LA PUNITION
Quinze morts sur ordonnance. Quinze prématurés auxquels on a ôté la vie : quinze cadavres sur les bras et quinze petits disparus sur la conscience. Après l’enseignement, la santé et la faillite consommée d’un système. On achève bien le secteur public. Dans la précipitation et la cohue générale, un ministre, médecin de son état, a présenté sa démission. Je ne sais pas si on devrait se suffire de cette démission. Le président de la République a dit à propos du ministre démissionnaire qu’il avait le sens de l’Etat. Combien sont-ils tous ces ministres défaillants ayant le sens de l’Etat, et qui par honnêteté morale, ont eu le courage de présenter leur démission ? Et je ne parle même pas des chefs de gouvernement qui eux aussi sont directement concernés…
« Ni détester, ni adorer l’argent, mais l’utiliser pour ce qu’il est », parole du Président français Emmanuel Macron dont on doit bien reconnaître qu’il sait comment faire quand le ciel s’assombrit : après la déferlante « Gilets Jaunes », on fait la tournée du pays pour s’expliquer et expliquer avec un art consommé de la pédagogie et de la communication. Et c’est comme cela qu’on réussit à remonter dans l’estime de ses concitoyens et effacer un tant soit peu cette encombrante réputation de Macron président des riches. C’est en marchant qu’on devient président, a dit un jour le Général de Gaulle. Il semble qu’à Tunis on n’ait pas retenu la leçon, sinon comment expliquer cette absence remarquée du chef du gouvernement lors de la commémoration des événements de Ben Guerdène ? Au lieu de marcher dans le sens que tout le monde souhaite, les dirigeants actuels éprouvent un plaisir satanique à faire marcher le pays sur la tête. Pas de pire punition pour des faits que le bon peuple n’a pas commis.
Rien que pour vos yeux Mesdames, Nissa Tounès un parti rien que pour les femmes et par des femmes. Il ne manquait plus que cela pour parfaire un décor déjà bien chargé. Après le dernier avatar de la scène politique locale qui s’appelle « Pour la Tunisie » enfant chéri de son géniteur l’ancien ministre des Affaires étrangères et actuel secrétaire général de cette chose appelée UMA, Taieb Baccouche, à quoi faudrait-il encore s’attendre ? On a perdu un excellant universitaire, alors qu’en tant qu’homme politique d’envergure, nous n’avons rien gagné, regrettent ceux qui portent en estime l’ancien secrétaire général de Nida Tounès. Le label Tunisie instrumentalisé. Et tant qu’on y est, les jeunes devraient eux aussi s’y mettre en créant, pourquoi pas, un parti qui serait à leur image et qu’ils baptiseraient« Chabeb Tounès » ? Après tout, ce sont bien les jeunes qui on tout fait pour que la révolution fut ! Dupés par leurs aînés, ils peuvent bien tenter leur chance, et ce n’est certainement pas le nombre qui va manquer à l’appel.
Cela dit, d’après- vous, quand deux démons se trouvent ensemble, que peuvent-ils se dire et à quoi faudrait-il s’attendre ? Au pire bien évidemment ? Et quand ils sont plus que deux, qu’est-ce qui pourrait alors arriver ? Avec leur sourire carnassier et cette lueur mauvaise dans le regard, je vous laisse imaginer. Le petit écran a de ses vertus…dommage que l’on persiste à dire à propos des Arabes qu’il n’y a que le bâton et le fouet pour les ramener sur le chemin de la discipline. Je trouve cette persistance humiliante et dégradante, même si elle est amplement justifiée. Et puis, cette Umma tant glorifiée n’a-t-elle pas mérité de ceux parmi ses fidèles les plus obtus, les plus extrémistes qui ont tout fait pour que son image soit ternie ? Avec plus de trois mille jeunes convertis aux pratiques sanguinaires de maîtres-djihadistes sans foi ni loi, la Tunisie peine à se défaire de cette exécrable réputation de pourvoyeurs d’égorgeurs. Et quand on vient m’expliquer que vingt trois années de tassahor dini ont largement été suffisantes pour préparer le terrain à ce que nous sommes en train de voir aujourd’hui, je reste circonspect. Cela même s’il n’y a pas de meilleure réponse que cette détresse qui frappe les couches les plus défavorisées de la population, et qui nous culpabilise et nous interpelle. On n’a tout de même pas fait une révolution pour en arriver là ! Mais que faire, quand tout le monde s’en fiche et s’en contrefiche de tout le monde et tient à s’en tenir à sa propre feuille de route et à garder son propre cap. Je comprends pourquoi à Nabeul on est en colère et très remonté contre le pouvoir central à Tunis : des inondations ravageuses, des promesses de dédommagement, puis plus rien. Les habitants sinistrés de la région auraient dû savoir qu’un chef de gouvernement de l’après-révolution ça trompe énormément, et qu’il n’y a pas mieux qu’une voiture populaire pour tempérer les ardeurs et endormir les esprits.
Quinze morts sur ordonnance. Quinze prématurés auxquels on a ôté la vie : quinze cadavres sur les bras et quinze petits disparus sur la conscience. Après l’enseignement, la santé et la faillite consommée d’un système. On achève bien le secteur public.