Repenser les politiques de santé un tunisie Défi De taille pour la
Suite au séisme qui a frappé de plein fouet la santé publique et l’ensemble du pays par le décès de 15 nouveaunés dans un hôpital de la capitale, le voile a été levé sur les nombreuses difficultés et les insuffisances auxquelles fait face ce secteur. Le choc a délié les langues qui n’hésitent plus à dénoncer actuellement un fonctionnement général défaillant, et des conditions de travail devenues insoutenables.
A l’occasion d’un débat participatif sur la santé publique, organisé à l’initiative du chef du gouvernement et qui a regroupé l’ensemble des représentants du corps médical, un plan d’action en urgence a été débattu pour sauver la santé publique d’une faillite imminente.
Les participants se sont concertés sur les problématiques et ont proposé une pléthore de solutions, dans la perspective d’une refonte du système de santé. Le financement du système de santé a fortement été évoqué, notamment par le biais de la réactivation du fonds d’appui à la santé publique.
Néanmoins, si la nécessité de mobiliser tous les moyens et les efforts pour lutter efficacement contre les maladies est indéniable, il semblerait que les « attaques de front » menées seules ne soient pas la meilleure des stratégies. Certaines alternatives moins coûteuses et souvent faciles à mettre en place pourraient en effet constituer un axe intéressant d’intervention, dont parmi elles la prévention.
Cette approche trouve en effet toute sa place dans un contexte actuel où l’on assiste à une explosion de maladies chroniques et dégénératives.
D’après des estimations récentes, la Tunisie compte environ 2 millions d’hypertendus, 1 million de diabétiques, 15 000 nouveaux cas de cancer par an, 10 000
cas d’insuffisance rénale chronique. Ces maladies pourtant évitables représentent à elles seules 82 % des causes de l’ensemble des décès et près de 65 % des dépenses nationales de santé. Ces chiffres, déjà préoccupants, risquent de grimper davantage dans un avenir proche.
Les interrogations se portent de ce fait sur la manière dont le secteur de la santé devra répondre à une demande croissante de soins, pour des maladies coûteuses qui s’inscrivent sur la durée et qui exposent à bon nombre de complications.
Des réponses sont proposées dans un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé, intitulé « Saving lives, Spending less : a strategic response to NCDs » [Sauver des vies, dépenser moins: une riposte stratégique face aux maladies non transmissibles] qui révèle les besoins de financement et les retours sur investissement des politiques de l’ OMS les plus rentables et les plus réalistes possibles pour protéger les populations contre les maladies non transmissibles, principales causes de morbidité et de mortalité dans le monde.
Ce document montre l’efficacité d’une nouvelle approche qui privilégie la prévention, la mise en place d’une prise en charge de plus en plus ambulatoire et proximale, le volet d’accompagnement social, ainsi que le développement des politiques de promotion de santé. Ce rapport indique que chaque dollar américain investi dans la mise en oeuvre à grande échelle d’interventions ciblant les maladies non transmissibles dans les pays à revenu faible ou intermédiaire va générer pour la société un gain d’au moins 7 dollars (US $) en développant l’emploi, en augmentant la productivité et en allongeant la durée de vie.
Ainsi le rapport indique que « chaque dollar $ investi dans un domaine précis permettrait d’obtenir les rendements indiqués ci-après : 12,82 dollars $ en encourageant une alimentation saine ; 9,13 dollars $ en réduisant l’usage nocif de l’alcool ; 7,43 dollars $ en diminuant le tabagisme ; 3,29 dollars $ en proposant un traitement médicamenteux pour combattre les maladies cardiovasculaires ; 2,80 dollars $ en augmentant l’activité physique ; 2,74 dollars $ en prenant en charge le cancer ».
Néanmoins, malgré leur efficacité qui ne fait pas l’ombre d’un doute , ces interventions ne suscitent que très peu l’intérêt des décideurs politiques. Serait-ce peut-être dû au fait que leurs effets attendus ne soient visibles qu’après plusieurs années ? Pour encourager davantage leur mise en oeuvre, il semble par conséquent nécessaire d’estimer de manière rationnelle le coût/ efficacité de chaque intervention et d’indiquer de la manière la plus explicite leur rentabilité financière mais également sur le plan sanitaire.
Il est temps d’agir dans ce sens et de rompre avec le schéma classique d’une médecine purement curative privilégiée au détriment de la prévention car, en effet, des études récentes ont montré que dans les quinze prochaines années les maladies non transmissibles coûteront aux pays à revenu faible ou intermédiaire plus de 7000 milliards de dollars de pertes au niveau des revenus nationaux.
A la Tunisie de saisir l’occasion qui se présente à elle de repenser ses politiques de santé et de mettre en place toutes les mesures nécessaires pour relever tous ces nouveaux défis