mémoire Des Peuples
Les Etats-Unis annoncent le retrait, unilatéral, de l’accord, conclu en 1987, sur les armes nucléaires de portée intermédiaire et cela dans six mois. La Russie réagit. Elle accuse le principal rival et ses alliés européens de chercher à provoquer son « épuisement économique » par l’entremise de la « nouvelle course aux armements » associée à l’hégémonie du dollar. Ce même stratagème avait conduit à la perestroïka et à la mise du pays à plat. Mais avec Poutine, la Russie reprend des couleurs au point que l’ancien du KGB, sportif et cultivé, finira par dire lors de l’imposant défilé militaire : « Maintenant, ils vont nous écouter !». Fondateur des revanches civilisationnelles, selon Nietzsche, « le ressentiment » taraudait la Russie affaiblie et un sursaut réactionnel place, aujourd’hui, le pays en position de menacer l’ennemi. Comme de coutume en pareilles circonstances, un couple d’opposition met en scène l’affirmation et le démenti.
Pour Angela Merkel : « Il est clair que la Russie viole ce traité et c’est pourquoi nous devons parler avec la Russie ». La directrice de l’information du ministère des Affaires étrangères de Russie, Maria Zakharova, ne partage pas cet avis : « Aucune preuve, aucune photo satellite, aucun témoignage » n’ont été fournis par les Américains. « On nous dit il faut juste que vous détruisiez tout ». Ce dialogue de sourds illustre à quel point la notion même de limitation, appliquée aux armements, émarge au registre de l’aléatoire. L’économie fondée sur les complexes militaroindustriels et un système où prévaut « l’unité du procès de production et du procès de circulation » méconnaît, par définition, la limitation.
Avec ou sans traité, une fraction de ces missiles à tête nucléaire suffit à embraser l’univers.
« Détruisez tout », dit Maria Zakharova. Par cette formulation elle cligne vers le rêve américain.
A la limite, il s’agirait de n’avoir qu’une Amérique surarmée avec un Trump seul dépositaire de la dissuasion. Le président coréen le dit fort bien : « La réciprocité ou rien ! »
Pour cette raison, le second tête-à-tête n’atténuera sans doute pas la tension. L’arbitrage des conflits exclut la position de juge et partie. Avertie par l’expérience du passé, la Russie d’aujourd’hui n’est plus disposée à tomber dans le piège de la perestroïka. Sans vaciller, elle impose la réciprocité par l’annonce de son retrait du traité. Poutine réagit sur-le-champ. De nouvelles armes seront, dit-il, produites. Cette réplique immédiate pointe vers une situation où les Etats-Unis peinent à maintenir leur position de domination militaire. Nous ne sommes plus à l’ère des arbalètes et des remparts, car le risque nucléaire, dorénavant multipolaire, n’a cure du temps et de l’espace. Une fraction de seconde suffit à l’apocalypse de venir de loin… Les Américains se trompent de village planétaire sous leur botte avec une Russie et une Chine aptes à leur faire plier l’échine. L’opposition manifestée aux Etats-Unis contre le retrait des soldats déployés en Syrie fournit la meilleure illustration de cette problématisation. Les opposés à cette mesure subodorent la tonalité au plus haut point défaitiste en ce lieu où la Russie impose une implantation catégorique au plan géostratégique. Le dilemme pousse Trump à dire qu’il part sans partir. Mais la Russie, futée, le nargue, l’applaudit et sourit.