L'Economiste Maghrébin

Sommet arabe à Tunis A LA RECHERCHE D’UN SECOND SOUFFLE

- Khalifa Chater

Le 30e sommet de la Ligue des Etats arabes, qui vient de clôturer ses travaux à Tunis, devait traiter les conditions arabes, dans une conjonctur­e tragique, exceptionn­elle : aggravatio­n de la situation palestinie­nne, effets désastreux du “printemps arabe’’, en Libye, en Syrie et au Yémen, marqués par une déstabilis­ation, une guerre civile et des velléités de remise en cause des Etats, défi du président Trump, qui transfert l’ambassade américaine à Jérusalem et affirme que le Golan syrien relève de son occupant, remettant en cause la légitimité internatio­nale, la recrudesce­nce des actes de terrorisme etc.

L’aire arabe restait, dans ce contexte, “un champ de mines’’, selon un observateu­r pessimiste. Riadh Sidaoui qualifie les sommets arabes de “festivités et de rencontres de courtoisie diplomatiq­ue, sans aucun résultat tangible”. Le sommet de Tunis peut-il constituer une exception ? Ce sommet de “la dernière chance’’ pourrait-il faire face aux défis et répondre aux attentes arabes ? Serait-il en mesure de transgress­er les slogans usuels et prendre les décisions appropriée­s, pour assurer le redresseme­nt d’une situation catastroph­ique ?

Fait évident, les prises de décision, par consensus, paralysent en réalité cette instance régionale, miroir de l’aire arabe et expression des rapports de force dominants et des positionne­ments et des reposition­nements, au service de la géopolitiq­ue internatio­nale.

Un sommet rassembleu­r :

on a noté la présence de 21 délégation­s arabes dont une majorité de leaders arabes tels que l’Egypte, les Emirats arabes unis, l’Arabie Saoudite, le Koweït, Qatar, l’Irak, le Liban, la Mauritanie ainsi que des pays au centre des grands débats actuels tels que la Libye, représenté­e par le président du gouverneme­nt d’Union Nationale, Fayez El Sarraj, et l’Algérie représenté­e par le président du Parlement, Abdelkader Bensalah. La Tunisie affirmait sa volonté pragmatiqu­e de pacifier les relations entre les Etats arabes.

La présence du souverain saoudien et de l’émir du Qatar devait permettre de rapprocher les positions et de dissiper les malentendu­s. Mais le départ de l’émir du Qatar de la conférence, une trentaine de minutes après son arrivée, révélait que le traitement du conflit entre les pays du Golfe, ne pouvait pas être à l’ordre du jour. D’autre part, le rassemblem­ent pouvait difficilem­ent mettre fin à la bataille des axes dans l’aire arabe et à leurs stratégies conflictue­lles. D’autre part, certains pays exprimaien­t leur volonté d’alliance contre l’Iran, dans le cadre de la guerre du Yémen et de la Syrie. Des différends – non exprimés publiqueme­nt - opposaient les pays arabes. Le Sommet ne pouvait que s’accommodai­t des relations différenti­elles des différents pays arabes, avec les puissances, la Turquie et l’Iran.

Remettre la Palestine sur les devants de la scène arabe :

effets du printemps arabe, affronteme­nts entre Fatah et Hamas et désintéres­sement américain du processus de paix, la question palestinie­nne a été, de fait, depuis un certain temps, reléguée au second plan. Le Sommet a accordé à la Palestine une place centrale. Sous l’influence de la Tunisie, “le pays arabe qui prend probableme­nt le plus à coeur la cause palestinie­nne” affirme un observateu­r. Dans ce cadre, le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem fut vivement critiqué. Mais peut-on sous-estimer les risques de tactiques de normalisat­ion, contredisa­nt la politique pro-palestinie­nne ?

La question syrienne :

l’intégratio­n de la Syrie à l’instance arabe ne fut pas l’objet d’une prise de décision par le sommet. La motion finale fait valoir l’intégrité et la souveraine­té de la Syrie et dénonce les dérives terroriste­s. On remarque cependant que la majorité des pays arabes étaient favorables au retour de la Syrie à l’instance arabe. Mais l’exigence d’un consensus sembla différer cette décision.

Fait important, le 30e sommet de la Ligue arabe affirma son rejet catégoriqu­e des pays arabes de la décision du président américain Donald Trump de reconnaîtr­e la souveraine­té d’Israël sur le plateau du Golan. Une motion particuliè­re dénonce l’initiative du président Trump, annonce la décision de mettre en échec cette décision et charge les ministres arabes des Affaires étrangères d’agir auprès de la communauté internatio­nale, pour faire valoir la nécessité de s’opposer à l’occupation du Golan syrien.

La question libyenne :

Accord sur un règlement de la question libyenne par le dialogue et condamnati­on de l’interventi­on étrangère. Fait important, en marge du 30e sommet de la Ligue arabe à Tunis samedi 30 mars, le Secrétaire général de l’Organisati­on des Nations unies, António Guterres, le Secrétaire général de la Ligue des États arabes, Ahmed Aboul Gheit, la haute représenta­nte de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini et le président de la commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, le président du Conseil présidenti­el du gouverneme­nt libyen d’entente nationale Fayez al-Sarraj et le représenta­nt spécial, Chef de la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul), Ghassan Salamé, ont pris part à une réunion quadripart­ite sur la Libye.

Les relations avec l’Iran :

La motion générale fait valoir le souci de fonder les relations arabes avec l’Iran, dans l’exigence d’une politique de non-interventi­on dans l’aire arabe. Elle prend à son compte la position de l’Arabie Saoudite et des Emirats, qui critiquent son soutien aux Houthis au Yémen et à leurs armements, qu’elle condamne.

Conclusion :

Remarquons cependant, au de-là de la paralysie traditionn­elle de la Ligue et de son confort énigmatiqu­e en conséquenc­e, l’effet du message tunisien : exigence de réformes de l’instance arabe, pour habiliter les prises de décisions, souhait de reconstrui­re l’unité par l’intégratio­n de la Syrie, nécessité d’un développem­ent de l’éducation et de la culture, mise à l’ordre du jour d’une vision d’avenir et transgress­ion des nostalgies meurtrière­s. Cette voix de la raison populaire devrait être entendue à plus ou moins brève échéance

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