L'Economiste Maghrébin

le Droit Du plus fort est… plus fort que jamais

Après Jérusalem, Trump récidive avec le Golan

- Hmida Ben Romdhane

Difficile de croire à une coïncidenc­e. Juste quelques heures avant que Trump ne décide par un simple tweet que le Golan syrien est un « territoire israélien », la justice israélienn­e a annoncé son intention d’ouvrir une autre enquête, encore une, en relation avec une autre affaire de corruption dont est accusé le Premier ministre Benyamin Netanyahu.

En effet, à côté des nombreuses casseroles bruyantes et puantes que Netanyahu traîne derrière lui depuis des années, vient s’ajouter une autre contenant 4 millions de dollars qu’il a engrangés dans une transactio­n avec la compagnie allemande Thyssen-Krupp, celle-là même que Netanyahu a choisie pour acheter des sous-marins et des corvettes pour l’armée israélienn­e…

Certes, Trump, sous les pressions conjuguées de son gendre Jared Kushner, de son conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, et de son secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, a annoncé qu’il se préparait à reconnaitr­e la souveraine­té d’Israël sur les hauteurs du Golan. Mais le fait qu’il ait publié son ‘tweet’ prématurém­ent, démontre le besoin de noyer au plus vite l’informatio­n sur la nouvelle affaire de corruption, d’autant que Netanyahu est en pleine campagne électorale pour les élections législativ­es du 9 avril.

Cela dit, en donnant encore une fois ce qu’il ne possède pas à celui qui ne mérite pas, comme on l’a dit il y a quelques mois pour Jérusalem, Trump s’est plus ridiculisé qu’il n’ait rendu service à son ami Netanyahu. Il a plus endommagé l’image, déjà au plus bas, de son pays qu’il n’ait servi les intérêts d’Israël.

Que Trump fanfaronne devant les caméras en montrant, comme à l’accoutumé, sa signature grotesque d’une décision qu’aucun pays au monde ne reconnaît, cela ne change rien à la réalité des choses. Le Golan, tout comme Jérusalem-Est, reste un territoire occupé par Israël en violation des lois internatio­nales et des convention­s de Genève.

Que Netanyahu arbore un large sourire, applaudiss­e, embrasse son idole et se confonde en remercieme­nts, cela ne change rien au fait que l’inadmissib­ilité pour tout pays d’agrandir son territoire par la force demeure un principe fondamenta­l de l’ordre internatio­nal inscrit dans la Charte des Nations unies et dans les innombrabl­es résolution­s du Conseil de sécurité et réaffirmé à maintes reprises par la Cour Internatio­nale de Justice.

Avec Bush fils en 2002-2003 et Trump en 2018-2019, le mépris affiché par les Etats-Unis à l’égard de la loi internatio­nale n’a jamais été aussi élevé et la réputation de la puissance américaine n’a jamais été aussi basse, aussi ternie et aussi honnie par la plupart des pays et des peuples de la planète.

Nous avons déjà vu cela en 1981 quand le gouverneme­nt de Menahem Begin a décidé d’annexer le Golan. La condamnati­on de cet acte de banditisme israélien de la part de la Communauté internatio­nale ne s’est pas fait attendre. Aussitôt le Conseil de sécurité adopta à l’unanimité la résolution 497 qui stipule que « la décision d’Israël d’imposer ses lois, sa juridictio­n et son administra­tion sur les hauteurs du Golan syrien occupé est nulle et non avenue et sans effet légal internatio­nal ».

En reconnaiss­ant l’annexion par Israël du Golan syrien, Trump reconnaît donc une décision considérée par le monde entier comme nulle et non avenue et sans effet légal internatio­nal, et cela pose de

nouveau un grave problème : non seulement l’empire américain, de par sa puissance militaire, a choisi de se mettre au-dessus des lois internatio­nales, mais fait tout pour que son principal allié moyen-oriental, pour ne pas dire son appendice au Moyen-Orient, agisse et se comporte en hors-la-loi.

Sur plus de 200 pays dans le monde, deux seulement ont choisi de tourner le dos à la loi internatio­nale et de se comporter comme bon leur semble. Il faut dire que depuis des décennies les EtatsUnis entretienn­ent avec la loi internatio­nale la même relation que l’enfant entretient avec son jouet. Celui-ci prend son jouet quand il veut et le jette quand il n’en a plus envie. Il en est de même des Etats-Unis : ils remuent ciel et terre, sortent de leurs gonds et s’étranglent de colère quand l’un de leurs ennemis prend la moindre liberté avec la loi internatio­nale, mais lui tournent le dos, l’ignorent et la méprisent chaque fois qu’eux-mêmes ou leur allié israélien sont tenus de l’appliquer.

Avec Bush fils en 2002-2003 et Trump en 2018-2019, le mépris affiché par les Etats-Unis à l’égard de la loi internatio­nale n’a jamais été aussi élevé et la réputation de la puissance américaine n’a jamais été aussi basse, aussi ternie et aussi honnie par la plupart des pays et des peuples de la planète.

La décision de Bush fils de dévaster l’Irak , de tuer des centaines de milliers de personnes, de déraciner et d’appauvrir son peuple, et la décision de Trump de reconnaîtr­e l’annexion par Israël de territoire­s qui ne lui appartienn­ent pas s’apparenten­t à un complot contre le précieux héritage juridique et institutio­nnel que l’humanité avait commencé sérieuseme­nt à accumuler et à enrichir depuis le traité de Westphalie du 24 octobre 1648, communémen­t considéré comme l’acte fondateur de l’Etat-nation et surtout comme la première tentative de mettre hors la loi le droit du plus fort.

Près de quatre siècles après le traité de Westphalie, le droit du plus fort est…plus fort que jamais à cause de la petitesse, la suffisance, l’arrogance, l’égotisme et, en un mot, la stupidité d’une classe de politicien­s qui, parce qu’ils disposent d’une armée puissante, se croient tout permis sur terre.

La stupidité atteint des sommets quand, pour justifier sa reconnaiss­ance de l’annexion du Golan syrien par Israël, l’actuel président américain n’a pas hésité à dire que « la reconnaiss­ance de la souveraine­té israélienn­e sur les hauteurs du Golan est d’une importance stratégiqu­e capitale pour la sécurité de l’Etat d’Israël et pour la stabilité régionale. »

Oui, vous avez bien lu. Dans l’esprit trumpien, si Israël n’annexait pas les territoire­s qu’il occupe par la force depuis 52 ans et n’y exerçait pas sa souveraine­té, sa sécurité serait en danger et la stabilité régionale partirait en fumée. Voilà le niveau intellectu­el et politique des dirigeants que produit aujourd’hui la plus grande puissance de tous les temps !!!

Concernant la sécurité d’Israël, il est peu probable qu’il y ait un seul Israélien, y compris Netanyahu, pour croire que l’annexion du Golan arrêterait les attentats-suicide ou dévieraien­t de leur trajectoir­e les missiles qui viseraient Israël.

Quant à la stabilité régionale, il y a bien longtemps qu’Israël et les Etats-Unis, de par leurs politiques arrogantes basées exclusivem­ent sur l’argument de la force, ont fait voler en éclats.

Les tweets futiles de Trump n’apportent ni sécurité pour Israël, ni stabilité pour le Moyen-Orient. Ils ne font qu’aiguiser la haine et la rancoeur dans une région qui n’en a que trop souffert.

Le plus extraordin­aire est que tout en s’alignant sur Israël plus étroitemen­t encore que tous ses prédécesse­urs, Trump se prépare apparemmen­t à annoncer son « accord du siècle » (d’aucuns disent que ce sera après les élections israélienn­es du 9 avril). Nul besoins d’être devin pour avoir une idée du contenu de cet « accord du siècle » que les Arabes sont appelés à avaliser.

Dans l’état où se trouvent les Arabes, pourquoi Trump hésiterait-il à leur imposer un accord qui se résume en cette idée géniale : Israël occupe vos terres depuis 52 ans, n’arrête pas d’opprimer le peuple palestinie­n et d’agresser ses voisins, mais ce n’est pas lui votre ennemi, mais l’Iran.

S’étonnera-t-on après cela qu’un jour Trump (ou son successeur), sans doute dans un souci de renforcer davantage « la sécurité d’Israël et la stabilité régionale », reconnaiss­e la souveraine­té israélienn­e sur la Cisjordani­e ?

Près de quatre siècles après le traité de Westphalie, le droit du plus fort est…plus fort que jamais à cause de la petitesse, la suffisance, l’arrogance, l’égotisme et, en un mot, la stupidité d’une classe de politicien­s qui, parce qu’ils disposent d’une armée puissante, se croient tout permis sur terre.

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Donald trump et Benyamin Netanyahou
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jamais été aussi ternie et son image aussi désastreus­e.
Grâce à Bush fils et à Trump, la réputation de l’Amérique n’a jamais été aussi ternie et son image aussi désastreus­e.

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