ALGÉRIE, NEW DEAL … !
Prenant acte de la protestation populaire et répondant à ses revendications, le Président Abdelaziz Bouteflika a annoncé, lundi 11 mars, qu’il renonçait à briguer un 5e mandat et qu’il reportait sine die l’élection présidentielle, prévue le 18 avril.“Je comprends tout particulièrement le message porté par les jeunes en termes, à la fois, d’angoisse et d’ambition pour leur avenir propre et pour celui du pays’’ déclara-t-il. “Cette nouvelle République et ce nouveau système, affirma-t-il, dans son discours au peuple, à cette occasion, seront entre les mains des nouvelles générations d’Algériennes et d’Algériens qui seront tout naturellement les principaux acteurs et bénéficiaires de la vie publique et du développement durable dans l’Algérie de demain’’. Dans le cadre de cette conjoncture de transition, le président algérien a annoncé la formation d’un gouvernement de compétences nationales, dans le but de contribuer de manière optimale à la tenue de l’élection présidentielle, dans des conditions incontestables de liberté, de régularité et de transparence. A cet effet, il désigna comme Premier ministre, l’ancien ministre de l’Intérieur, Noureddine Bedoui. Il créa la charge d’un Premier ministre-adjoint qu’il confia à Ramtane Lamamra. Fait important, le président algérien avait reçu, avant d’annoncer ses décisions, le grand diplomate Lakhdhar Brahimi. Serait-il appelé à assurer la transition, comme l’affirment certains observateurs ? Lakhdar Brahimi pourrait-il jouer un rôle central dans les jours à venir, tel que l’annonçait L’Algérie patriotique, dès le 10 mars ?
L’Algérie fait sa «révolution de velours»
“Notre peuple et notre jeunesse nous interpellent et nous appellent à parachever l’oeuvre grandiose de libération et d’indépendance si chèrement acquise. Algériens, Algériennes, ne ratons pas demain un rendez-vous avec l’Histoire ! ’’ (Zohra Drif Bitat, in De la maturité en marche, Al-Watan, 8 mars). L’annonce de la moudjahida Zohra Drif Bitat de sa décision de prendre part au mouvement contestataire atteste que des résistants de la lutte nationale et des dirigeants du FLN ont rejoint la protestation populaire, qui s’est déclenchée vendredi 22 février 2019. Ce mouvement de protestation s’est engagé, à la suite de la décision du Président Abdelaziz Bouteflika de briguer un cinquième mandat en prévision de la présidentielle prévue le 18 avril prochain. Or, l’actuel président, victime d’un accident vasculaire cérébral en 2013, n’a fait que de rares apparitions publiques depuis cette date. Les Algériens sont descendus dans la rue. Depuis lors, le mouvement a pris de l’ampleur. Il se poursuivit et se développa. De grandes marches populaires ont eu lieu, en Algérie, vendredi 8 mars 2019. Les avocats, les juges, le corps sanitaire rejoignent le mouvement. D’importants moujahidin et des dirigeants du FLN participèrent à la contestation populaire. A l’occasion de la Journée de la femme, les Algériennes ont participé en masse à la contestation. D’autre part, les revendications dépassent désormais le rejet du cinquième mandat. Les Algériens dénoncent l’establishment qui s’est incrusté à la faveur de la maladie du Président Bouteflika. Ils critiquent la gestion gouvernementale et demandent un changement de régime. De fait, ils ont pris leurs distances d’un pouvoir usé, qui ne répondait pas à leurs attentes. Le Président Bouteflika, lui -même, est ménagé, en tant que leader du mouvement de libération, non affecté, par ailleurs, par une gestion intéressée. Mais on estime que sa maladie l’empêche d’exercer désormais la présidence.
Une extension du “printemps arabe’’ ?
L’allocution du chef d’état-major de l’armée algérienne, le viceministre de la Défense, Ahmed Gaid Salah, s’y réfère : “Certaines parties, déclare-t-il, qui sont dérangées de voir l’Algérie stable et sûre, voudraient la ramener aux douloureuses années de braises, lors desquelles le peuple algérien a enduré toutes sortes de souffrances et payé un lourd tribut’’, référence faite à la guerre civile qui a duré une dizaine d’années et a secoué la nation nord-africaine dans les années 90 (discours à Cherchell, 6 mars). Il critiqua l’éventuel rôle du Qatar et de la Turquie, qui ont défendu la politique du Grand Moyen-Orient et la stratégie du chaos qu’ils ont engagée. Ce diagnostic devrait cependant être révisé et relativisé. A la différence des événements
Le nouveau régime annoncé pourrait-il arrêter l’escalade ? Est-ce à dire que l’establishment est désormais à la recherche d’un candidat, réalisant l’accord de l’armée et du FLN ? S’agirait-il plutôt d’assumer les conséquences d’une réelle démocratisation ? Une transition politique serait-elle à l’ordre du jour ? Les dés ne sont pas encore jetés. Mais les craintes d’une extension du “printemps arabe’’ et la stratégie du chaos semblent bel et bien écartés.
du “printemps arabe’’, la contestation est massive et pacifique. L’Algérie fait sa «révolution de velours», déclara Benjamin Stora (https://www.huffingtonpost.fr, 8 mars). D’autre part, la contestation est essentiellement l’objet de la dynamique interne. La télévision Al-Jazira, porte-parole du Qatar, qui s’était mobilisée pour soutenir la contestation en Tunisie, en Egypte, en Libye et en Syrie et qui a oeuvré pour la prise du pouvoir de l’islam politique, a joué un rôle mesuré, sinon objectif. Peut-on l’expliquer par la crainte du pouvoir algérien, vu l’état des rapports de force ? Je pense plutôt que la question ne relève pas, dans cette conjoncture, des priorités du Qatar. Cet Etat du Golfe semble davantage préoccupé par sa lutte contre l’Arabie Saoudite et les Emirats. Qatar s’est également mobilisé dans la dénonciation de l’assassinat du journaliste saoudien, dans le consulat de son pays, à Ankara. D’autre part, Qatar aurait pris conscience de la sérieuse contestation de l’islam politique. En ce qui concerne la Turquie, elle est préoccupée par le suivi kurde de la guerre de Syrie et son duel avec le gouvernement égyptien. D’ailleurs, le jeu politique turc a toujours été discret. Ce qui ne le dément pas. D’autre part, jouant un rôle similaire à l’armée égyptienne, l’establishment militaire algérien ne semble pas disposé à accepter une telle transgression idéologique. D’ailleurs, la triste mémoire de la dizaine sanglante des années 90 ne peut être occultée par la contestation populaire.
Une prise en compte de la protestation populaire
La nouvelle donne annonçait un nouveau deal, favorisant une reconstruction institutionnelle et une révision de la politique générale. Fait évident, les partis politiques, en Algérie, qui étaient sur leurs gardes, se concertaient pour formuler un accord consensuel. Prenant acte du mouvement de la rue, l’establishment annonça une “conférence nationale inclusive et indépendante (afin) de débattre, concevoir et adopter des réformes, sur le plan constitutionnel, institutionnel, politique et économique, pour établir un mécanisme indépendant pour organiser une élection présidentielle anticipée’’ (discours de candidature du Président Bouteflika). Dans ce même discours, le Président Bouteflika a annoncé qu’il écarterait un mandat de cinq ans et organiserait des élections anticipées.
Après les grandes marches populaires du vendredi 8 mars et son retour de Genève, il prend acte de la tournure des faits et annonce qu’il renonce à briguer un 5e mandat. “Il n’y aura pas de cinquième mandat et il n’en a jamais été question pour moi, mon état de santé et mon âge ne m’assignant comme ultime devoir envers le peuple algérien que la contribution à l’assise des fondations d’une nouvelle République en tant que cadre du nouveau système algérien que nous appelons de tous nos voeux’’. Il confirma la tenue d’une conférence nationale inclusive et indépendante, qui rédigerait une nouvelle Constitution qui ferait l’objet d’un référendum.
Le nouveau régime annoncé pourrait-il arrêter l’escalade ? Est-ce à dire que l’establishment est désormais à la recherche d’un candidat, assuré de l’accord de l’armée et du FLN ? S’agirait-il plutôt d’assumer les conséquences d’une réelle démocratisation ? Une transition politique serait-elle à l’ordre du jour ? Les dés ne sont pas encore jetés. Mais les craintes d’une extension du “printemps arabe’’ et la stratégie du chaos semblent bel et bien écartés. Les pays du voisinage et l’ensemble euro-méditerranéen craignaient une déstabilisation algérienne, par solidarité avec l’Algérie et par peur de ses effets néfastes. La nouvelle Algérie à mettre en oeuvre enrichirait son socle de valeurs par une démocratisation d’ouverture au service d’un partenariat égalitaire
P.S. : La gigantesque mobilisation en Algérie, vendredi 15 mars, montre que la contestation continue. “Nous voulons le départ du système’’, criaient les manifestants. Où va l’Algérie ?