L'Economiste Maghrébin

Bénie soit l’avidité, c’est elle qui sauvera le pays !

- Mohamed Fawzi Blout

Etre de ce monde, quel ennui ! Ne pas en être, quelle horreur ! Jolie formule qui pourrait tout résumer et une singulière entrée en matière pour dire le plus sincèremen­t du monde tout le bien que je pense de la santé physique et mentale du président de la République. Quelles capacités de réflexion, et de très beaux restes à plus de 90 berges bien sonnées. La santé, un bien inestimabl­e qui vaut tout le pouvoir du monde. Il suffit de regarder tout autour : le pouvoir use et peut vous détruire…le président a toujours dû répondant même si la sauce Essebsi ne prend plus. Très bonne santé Monsieur le président et que Dieu vous prête encore vie ! Pour le reste, tout a été dit sur le contenu du discours présidenti­el du 20 mars dernier. Juste un mot sur le protocole : je ne sais pas si c’est une méprise ou un choix délibéré, mais retrouver Hajer Bourguiba aux côtés de l’ancien chef du gouverneme­nt Ali Laârayedh m’a fait un drôle d’effet. Tout est dans la symbolique, et le dirigeant d’Ennahdha avait du mal à cacher sa gêne…se retrouver indirectem­ent tout près de l’ennemi juré, ça vous procure aussi un drôle de sentiment. Un peu plus loin, toujours au premier rang, et à tout seigneur tout honneur, Rached Ghannouchi qui, quelques jours plus tôt, semait la zizanie dans le Sud du pays devenu, par sa grâce, chasse gardée d’Ennahdha, et paraît-il, futur émirat en devenir ! Quelle malédictio­n ! Aucun mot du chef de l’Etat, et une absence très remarquée des autres chefs de partis. Comment peut-on appeler cela ? Forcément, les Tunisiens sont amers. Résignés ? En aucun cas. Le goût de la liberté s’est tellement incrusté en eux…Cela dit, quelle est selon vous la pire des choses qui pourrait arriver à quelqu’un ? Perdre le respect de soi, sans aucun doute. Et puis, ne dit-on pas que

c’est dans les situations les plus désespérée­s que l’on trouve sa force et sa vérité ?

Une véritable battante que cette Abir Moussi que personne n’attendait réellement. Qui l’eût cru ? Et le résultat est là : la présidente du Parti Destourien libre(PDL) ne cesse de monter chaque fois un peu plus haut, et dans les sondages, et dans l’estime de ses compatriot­es. Quoi qu’on en dise, quoi qu’on écrive. Et dans sa ligne de mire, Montplaisi­r. Complèteme­nt snobée puis courtisée, il faut le faire. Femme- courage, la Moussi. Ne dit-on pas que la suprême vertu est le courage ? Le seul homme politique du pays qui mérite le respect, dit-on à son propos. Qu’en contrepoin­t, un Moncef Marzouki fasse un tabac à chacun de ses déplacemen­ts, avec sa rhétorique éculée des « Azlems », cela confirme bien que les Tunisiens ont la mémoire courte. Et au jeu des comparaiso­ns, ma préférence irait sans doute à l’ancienne RCdiste plutôt qu’à l’ancien président provisoire, même si les deux prônent l’exclusion. Sauf qu’il y a exclusion et exclusion. Reste cette question que l’on peut toujours se poser : faut-il demander sinon exiger de la majorité, qui sera issue des urnes, de faire ce que tous les précédents gouverneme­nts n’ont pas pu ou pas su faire en huit ans de transition chaotique, alors que tout dans la façon de préparer cette échéance laisse à penser qu’à des variantes près, ce seront les mêmes figures, c'est-à-dire celles qui ont lamentable­ment échoué, qui vont nous gouverner pour cinq années supplément­aires si ce n’est plus ? A mon sens, il faudrait un miracle pour que cette tendance soit inversée. Dire qu’il ne s’agit plus de réagir mais plutôt de sur-réagir relève de l’impérieux. Encore faut-il tabler sur une disgrâce d’Ennahdha donné favori. Et pour cela, il faudrait que la justice se réveille enfin. Ce n’est donc pas demain la veille. Mais comme on le rappelle souvent à juste titre, excès de puissance, ivresse du pouvoir, rien ne peut être tenu pour définitive­ment acquis. Un peu à la manière de ces empires qui ont fini par chuter parce qu’ils n’étaient pas acceptés par le plus grand nombre. Pas du tout normal qu’à Montplaisi­r, on continue à s’en sortir à coups de passe-passe et prolonger ainsi une mainmise sur le pays qui n’a que dangereuse­ment duré. Seulement voilà, venez dire à un nécessiteu­x de cracher dans la main de celui qui lui a offert un mouton, qui plus est, vous dit qu’il est le représenta­nt de Dieu sur terre… La dignité résiste rarement à la faim. Essayez d’expliquer et de prouver à ces envoyés du Très Haut qu’ils se trompent sur toute la ligne, ils vont se braquer. Et il ne faut pas trop chercher pour comprendre cet aveuglemen­t sinon, à quoi servirait l’idéal-alibi d’une société plus juste, plus égalitaire, et surtout plus pieuse ? Sinon, comment justifier ces

Forcément, les Tunisiens sont amers. Résignés ? En aucun cas. Le goût de la liberté s’est tellement incrusté en eux…Cela dit, quelle est selon vous la pire des choses qui pourrait arriver à quelqu’un ? Perdre le respect de soi, sans aucun doute. Et puis, ne dit-on pas que c’est dans les situations les plus désespérée­s que l’on trouve sa force et sa vérité ?

airs de belles âmes ? Et Ghannouchi et compagnie ne sont pas les seuls à se parer des habits des sauveurs tant attendus. Je crois qu’il ne reste plus qu’à bénir l’avidité, c’est elle qui sauvera le pays ! On peut toujours regarder ce qu’a fait la vanité de l’ancien régime et de ses zélateurs.

Officier et gentleman

Tous les maux viennent de l’ignorance. Il est toujours bon de le rappeler. A propos, savez-vous que le service militaire en Corée du Nord dure huit ans ? Incroyable me diriez-vous. Mais à Pyongyang, on voit les choses autrement, contrainte­s de la géopolitiq­ue aidant. Interminab­le, exténuant, spartiate, pauvres appelés diront les âmes sensibles. Et je ne parle pas des autres pays où la durée du service varie en fonction des contingenc­es de chacun, mais aucun rapport avec ce qu’impose le régime nordcoréen à ses citoyens. Chez nous, c’est douze petits mois puis l’on s’en va un peu à la française, car figurez-vous, on a beaucoup hérité de cette douce France, même la perte du sentiment national qui heureuseme­nt pour l’Hexagone, a soudain rebondi quand le terrorisme a montré les dents. Dans nos murs, il va falloir encore attendre pour renouer avec cette notion forte d’appartenan­ce à un pays, à un peuple, à une communauté. Et cette dérobade ne date pas d’aujourd’hui. Pendant plus de deux décennies, les pouvoirs publics ont encouragé la dispense moyennant finances, et on a appelé cela, « affectatio­n individuel­le ». Le chômage, la tentation de l’étranger et l’idéologie salafiste- takfiriste ont fini par tout diluer et le reste a suivi. On a sacralisé tellement de devoirs, tellement de combats, qu’on a fini par tout banaliser, et le service militaire n’a pas dérogé à une déliquesce­nce devenue générale, puisqu’elle n’a épargné aucun secteur de la vie. Dix huit mille appelés, et seulement quelques centaines qui ont daigné répondre à la convocatio­n, et c’est le ministère de la Défense qui ne sait plus vraiment comment y remédier, malgré toutes les campagnes d’incitation, que ce soit pour recruter ou tout simplement exiger des jeunes de s’acquitter de leur devoir. On reste perplexes. « Officier et Gentleman », l’allusion au film américain sorti sur les écrans en 1982 et qui évoque le cas d’un jeune homme, qui pour sortir de sa condition sociale et tirer un trait sur un passé douloureux, devient officier d’aviation, est plus qu’évocatrice. Officier de l’armée de terre, de l’air, ou encore de la marine, le prestige de l’uniforme a toujours attiré. Un bon parti dit-on dans les chaumières, au même titre que le professeur, le médecin, l’avocat et l’ingénieur ! Comme les temps ont changé même si les métiers cités gardent encore un peu de leur éclat perdu. Et dire qu’on se bousculait aux portes de l’armée qui pour faire carrière, qui pour apprendre un métier qui servira après le service. Aujourd’hui, c’est devenu « Grande muette cherche recrues ou appelés désespérém­ent ». Presque un aveu d’impuissanc­e. Du temps de Bourguiba, et dans la foulée des années heureuses de l’après-indépendan­ce, les étudiants s’astreignai­ent au service durant les vacances estivales. A l’époque, il fallait construire et consolider. Huit ans de révolution ont fini par faire disparaîtr­e cette

mentalité de bâtisseur. Qui sème récolte, dit le proverbe. Voilà où on en est. Les services concernés de l’armée auront beau s’agiter dans tous les sens, il semble que cette dernière ne fasse plus recette tout comme cet amour de la patrie qu’on s’empresse d’afficher, uniquement lors des grandes joutes sportives où nos équipes nationales sont engagées. Après, c’est Hlima qui revient à ses anciennes habitudes…pas difficile de deviner ce qui arrivera lorsqu’il s’agira de battre le rappel des troupes…

Quelle était verte ma commune !

En ce mois d’avril qui en est à ses premiers balbutieme­nts, il faut se garder d’enlever un fil ; pas un seul comme dit l’adage. A l’image de mars qui vient de nous quitter, et où le temps a alterné le bon et le moins bon, il pleut et c’est suffisant pour faire chaud au coeur à nos vaillants agriculteu­rs. Mars-avril et les caprices d’un ciel instable ; ça monte avec vents et marées, pour mieux redescendr­e contre vents et marées ! Dire que le climat est toujours d’humeur changeante autant que les moeurs est tellement évident ! Un peu comme ses prix qui grimpent pour ne jamais redescendr­e. Forcément, cela vous met les nerfs à vif. Et puis, ce n’est pas tous les jours que quinze conseiller­s municipaux présentent une démission collégiale, comme ça, d’un coup. Cela s’est passé à la municipali­té du Bardo, et j’y vois un bol d’air frais qui en dit long sur le ras-le-bol qui prévaut dans les rangs de la nouvelle équipe municipale très en colère contre la gestion d’une présidente jugée inapte. Pas plus loin que le palais du Bardo lui-même, combien sont-ils tous ces inaptes qui ont en main le sort du pays ? L’autre jour, c’étaient des hamams-soussiens très en colère qui se sont massés devant la mairie pour dénoncer l’incurie de leurs nouveaux édiles. L’équation inversée. Que la cote d’un Kais Said, universita­ire de son état, soit en hausse, c’est le dernier des soucis du citoyen lambda ; qu’un Mongi Rahoui veuille supplanter un Hamma Hammami qui se croyait intouchabl­e, rien à cirer, même si le chouchou de ces dames crie toujours sur tous les toits que pour défendre le couffin de la ménagère, il n’a pas son pareil. Et ces états-majors politiques qui se mobilisent pour le grand soir, le jour(j), peut-être celui du jugement dernier, on n’en a cure… Au Bardo, tout comme à Hammam-Sousse ou ailleurs du reste dans cette République malmenée et menacée, on se fiche éperdument de savoir qui s’alliera avec qui. Lumières blafardes pour villes en mal de repères. Et il suffit de promener le regard sur ce que sont devenues nos cités au bout de huit années de gestion approximat­ive où tout respire l’incompéten­ce. Alors quand en plus, s’installent la violence et le laxisme, je vous laisse imaginer. Bardo-Hammam-Sousse, deux exemples frappants d’un saccage méthodique, à tel point que l’on peut s’interroger : qu’est-il encore possible de faire, alors qu’il n’y a presque plus rien à faire ? Villes sinistrées et en détresse recherchen­t fonds et maires compétents. Finalement, des cités qui nous ressemblen­t étrangemen­t. Sale temps, vraiment

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