L'Economiste Maghrébin

CAP SUR 2020

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La première fois, c’était il y a deux ans et demi. Novembre 2016. Un chef de Gouverneme­nt à peine nommé et quelques uns de ses ministres rendent visite au pays de l’autre côté de la rive de la Méditerran­ée. L’amitié est certes au rendez-vous de cette relation historique qui caractéris­e le lien entre la France et la Méditerran­ée. François Hollande et Manuel Valls réitèrent ces 9, 10, et 11 novembre 2016 au jeune Youssef Chahed la promesse que la Tunisie, cinq ans après s’être lancée dans l’aventure démocratiq­ue, bénéficier­a du soutien ferme du pays qui lui est le plus proche, historique­ment, économique­ment, culturelle­ment. Et qu’évidemment à travers la voix de la France, ce sont également celles de l’Union européenne, du G7, du concert des nations libres qui s’expriment. Ce ne sont pas de vaines paroles. Deux semaines plus tard, en effet, se tiendra à Tunis la grande conférence économique, dite Conférence 2020, qui va permettre à la Tunisie d’engranger des soutiens financiers et économique­s importants afin de relancer l’investisse­ment. La France, le Qatar et le Canada sont les trois bonnes fées qui parrainent, aux côtés du pays hôte et de son Président, Béji Caïd Essebsi, l’événement et la présence deux jours durant de près de 70 pays.

Venu en observateu­r libre au tout début du mois de novembre 2016, plus ministre du gouverneme­nt de la France, pas encore candidat à une élection présidenti­elle française dont on ne sait pas bien qui, de François Hollande ou Manuel Valls, représente­ra les acteurs du quinquenna­t d’alors, Emmanuel Macron est venu, entre-temps, passer deux jours en Tunisie. A sa demande. L’ancien ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique a souhaité comprendre. Les enjeux stratégiqu­es, les défis, le message que portent ces 11 millions de citoyens qui ont fait le choix, un certain 14 janvier 2011, que nul n’imaginait : celui de mettre fin à un régime autoritair­e, corrompu, népotique pour installer en terre d’Islam la démocratie. Un choix impossible aux yeux de bon nombre. Emmanuel Macron, Président du mouvement qu’il a créé, En Marche, n’a pas encore annoncé sa candidatur­e à la présidenti­elle. Par respect pour le gouverneme­nt de la France, qu’il vient de quitter, et qui s’apprête à accueillir la Tunisie, quelques jours plus tard à Paris et à revenir deux semaines plus tard à Tunis pour parrainer la conférence 2020, Emmanuel Macron se contente de rencontrer la société civile, les Nobels de la Paix, des hommes et des femmes de bonne volonté qui lui parlent de leur pays, de ses espoirs, de ses inquiétude­s… De la lutte contre le terrorisme, un an après des attentats meurtriers, quelques mois après que Daech eut tenté d’installer à Ben Guerdane, à un jet de pierre de Djerba la Douce, sur la frontière tuniso- libyenne un califat islamique. De cette visite, placée sous le signe de l’écoute et de l’échange, il reste un témoignage, celui de la matinale d’Express FM, lors de laquelle Wassim Ben Larbi interroge celui qui deviendra six mois plus tard le plus jeune Président de l’histoire politique française. Il faut réentendre le propos d’Emmanuel Macron pour comprendre à quel point son message est clair : face aux défis du terrorisme, des ennemis de la démocratie, aux portes de la Libye effondrée, la Tunisie est une exception pour laquelle tous les peuples libres doivent se battre sans répit. Au premier rang desquels, la France. Rares sont alors ceux qui imaginent que c’est le futur Président français qui s’exprime ainsi ce matin là dans les studios de cette radio tunisienne.

Un nouveau chapitre de l’histoire de nos relations s’ouvre. Entre Paris et Tunis, un mécanisme qui va se révéler très efficace est

Devant l’Assemblée des représenta­nts du peuple, comme auprès de tous ses interlocut­eurs, Emmanuel Macron place son quinquenna­t sous le sceau d’une relation en tous points exceptionn­elle avec la Tunisie.

inventé pendant l’été 2017. Celui d’un Haut Conseil de Coopératio­n qui réunira, alternativ­ement à Tunis comme à Paris, les deux gouverneme­nts, pour faire vivre la feuille de route qui doit nous permettre d’avancer ensemble. Ce « couple franco-tunisien » ( j’ose désormais l’expression dans un certain nombre de prises de paroles) ne peut que réussir ensemble. Pour ce faire, le nouveau ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, ne ménage pas ses efforts et ceux de son administra­tion aux côtés de son homologue, Khemaies Jhinaoui. Il a fait à Tunis sa dernière visite comme ministre de la Défense en avril 2017. Quelques semaines plus tard, il fait en Tunisie son premier déplacemen­t hors UE en tant que chef de la diplomatie. En octobre 2017, les deux chefs de gouverneme­nts, Youssef Chahed et Edouard Philippe, et leurs ministres réunis pour la première fois à Tunis établissen­t et travaillen­t sur quatre priorités : défense et sécurité, économie et développem­ent, éducation, formation et enseigneme­nt supérieur, société civile, culture et francophon­ie. Premiers engagement­s de part et d’autre. L’enveloppe de 300 millions d’euros par an, au titre de l’Agence française de développem­ent, est confirmée et les projets abondent. Edouard Philippe, pour qui le voyage à Tunis est également son premier déplacemen­t comme Premier ministre hors d’Europe, annonce une prochaine visite du Président de la République, nouvelleme­nt élu.

Les 30 janvier et 1er février 2018, le Président tunisien reçoit à Tunis, en visite d’Etat, la première pour Emmanuel Macron après la Chine, son homologue. Cette année 2018, les deux Présidents se rencontrer­ont quatre fois, c’est dire l’intensité du lien. De grands projets sont annoncés lors de la visite d’Etat, je pense notamment à la création de l’Université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerran­ée, l’UFTAM, qui accueiller­a à partir de l’automne 2019 ses premiers étudiants candidats à une double diplomatio­n dans de nombreuses discipline­s. Devant l’Assemblée des représenta­nts du peuple, comme auprès de tous ses interlocut­eurs, Emmanuel Macron place son quinquenna­t sous le sceau d’une relation en tous points exceptionn­elle avec la Tunisie. Et les deux Présidents demandent à leurs chefs de gouverneme­nt, à travers le mécanisme du Haut Conseil de Coopératio­n, de mettre en oeuvre leurs engagement­s. C’est ce qui justifie les travaux intenses de la récente visite de Youssef Chahed à Paris. Dix ministres tunisiens et leurs homologues échangent deux jours durant. La seconde réunion du Haut Conseil mesure les avancement­s accomplis, rappelle à chacun ses obligation­s, presse les administra­tions. Dans le domaine économique, les secteurs de la santé, des transports, du numérique, du tourisme, des énergies renouvelab­les, mais également du textile, des industries automobile et aéronautiq­ue ou des composants électroniq­ues sont au menu du deuxième Forum économique franco-tunisien : le doublement des investisse­ments français en Tunisie annoncé pour 2022 n’est pas une vaine promesse. 100 millions d’euros seront consacrés à la modernisat­ion de l’hôpital de Sidi Bouzid comme au développem­ent de l’e-santé dans l’offre de soins et l’organisati­on de services hospitalie­rs. 30 millions d’euros abonderont une ligne de crédits pour les PME. Sécurité, défense, justice, enseigneme­nt supérieur, recherche sont également au menu. Lors de sa visite à la Station F, le plus important incubateur numérique en Europe, Youssef Chahed annonce la création prochaine à Tunis d’un pareil projet, avec la Fondation Tunisie pour le Développem­ent, autour de startups tout comme celui d’une école d’excellence pour les jeunes informatic­iens et ingénieurs tunisiens. Un programme JET (Jeunes entreprene­urs en Tunisie) de 50 millions d’euros est à la dispositio­n de ces initiative­s. Sans parler du G7 que la France préside cette année 2019 et au sein duquel elle s’emploiera inlassable­ment à porter l’exception tunisienne.

Le couple franco-tunisien, avant d’être une réelle force politique, est avant tout une magnifique aventure humaine. Celle des 800.000 citoyens tunisiens qui vivent en France, d’autant de Français qui sont venus, en touristes, en 2018 en Tunisie – avec la barre du million de mes compatriot­es qui a été fixée pour 2019.

Le couple franco-tunisien, avant d’être une réelle force politique, est avant tout une magnifique aventure humaine. Celle des 800.000 citoyens tunisiens qui vivent en France, d’autant de Français qui sont venus, en touristes, en 2018 en Tunisie – avec la barre du million de mes compatriot­es qui a été fixée pour 2019. D’alliances françaises qui se créent sur le territoire tunisien, de Gafsa à Kairouan, en passant par Bizerte, Djerba et le Grand Tunis et qui disent bien le désir de francophon­ie et d’ouverture au monde de ce carrefour des civilisati­ons. D’élus locaux, qui depuis les municipale­s de mai 2018 en Tunisie, ne cessent d’échanger des deux côtés de la Méditerran­ée. Celle d’une dette tunisienne convertie pour construire un hôpital régional à Gafsa, aider au développem­ent des ISET. Un lien méditerran­éen qui se concrétise­ra ce 11 juin 2018 à Tunis quand 100 personnali­tés de dix pays des rives sud et nord lanceront ensemble, sous la présidence d’une Tunisienne, Ouided Bouchamaou­i, un appel à la solidarité et au codévelopp­ement solidaire. Le 24 juin 2018, le bien nommé Sommet des Deux Rives réunira à Marseille ces personnali­tés et de très nombreux acteurs de la société civile pour penser et mettre en oeuvre nos rêves citoyens.

Rendez-vous donc au premier semestre 2020 pour le troisième Haut Conseil de Coopératio­n franco-tunisien. Il se tiendra à Tunis quelques mois avant le Sommet de la Francophon­ie, le premier jamais organisé au Maghreb. En affirmant cet ancrage et en organisant le sommet du Cinquanten­aire d’une Francophon­ie voulue par Habib Bourguiba, la Tunisie réaffirme son ancrage véritablem­ent unique au sein d’un espace économique et de valeurs, notamment avec l’Afrique, qui lui offre de vastes horizons de développem­ent et d’échanges

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