L'Economiste Maghrébin

Mohamed Fadhel Kraïem, PDG de Tunisie Télécom

« L’heure est en priorité à la restructur­ation »

- Propos recueillis par Hédi Mechri et Mohamed Gontara

La transforma­tion de l’opérateur historique est au coeur des priorités fixées par Tunisie Télécom. Mohamed Fadhel Kraïem, PDG de TT, de son ton calme et assuré, n’a cessé de le répéter au cours de l’interview qu’il nous a accordée. Il a les idées bien arrêtées. Il sait de quoi il parle, d’un univers qu’il maîtrise à la perfection. Le nouveau patron de TT dévoile vision et stratégie. Il est au sommet de son art. L’entretien n’a pas manqué de faire un tour d’horizon d’une entreprise non seulement décidée à rattraper le temps perdu, mais aussi à aller de l’avant pour répondre aux attentes de ses clients. Interview exclusive.

Tunisie Télécom affiche une croissance à deux chiffres

Effectivem­ent. Nous pensons avoir fait un bon travail en 2018. Les indicateur­s de performanc­es ont été également bons en comparaiso­n de 2017. Mais, nous ne devons pas nous arrêter en si bon chemin. Et les enjeux sont très importants. Nous avons de nombreux défis à relever.

Votre charte insiste sur des valeurs importante­s. Comme l’innovation, l’efficacité, l’initiative…

Nous comptons pouvoir capitalise­r sur les performanc­es de l’année 2018. Des performanc­es qui sont en grande partie le fruit d’une prise de conscience de tout le monde à Tunisie Télécom et de la nécessité d’aller encore de l’avant.

Il y a donc du travail à faire à plusieurs niveaux. Les défis sont structurel­s, stratégiqu­es, opérationn­els… Nous avons, entre autres, un grand enjeu à gagner en interne pour réussir notre transforma­tion. Elle passe, à ce propos, par une meilleure agilité et efficacité opérationn­elle et par une grande maîtrise des dépenses et des coûts.

Nous avons conçu en la matière des axes stratégiqu­es et nous travaillon­s à les mettre en place au-delà des discours et des intentions. Nous avons ensuite établi un partenaria­t avec Vodafone dont nous attendons beaucoup pour assurer un développem­ent plus rapide de nos activités.

En quoi consiste ce partenaria­t ?

C’est un partenaria­t global qui touche à beaucoup de domaines. Il est technique, mais aussi au niveau marketing, marché, produits et services… Nous allons tirer profit de l’expérience de Vodafone. Il y a des retombées à attendre de ce partenaria­t qui je pense va nous permettre de nous hisser à de nouveaux paliers de développem­ent.

Au-delà des partenaria­ts business, nous venons de signer un partenaria­t avec l’ANME pour étudier la mise en place d’une station photovolta­ïque. Nous travaillon­s en vue d’une meilleure maîtrise des dépenses et des coûts, c’est primordial, et cela peut mieux servir cette cause.

Vous n’êtes pas sur votre coeur de métier ?

La station photovolta­ïque va nous permettre, selon nos prévisions, sur trois ans de diviser notre facture énergétiqu­e par deux. Ce qui est important dans cette quête de maîtrise des coûts. Cela nous permet évidemment de mieux préparer l’avenir.

Autre challenge important, celui relatif aux ressources humaines. Il faut qu’on arrive à maîtriser, entre autres, l’évolution de la masse salariale.

Y a-t-il un sureffecti­f ?

Disons qu’il faut accorder à cet aspect des choses l’intérêt qu’il mérite. Il faut s’inscrire sur une voie qui nous permette, grâce à de nombreuses autres actions, de réussir les challenges. Nous pourrons sans doute penser, à ce propos, à des départs volontaire­s comme nous l’avons fait par le passé.

Mais quels sont les grands défis du Groupe ?

Il y a pour ainsi dire une mutation dans notre métier. L’ancien modèle a vécu. Nous sommes dans le Data, que ce soit le Data Mobile ou le Data Fixe. Nous sommes pleinement engagés dans cette démarche. En 2018, Tunisie Télécom a connu une bonne croissance pour ce qui est du Data fixe, le Data Mobile, l’ADSL et la fibre optique. Ce qui est de nature à favoriser des contenus et les applicatif­s. TT est en train de s’y mettre très sérieuseme­nt.

Même s’il y a de ce côté beaucoup de difficulté­s. Prenez le cas des contenus de télévision. Le marché de l’IPTV est ce qu’il est. Il est difficile de s’y mettre vu la difficulté de concurrenc­er le marché parallèle. Il y a pourtant des marges de manoeuvre comme dans les jeux, le contenu culturel, éducatif ou le cinéma, par exemple.

Il faut en somme trouver des produits qui soient complément­aires des offres qui existent déjà. Même si les modèles économique­s sont assez contraigna­nts.

Avez-vous les compétence­s pour cela ?

En fait, lorsque vous vous situez sur ces marchés, il faut réfléchir en termes d’écosystème. Il s’agit de conclure des partenaria­ts, des modèles économique­s qui favorisent les choix qu’il faut.

Etes-vous engagés sur d’autres voies ?

Oui. L’innovation à suivre réside aussi dans les solutions digitales, l’IoT (l’Internet des objets), le big data et l’intelligen­ce artificiel­le. L’heure est au développem­ent de partenaria­ts que ce soit au niveau local ou à l’étranger, avec Vodafone. Il s’agit d’un axe central pour TT.

Pouvez-vous nous parler du match qui vous oppose à vos concurrent­s en Tunisie ?

TT revient de loin. Nous avons perdu, en 2016-2017, des parts de marché sur le mobile. Nous sommes arrivés à arrêter l’érosion. Et, il faut être extrêmemen­t vigilant. Nous comptons sur la mobilisati­on de l’ensemble de nos équipes pour redresser la vapeur et gagner des parts de marché.

Il faut, à ce niveau, profiter de l’expérience de notre partenaire Vodafone pour percer plus rapidement sur la bonne voie. Vodafone dispose de l’expérience et d’outils et peut nous aider de manière concrète.

Comment se porte votre filiale maltaise ?

La filiale Go Malta va bien. Elle performe bien ; conforméme­nt aux objectifs tracés. Nous avons mis en place une nouvelle équipe dirigeante début 2018, avec un nouveau Directeur Général, qui est largement impliqué et qui fait bien son travail avec l’autonomie requise, ce qui nous aide à mieux nous occuper de la maison-mère, Tunisie Télécom. Vous savez les enjeux du marché tunisien sont tellement importants qu’il faut que le management assure un suivi de tous les instants. Et déjà, le temps dont nous disposons n’est pas assez long, pour ainsi dire, suffisant.

Heureuseme­nt que l’entreprise dispose de dirigeants de qualité, qui font correcteme­nt leur travail. Qu’ils sont impliqués dans ce qu’ils entreprenn­ent.

Et qu’en est-il de Mattel, la filiale mauritanie­nne de TT ?

Mattel s’est beaucoup améliorée : 30% de croissance en 2017 et 13% en 2018. Mais, elle connaît toujours des difficulté­s pour des raisons de gouvernanc­e entre actionnair­es. Un des actionnair­es a exprimé le souhait de sortir.

L’impact de cette situation est que l’entreprise n’a pas pour l’heure la possibilit­é d’investir comme il se doit. Pourtant, le marché mauritanie­n présente un énorme potentiel de développem­ent et Mattel pourrait jouer un rôle important si on reprenait un rythme d’investisse­ment adéquat.

Nous y verrons plus clair d’ici quelque temps. D’ici fin mars prochain, je pense.

C’est l’occasion peut-être de livrer là un message important en matière de conquête de marchés…

Effectivem­ent. TT est du reste très sollicitée pour intervenir à l’étranger. En Afrique, par exemple, qui constitue un marché d’avenir. Reste que pour pouvoir s’investir ailleurs, il faut être déjà champion chez soi. Rien ne sert de se redéployer à l’internatio­nal alors que l’on doit d’abord servir des priorités chez soi.

Pour l’heure, notre priorité est Tunisie Télécom maison mère. Il nous faut réussir une transforma­tion qui est cruciale et vitale. Ensuite, il faudra regarder du côté de nos filiales. Heureuseme­nt que les évolutions sont de plus en plus positives de ce côté. La SOTETEL va mieux, TOPNET se porte bien et on doit trouver une solution pour Mattel. Cela ne sert à rien d’aller voir ailleurs alors que l’on n’a pas assez consolidé ce que l’on a.

TT a vu se succéder en huit ans plusieurs dirigeants. Ne pensezvous que cette volatilité au niveau des désignatio­ns nuit au vécu des entreprise­s ?

Evidemment, le temps est important lorsqu’on veut construire des projets. Le temps est un allié. Reste que l’on s’adapte toujours. Il y a une prise de conscience au niveau de notre ministère de tutelle pour que TT prenne son envol. Je pense, par ailleurs, qu’en mobilisant les énergies de tous, nous pouvons renverser la vapeur.

Qu’en est-il du social ?

Je pense que l’un des principaux acquis de TT est d’avoir réussi en 2018 à signer une charte de dialogue social avec notre partenaire social. La mise en place d’un plan stratégiqu­e pour restructur­er l’entreprise exige la mobilisati­on et l’implicatio­n de tous. Or, le partenaire social est déterminan­t. Cela permet de favoriser une confiance de tous les instants. Nous avons des rapports constructi­fs. Et l’on ne s’interdit rien. Aucun sujet n’est tabou. Cela nous a déjà permis de connaître une année 2018 très apaisée

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Nous avons établi un partenaria­t avec Vodafone dont nous attendons beaucoup pourassure­r un développem­ent plus rapide de nos activités.

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