L’hystérie américaine monte D’un cran
Ala question qui lui fut posée en 1972 sur l’impact de la Révolution française, le Premier ministre de la Chine maoïste, Chou En Lai, fit cette réponse lapidaire : « C’est encore un peu tôt pour le dire. » On ne sait pas trop si l’ancien Premier ministre chinois le pensait réellement ou avait eu recours à l’humour pour ne pas avoir à dépoussiérer une révolution vieille de deux siècles.
Peut-on paraphraser Chou En Lai et dire 40 ans c’est un peu trop court pour évaluer l’impact de la révolution khomeyniste en Iran, dans la région et dans le monde ? Le séisme provoqué il y a 40 ans par la révolution islamique continue de se faire sentir jusqu’à ce jour à travers ses incessantes répliques, et l’événement majeur que constituait la chute de la dictature des Pahlavis continue, quarante ans après, à avoir une multitude d’impacts sur le triple plan national, régional et international.
Le 11 février, l’Iran a fêté le 40e anniversaire de la révolution khomeyniste de 1979. Il y a 40 ans, l’Ayatollah Khomeiny fit un retour triomphal à Téhéran après 14 ans d’exil. Les millions de citoyens iraniens qui avaient pris possession de la rue à Téhéran et dans toutes les villes et villages d’Iran avaient réussi à battre à mains nues la « cinquième puissance militaire du monde », mettant ainsi un terme au règne du Chah et aux exactions de son armée et aux sévices de sa police politique, la sinistrement célèbre ‘Savak’.
La première décision prise par Khomeiny était suffisamment claire pour signifier au monde entier que la politique étrangère iranienne avait opéré un virage de 180°. En effet, la première personnalité étrangère que le guide iranien avait invitée à Téhéran au lendemain de la révolution fut le dirigeant palestinien Yasser Arafat qui avait eu la bonne surprise de recevoir des mains de Khomeiny les clés de l’ambassade israélienne à Téhéran, rebaptisée « Ambassade de Palestine auprès de la République islamique d’Iran ».
C’était le point de départ d’une très profonde animosité entre l’Iran, d’une part, et les Etats-Unis et Israël, d’autre part, une animosité nourrie, il faut bien le dire, depuis quarante ans par Israël et son puissant lobby à Washington.
L’Iran a des raisons sérieuses d’en vouloir aux Etats-Unis. Ce pays avait fait avorter une expérience démocratique en Iran en renversant le régime nationaliste mis en place par le très populaire Mohammed Mosaddeq en 1953. L’Amérique avait aidé le Chah pendant plus d’un demi-siècle à sévir contre son peuple. Elle avait tout fait pour que la guerre Iran-Irak soit déclenchée et pour qu’elle se prolonge pendant huit ans, notamment en vendant ses armes ouvertement à Bagdad et secrètement à Téhéran (l’affaire Iran-Contra). L’US Navy avait abattu dans le Golfe, le 3 juillet 1988, un avion civil iranien, un Airbus A-300, transportant 290 passagers dont 66 enfants. Un mois après ce drame, le 2 août 1988, le président américain d’alors, George H.W. Bush fit cette déclaration honteuse : « Je m’en fous des faits (relatifs à la destruction de l’avion iranien ), je ne ferai jamais d’excuses au nom de l’Amérique ». Des milliards de dollars appartenant à l’Etat iranien avaient été gelés pendant des décennies dans les banques occidentales sur ordre de Washington, sans parler des sanctions économiques étouffantes qui durent jusqu’à ce jour.
En dépit de tous ces crimes, l’Iran avait tenté à diverses occasions de tendre la main à Washington dans l’espoir de normaliser sa relation avec la superpuissance américaine. Quand Bush fils déclencha sa guerre contre les talibans afghans en octobre 2001, l’Iran avait fourni de précieuses informations à l’armée américaines et lui avait permis d’utiliser son espace aérien. Le président Rafsanjani alla jusqu’à proposer un contrat juteux à la compagnie pétrolière américaine, CONOCO, en vue de développer et d’exploiter l’un des plus grands gisements d’Iran. Les administrations successives, celles de Bush père, Clinton et
Piètre stratège, Bush fils, qui voulait affaiblir l’Iran et contenir sa « menace », lui avait en fait rendu un service éminent en le débarrassant de ses deux ennemis, le régime des talibans à l’est et celui de Saddam Hussein à l’ouest.
Bush fils ignoraient la main tendue de l’Iran, considéré 40 ans durant comme « une menace à contenir. »
Bush fils, dans son aveuglement et son aventurisme militaire débridé, avait mis l’Iran sur la liste de ses interventions programmées et dont le tour était prévu juste après l’Irak. Son embourbement en Irak avait permis aux Iraniens d’échapper au sort tragique des Irakiens.
Piètre stratège, Bush fils, qui voulait affaiblir l’Iran et contenir sa « menace », lui avait en fait rendu un service éminent en le débarrassant de ses deux ennemis, le régime des talibans à l’est et celui de Saddam Hussein à l’ouest.
Par leur incompétence congénitale, les décideurs américains, dans leur longue confrontation avec l’Iran, ont pratiquement toujours obtenu les résultats contraires à leurs objectifs. De telle sorte que, 40 ans après la révolution khomeyniste, l’influence de l’Iran dans la région s’agrandit de jour en jour et celle des Etats-Unis est en régression continue. Washington et Tel-Aviv n’ont rien pu faire pour empêcher la concrétisation par l’Iran de « l’autoroute stratégique » qui relie aujourd’hui Téhéran à Beyrouth via Bagdad et Damas, ce qui constitue un échec patent pour les Etats-Unis et leur allié israélien et une victoire stratégique éclatante pour Téhéran.
L’unique tentative de normaliser les relations irano-américaines l’a été en 2015 après la signature par Obama et ses alliés européens du traité nucléaire avec Téhéran. Une tentative avortée en 2018 par Donald Trump qui, sous la pression d’Israël et des néoconservateurs dont il s’est entouré, avait renié l’accord signé par son prédécesseur. Depuis, le disque rayé de la propagande américano-israélienne présentant l’Iran comme « le plus grand sponsor du terrorisme » est en marche dans l’indifférence universelle.
Car, à part les Américains et les Israéliens, dans leur majorité il faut bien le dire, rares sont ceux qui, dans le reste du monde, donnent la moindre crédibilité ou prêtent la moindre attention aux vociférations anti-iraniennes hystériques en provenance de Washington et de Tel-Aviv.
L’hystérie anti-iranienne, exprimée à travers le vice-président Mike Pence, le Secrétaire d’Etat Mike Pompeo et le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, est montée d’un cran le 11 février dernier, jour où la République islamique a fêté son quarantième anniversaire. John Bolton en particulier s’est mis dans une situation un peu ridicule parce qu’au cours d’une réunion en 2017 avec le mouvement Moudjahidin Khalq à Paris, il a promis, juré et assuré l’opposition iranienne réfugiée en France que la République islamique… ne fêtera pas son 40e anniversaire.
En ce 11 février 2019, malgré la pluie et le froid, les Iraniens ont défilé par millions dans toutes les villes du pays pour célébrer le 40e anniversaire de la révolution. Un spectacle réconfortant pour les dirigeants iraniens et déprimant pour les dirigeants américains, en particulier Mike Pompeo et John Bolton qui semblent n’avoir d’autre objectif dans la vie que de renverser le régime en place à Téhéran depuis le 11 février 1979.
Alors que les Iraniens fêtaient le 40e anniversaire de leur révolution à coups de défilés militaires et de rassemblements populaires massifs, Pence, Bolton et Pompeo ont organisé à la hâte la « conférence de Varsovie » destinée, selon ses organisateurs américains à … mobiliser le monde contre l’Iran.
Si, sans surprise, les délégations d’Israël et des pays du Golfe étaient représentées à des niveaux politiques élevés, les pays européens avaient envoyé à Varsovie des diplomates de second ordre, ce qui en dit long sur le degré de crédibilité qu’ils accordent aux thèses américano-israéliennes sur la menace que pose l’Iran à la sécurité dans le monde.
A Varsovie, Pompeo, le secrétaire d’Etat américain, a affirmé, sans rire, qu’ « il ne peut y avoir ni paix ni stabilité dans le monde sans la confrontation avec l’Iran ». Prié de commenter ce rassemblement et les discours incendiaires qui s’y tiennent contre son pays, un officiel iranien a affirmé : « Nous sommes occupés à fêter le 40e anniversaire de notre révolution, nous n’avons pas le temps de suivre le cirque anti-iranien en Pologne ». Ce « persiflage » iranien n’est pas de nature à apaiser un tant soit peu l’hystérie de Bolton & Co