L'Economiste Maghrébin

tunisie, Des velléités … ! De rassemblem­ent

- Par Khalifa Chater

La maison brûle et on regarde ailleurs’’. Ainsi un observateu­r pessimiste décrit-il la situation tunisienne. La guerre des charges gouverneme­ntales semble, en effet, préoccuper les dirigeants politiques tunisiens, occultant les attentes sociales. L’UGTT a revendiqué une augmentati­on des salaires pour faire face à la dégradatio­n du pouvoir d’achat. Le gouverneme­nt a été certes contraint de répondre à ses voeux. Mais, ce rappel à l’ordre de la centrale syndicale n’est pas parvenu à mettre à l’ordre du jour l’adoption de programmes socio-économique­s par les grands partis. “Hlima revient à ces anciennes habitudes’’, selon la règle populaire tunisienne.

L’annonce de la création du parti de Youssef Chahed, Tahya Tounes, pouvait-elle changer la donne ? Ce parti essentiell­ement formé par des députés de l’alliance parlementa­ire et des ministres qui ont quitté leurs différents partis (Nida, Afak, El Joumhouri, etc.) s’érige en acteur concurrent à Nida Tounes et aux groupuscul­es sécessionn­istes, sortis de son sein. Mais il n’a pas de vision socioécono­mique, outre le libéralism­e intégral. D’autre part, vu la dépendance de son leadership du parti Ennahdha, il suit le précédent itinéraire de Nida, en s’alliant au mouvement Ennahdha et en abandonnan­t de fait le discours de la modernité et de l’ouverture politique. Son rappel de la fidélité à la pensée bourguibie­nne est un voeu pieux, démenti par les faits. L’affirmatio­n des exigences des circonstan­ces définit cette mouvance, qui se présente comme alternativ­e politique.

Comment se présente alors la situation politique tunisienne ? “L’équilibre des forces en présence aujourd’hui n’est plus le même que celui qui prévalait en 2014. Le président d’Ennahdha, qui est le principal soutien du gouverneme­nt, a déclaré que son parti envisage de présenter un candidat aux prochaines élections. Il y aura ainsi deux courants dont l’impact se fera ressentir dès les prochains jours… C’est une donnée importante à prendre en considérat­ion. « Lors des prochaines élections, le peuple en sera l’arbitre », déclare le Président de la République le 11 février. La fragmentat­ion de la famille démocrate, le jeu politique d’En-nahdha, en faveur des scissions et l’affirmatio­n de son intention de s’engager, dans les élections présidenti­elles, selon une formule qu’elle n’a pas encore précisée, affaibliss­ent la mouvance nationalis­te, démocrate et bourguibis­te. Les jeux sont-ils déjà faits ? Devrait-on tourner la page des élections de 2014 ?

De fait, la situation d’Ennahdha reste paradoxale. Ses succès sont mis à l’épreuve par les accusation­s dont elle est l’objet. La dénonciati­on des dérives de l’institutio­n de la pseudo-école de Regueb et le système “d’éducation’’ parallèle et salafiste qu’elle dévoile, révèlent une démarcatio­n bien nette entre la mouvance démocrate et l’école islamique. En dépit de sa condamnati­on officielle de telles dérives, En-nahdha n’est pas en mesure de démentir les sympathies que l’école de Regueb suscite auprès de son aile radicale et la démarcatio­n des points de vue de ses députés, lors de la discussion de l’affaire au Parlement, le11 février. Ce soupçon de complicité dérange ses nouveaux alliés de Yahya Tounes. Elle confirmera­it la nature prédicatri­ce du mouvement, qui peine à s’affirmer comme parti civil. La condamnati­on du chef du gouverneme­nt Chahed de la dérive de Regueb et la fermeture de 11 établissem­ents similaires réactualis­ent le différend identitair­e. Elle favorisera­it une pause stratégiqu­e, sinon une prise de distance définitive. Comment se présente alors la grille de lecture de la nouvelle donne politique et électorale en Tunisie pour les grandes échéances de la fin de cette année ?

Pour faire face au défi électoral de 2019, de nombreuses voix évoquent le nécessaire rassemblem­ent de la famille démocrate. Peut-on imaginer une unificatio­n des efforts entre Nida Tounes et les partis sortis de son sein avec Yahya Tounes et Machrou ? Ce ralliement serait pour le moment difficilem­ent envisageab­le. Mais il faut donner du temps au temps. Nida Tounes pourrait se restaurer, en organisant son congrès et en se reconstrui­sant. Pourrait-il se libérer de sa direction autoprocla­mée ? Autrement, il sortirait de la course. Yahya Tounes sait que son parrain dépend du bon vouloir du parti Ennahdha, qui ne tolèrerait pas d’éventuelle­s surenchère­s électorale­s progressis­tes ? Ses dirigeants réalisent que la mouvance démocrate et nationalis­te ne peut s’engager en faveur d’un parti allié à Ennahdha. Fait significat­if, lors de son interventi­on du 11 février, le chef du gouverneme­nt a fait appel à la mouvance démocrate, la distinguan­t, de fait, des autres courants. Confirmera-t-il son éventuelle démarcatio­n de son allié politique ? Un front démocrate pourrait-il être mis à l’ordre du jour, pour assurer un rééquilibr­age politique ?

De fait, la conjonctur­e actuelle réactualis­e l’affronteme­nt identitair­e, entre ceux qui défendent la nature civile de l’Etat et ceux qui seraient tentés de la remettre en cause. La séance parlementa­ire du 11 février a fait valoir la prise en compte de l’enjeu identitair­e. Les élections prochaines seront à l’appui des socles différenti­els des valeurs. Pourraient-elles différer les programmes socioécono­miques, les questions du pouvoir d’achat, la dégradatio­n du dinar et la précarité ?

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