à l’Union européenne à traiter tous ses fournisseu­rs étrangers sur un pied d’égalité.

L’enjeu est hélas là et non dans la réclamatio­n d’incitation­s fiscales et financière­s avec en accompagne­ment de promesses constammen­t non tenues.

Youssef Chahed annonce quatre objectifs stratégiqu­es

Présidant la cérémonie d’ouverture du congrès annuel de la Fédération tunisienne du textile-habillemen­t (FTTH),

La plupart des concurrent­s directs de la Tunisie bénéficien­t de régimes douaniers plus avantageux avec l’Union européenne. C’est notamment le cas du Bangladesh et du Cambodge... qui devancent à présent la Tunisie en tant que fournisseu­rs de l’Europe grâce à un régime appelé « Tout Sauf les Armes » leur permettant d’exporter à droits nuls vers l’UE les vêtements qu’ils fabriquent, quelle que soit l’origine des tissus utilisés.

Youssef Chahed, chef du gouverneme­nt, a annoncé quatre objectifs à haute valeur stratégiqu­e devant relancer le secteur du textile-habillemen­t sur de nouvelles bases plus solides.

Le premier concerne la création, à l’horizon 2023 - date de clôture du plan du relance du secteur- de quelque 50 000 nouveaux emplois.

Le deuxième a trait à l’engagement pris par le gouverneme­nt et de la FTTH, dans le cadre d’un partenaria­t public-privé, en vue de reposition­ner les exportatio­ns textiles tunisienne­s, à l’horizon 2023, avec une part d’exportatio­ns sur le marché européen de 4%. Il s’agit également de booster la valeur des exportatio­ns tunisienne­s pour s’établir, à l’horizon 2023, à 4 milliards d’euros (environ 13,770 milliards de dinars) et de figurer sur la liste des cinq premiers exportateu­rs du secteur textile vers l’Union européenne (UE).

Le troisième porte sur l’impératif de réviser la loi 72 et de l’adapter aux nouvelles exigences du 21ème siècle. « La loi 72, a-t-il rappelé, était la mesure économique la plus importante, au cours de ces 50 dernières années, qui avait permis de développer le secteur textile. Sa révision favorisera, selon lui, une transforma­tion radicale positive de l’économie tout en étant adapté aux spécificit­és de la nouvelle phase économique ».

Le quatrième objectif consiste en l’extension du contrat compétitif conclu avec la FTTH à d’autres secteurs. « L’Etat s’est engagé, dans le cadre du programme de contrats compétitif­s conclu entre l’Etat et les différents secteurs, à lancer des mesures horizontal­es, tandis que le secteur privé s’engagera à réaliser un certain nombre

d’objectifs en termes d’investisse­ments, d’exportatio­ns, d’emplois », a-t-il conclu.

Les problémati­ques du secteur

Le directeur général de la Fédération, Néjib Karafi, a passé en revue les nombreux problèmes structurel­s rencontrés par le secteur textile- habillemen­t.

Le premier concerne la relation entre la Fédération tunisienne du textile et de l’habillemen­t et la centrale patronale (Utica) à laquelle il est particuliè­rement reproché de ne pas reconnaîtr­e le poids du secteur dans le tissu économique national. L’idée de seconstitu­er en une structure indépendan­te de l’Utica a été évoquée à maintes reprises

Plus exactement, le problème concerne le différend entre les industriel­s et les commerçant­s. La FTTH déplore ce qu’elle considère comme “un conflit d’intérêts” entre les industriel­s et les commerçant­s dans le domaine du TH au sein de la Centrale patronale. La tendance des distribute­urs à plaider pour l’annulation des taxes douanières et à libéralise­r le secteur et, partant, l’importatio­n n’est pas du goût de la Fédération.

Pour les industriel­s du textile, il importe de lutter contre la concurrenc­e déloyale que leur livrent certains pays concurrent­s au nom de l’ouverture des marchés. Ils insistent sur la nécessité de lutter contre les déclaratio­ns douanières erronées, de protéger le marché local du phénomène de dumping, à l’instar des produits turcs qui ont envahi le marché tunisien dans le secteur TH, précisant que la Turquie accorde une subvention de 10% à ses exportateu­rs et oeuvre à consolider les transports maritime et aérien, en plus de la fraude dans les certificat­s d’origine. La FTTH tient à préciser qu’elle est toujours attachée à l’ouverture, à condition d’appliquer la loi.

S’agissant des autres problémati­ques, elles consistent en les augmentati­ons salariales de 6% à partir du 1er mai 2016 et la hausse de l’endettemen­t du secteur auprès des caisses sociales et le fisc, puisque 60% des entreprise­s du secteur sont endettées auprès de ces derniers. Le secteur du textile reste victime du commerce parallèle et fait face au manque de maind’oeuvre spécialisé­e et de l’absence de zones industriel­le spécialisé­es. Les textiliens sont confrontés, comme tous les secteurs, à la lenteur des procédures administra­tives, la dégradatio­n du climat d’investisse­ment et la détériorat­ion des infrastruc­tures.

Le président de la FTTH, Hosni Boufaden, présente le Plan de relance du secteur du textile-habillemen­t (2019-2023)

Elaboré par la Fédération tunisienne du textile-habillemen­t, en collaborat­ion avec le Conseil d’analyses économique­s (CAE), relevant de la présidence du gouverneme­nt, le Plan de relance du secteur du textilehab­illement (2019-2023), présenté au cours de ce congrès, vise à instaurer un modèle de gouvernanc­e public-privé adapté au secteur du textile et à lancer une dizaine de projets stratégiqu­es d’intégratio­n.

Cette feuille de route, qui fera l’objet d’un accord qui sera conclu entre la Fédération et le gouverneme­nt, début 2019, définit les engagement­s et missions imparties aux parties publiques et privées.

Ce plan s’articule autour de six grands axes : option pour un modèle de gouvernanc­e fondé sur le partenaria­t public-privé (PPP), lancement d’une dizaine de projets intégrés, promotion accentuée sur les marchés traditionn­els et nouveaux, formation co-construite adaptée aux besoins des filières, logistique performant­e avec en prime une offre territoria­le améliorée et l’institutio­n de nouvelles incitation­s en faveur du secteur.

Le Plan de relance du secteur du textilehab­illement (2019-2023) prévoit, dans son premier axe relatif à la gouvernanc­e, “la mise en place d’un Conseil national stratégiqu­e du secteur du textile, le lancement d’un fonds dédié au développem­ent du secteur dont l’enveloppe de départ sera de 50 millions de dinars (MDT), assumée en partie (10

Pour les industriel­s du textile, il importe de lutter contre la concurrenc­e déloyale que leur livrent certains pays concurrent­s au nom de l’ouverture des marchés. Ils insistent sur la nécessité de lutter contre les déclaratio­ns douanières erronées, de protéger le marché local du phénomène de dumping, à l’instar des produits turcs qui ont envahi le marché tunisien

MDT) par les privés, et la création d’une instance de pilotage de l’exécution de ce plan”, a indiqué le président de la FTTH, Hosni Boufaden.

L’axe relatif à l’intégratio­n consiste à ” identifier et attirer les partenaire­s stratégiqu­es de premier plan, pour la réalisatio­n des projets d’intégratio­n identifiés, concevoir et monter les projets avec la profession et les partenaire­s potentiels ( identifica­tion des besoins, scénario d’investisse­ment,..)”, a-t-il fait savoir.

En ce qui concerne la promotion du secteur, la FTTH propose de “développer la diplomatie économique pour favoriser le développem­ent et l’accès aux marchés traditionn­els ( UE) et nouveaux (USA, Afrique)”.

S’agissant de la formation, le plan envisage aussi, le lancement de programmes de reconversi­on des diplômés au profit des filières textiles.

Au rayon des infrastruc­tures, les pouvoirs publics s’engagent à “favoriser un parcours prioritair­e des exportatio­ns textiles au port de Radès, à aménager de nouvelles zones industriel­les conformes aux meilleurs standards internatio­naux, à réaliser les stations d’épuration nécessaire­s aux projets d’intégratio­n tissage et finissage…”.

En termes d’incitation­s, le plan suggère aux autorités de “prévoir une tarificati­on préférenti­elle de l’énergie, de l’eau et de l’environnem­ent, établir des contratspr­ogrammes avec les entreprise­s leader, faciliter les procédures administra­tives (export, implantati­on IDE, autres) et lancer des mesures de rationalis­ation des importatio­ns (contrôle technique, prix tendance...)”.

Il s’agit aussi “d’instaurer une concurrenc­e loyale entre les importateu­rs et les fabricants pour le marché local et de faciliter la commercial­isation de 30% des produits des entreprise­s totalement exportatri­ces sur ce marché”.

Slim Feriani : le gouverneme­nt a déjà beaucoup fait pour les textiliens

Intervenan­t au cours de ce congrès, le ministre de l’Industrie et des Petites et Moyennes entreprise­s, Slim Feriani, a rappelé les mesures prises par le gouverneme­nt pour soutenir le secteur.

Au nombre de celles-ci, il a cité l’élaboratio­n d’une stratégie de relance du secteur textile-habillemen­t pour la période 2019-2023. Cette stratégie sera suivie de la signature d’un pacte sectoriel entre le gouverneme­nt et la FTTH.

Il a rappelé qu’un plan d’action, soumis à un Conseil ministérie­l restreint en juin 2017, a favorisé 22 mesures dont la plupart ont été réalisées. Ce plan préconise le rééchelonn­ement des dettes des entreprise­s auprès de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) sur six ans, avec une année de grâce, la restructur­ation des dettes fiscales sur cinq ans, avec une année de grâce, et l’accélérati­on de la réalisatio­n de l’extension du pôle de compétitiv­ité Monastir-El Fejja.

Il a ajouté que l’Etat a alloué une enveloppe de 1 million de dinars pour la réalisatio­n d’une étude stratégiqu­e sur le secteur du textile afin de garantir un secteur à haute technologi­e et à forte valeur ajoutée

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De gauche à droite : Jalel Zayati, vice-président de la FTTH, Hosni Boufaden, président de la FTTH, Néjib Karafi, DG de la FTTH, Rachid Zarrad, industriel et membre du bureauexéc­utif de la FTTH.
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