Le Tribunal administratif a tranché
Habib Guiza, secrétaire général de la Confédération Générale Tunisienne du Travail (CGTT) jubile. Et pour cause.
Le Tribunal administratif tunisien a prononcé, le 5 février 2019, en sa faveur un jugement définitif qui vient consacrer le pluralisme syndical en Tunisie. Tous les syndicats, légalement constitués, ont, désormais, le droit de prendre part aux négociations sociales, au dialogue social à tous les niveaux sur la base de la représentativité proportionnelle et non restrictive.
Ils ont, également, le droit d’être membres au conseil national du dialogue social ainsi que leur droit aux subventions-primes de l’Etat et aux détachements.
Pour éclairer l’opinion publique sur la portée de ce jugement définitif, Habib Guiza a tenu, jeudi, 14 mars 2019, à Tunis une conférence de presse. En voici l’essentiel.
Les dessous d’un jugement
Habib Guiza a rappelé que la CGTT a été obligée de recourir au Tribunal administratif pour protester contre les décisions d’exclusion prises à son encontre par la présidence du gouvernement et le ministère des Affaires sociales.
Il a précisé que bien que le pluralisme syndical soit institué de manière claire par la Constitution de 2014, des blocages, des défaillances et des manquements sont signalés régulièrement et sont de nature à entraver la pluralité syndicale.
Selon lui, il s’agit, entre autres, du nonrespect des libertés syndicales, d’une soixantaine de conventions internationales sur les relations de travail auxquelles la Tunisie a adhéré, absence de critères consacrant une représentativité syndicale plurielle et équitable, inexistence de cadre juridique réglementant les négociations collectives, absence de dialogue social au sein des entreprises, polarisation excessive du gouvernement sur la représentativité syndicale alors qu’elle ne constitue pas le seul levier à actionner pour promouvoir le dialogue social…
Il a indiqué que ces dépassements ont fait réagir le Bureau International du travail (BIT). Il s’agit, entre autres, du rapport en date du 7 juin 2018 qui fait état de la violation du droit au pluralisme syndical, des critères objectifs pour la détermination de la représentativité syndicale. Ce rapport a rappelé au gouvernement tunisien l’obligation d’honorer les engagements qu’il avait pris dans le cadre de sa coopération avec le bureau de l’OIT à Tunis.
Habib Guiza devait critiquer de manière très virulente la persistance de la démarche suivie en matière de négociations sociales.
Il a invité les partenaires sociaux à transcender les négociations stériles et improductives axées sur les majorations salariales pour d’autres négociations plus globales qui toucheraient l’amélioration de la
productivité et la répartition équitable de la richesse entre patrons et travailleurs.
Le gouvernement serait partisan de la pensée syndicale unique
Habib Guiza a tiré à boulets rouges sur l’actuel ministre des Affaires sociales qu’il a qualifié de « nostalgique de la pensée syndicale unique d’antan », pensée représentée par l’Ugtt, l’Utica et l’Utap.
Pour étayer ses accusations, Habib Guiza a rappelé la composition du récent Conseil national du dialogue social. Il estime qu’en dépit du nombre important de représentants au sein du conseil atteignant jusqu’à 105 membres, le ministre en a exclu les représentants de syndicats comme la Cgtt, le Synagri et la Conect favorisant une logique de représentation restrictive au détriment de la logique de la représentation proportionnelle en limitant la représentation des travailleurs à « 35 membres représentants pour le gouvernement, 35 pour l’Ugtt, 30 pour l’Utica et 5 pour l’Utap ».
Cette composition est, de l’avis de Habib Guiza, un déni des acquis de la révolution qui a consacré le pluralisme syndical et de la Constitution de 2014 qui l’a institué.
Pour la Cgtt, la Conect et le Synagri, cette composition ne favorise pas le dialogue inclusif et conduit nécessairement à limiter le droit de représentation syndicale à l’Ugtt, à l’Utica et à l’Utap.
Elle exclut, en revanche, toutes les autres organisations professionnelles représentatives des travailleurs et des employeurs (fédérations sectorielles…) auxquelles « il devient ainsi interdit ou
quasiment impossible à ces organisations d’exercer une représentation quelconque ».
Avec cette composition, le ministère des Affaires sociales, pense Habib Guiza, perpétue la pensée unique d’antan et leurs corollaires, le monopole syndical et la discrimination à l’égard des autres organisations syndicales.
Pis, il considère que cette composition contredit ouvertement les dispositions de la loi du 24 juillet 2017 portant création du Conseil national du dialogue social, plus particulièrement l’article 8 qui fait prévaloir expressément la logique du pluralisme syndical dans la composition de l’assemblée générale du Conseil.
Cet article stipule que cette assemblée se compose « …d’un nombre égal de représentants du gouvernement, de représentants des organisations les plus représentatives des travailleurs et de représentants des organisations les plus représentatives des employeurs dans les secteurs agricole et non agricole », ce qui renvoie logiquement et juridiquement à l’existence d’une pluralité d’organisations les plus représentatives.
Il rappelle également que cette composition contredit également les conventions de l’Organisation internationale du travail ratifiées par la Tunisie, s’agissant notamment de celles relatives aux libertés syndicales, la Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et la Convention (n°98) sur le droit d’organisation et de négociation collective.
Les propositions de la Cgtt
Habib Guiza devait souligner que la Cgtt, sans s’immiscer dans la gestion politique du pays, a le droit de donner son avis sur les grandes orientations.
Au plan social, il s’est prononcé pour un contrat social citoyen qui viendrait consacrer au quotidien un socle de services publics de qualité dans les domaines de l’éducation, de la santé, du transport et de la refonte des politiques de revenus.
Au plan politique, il a plaidé pour la mise en place « d’un Etat stratège démocratique » fondé sur la promotion de la citoyenneté.
Au plan économique, Il a défendu la coexistence des trois secteurs : public, privé, Economie sociale et solidaire
Habib Guiza a rappelé la composition du récent Conseil national du dialogue social. Il estime qu’en dépit du nombre important de représentants au sein du conseil atteignant jusqu’à 105 membres, le ministre en a exclu les représentants de syndicats comme la Cgtt, le Synagri et la Conect favorisant une logique de représentation restrictive et de nature à exclure au détriment de la logique de la représentation proportionnelle en limitant la représentation des travailleurs ... Cette composition est, de l’avis de Habib Guiza, un déni des acquis de la révolution qui a consacré le pluralisme syndical et de la Constitution de 2014 qui l’a institué.