La Bct un partenaire Du pouvoir exécutif
Charnière, à plus d’un titre, l’année 2020 semble celle de tous les défis… mais aussi d’opportunités à saisir. L’enthousiasme accompagnant les changements politiques est tel que des actions économiques et financières se doivent, inéluctablement, de l’accompagner. Cette flamme il faut la raviver et l’entretenir. Désormais, « le temps économique » devrait avoir un intérêt prépondérant. La Banque Centrale de Tunisie, dans les limites de ses prérogatives, n’en sera pas en reste : l’effort de maîtriser l’inflation est un engagement irrévocable. Idem pour la collaboration, vertueuse, avec le Gouvernement dans le sens de la consolidation d’une coopération autour de la policy-mix ou le dosage macroéconomique.
En effet, la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a entamé son premier Plan Stratégique triennal (2019 – 2021) qui a pour objectif d’en faire une « Banque Centrale moderne, proactive et efficiente à l’avant-garde des transformations économiques et financières ». Ce Plan est un levier d’amélioration continue de la BCT dans la réalisation de ses missions. Il s’agit d’une feuille de route à moyen terme contribuant à l’ancrage des anticipations des différentes parties prenantes, et ce, dans un environnement économique transparent et prévisible. En effet, une meilleure compréhension de la stratégie de la BCT par les banques de la place ainsi que par les différents partenaires économiques et sociaux permettrait de renforcer la gouvernance et d’améliorer l’efficacité dans la prise des décisions.
Dans ce sillage, l’ascension de l’économie numérique et la vulgarisation des modes de paiement électronique suscitent une attention particulière aux risques inhérents à la cyber-sécurité d’où l’utilité que les banques centrales revoient leurs rôles et convergent ainsi vers les fondamentaux de la troisième révolution industrielle. Cette idée cadre, en quelque sorte, le travail de l’Institut d’émission pour la phase à venir.
Politique monétaire
Investie d’un mandat qui consiste principalement à préserver la stabilité des prix, et anticipant la hausse de l’inflation, la BCT a progressivement resserré sa politique monétaire, et ce, depuis 2017. Son leitmotiv étant « tout, sauf l’inflation » !
La dernière augmentation, intervenue en février 2019 et accompagnée d’une communication ciblée, a permis de mieux ancrer les attentes des agents économiques et de réduire progressivement la pression sur les prix.
Les observateurs ont crié haro quant à l’approche de plus en plus restrictive de la politique monétaire, qui associée à un assèchement de la liquidité, s’est rapidement étendue aux taux bancaires. La rapidité relative de la transmission a été favorisée par la pratique de l’indexation de la plupart des taux débiteurs sur le taux du marché monétaire.
D’ailleurs, cette politique monétaire restrictive a permis d’alléger la pression sur le taux d’inflation, qui a été ramené de 7,7% en juin 2018 à 6,7% en septembre 2019, et de ramener l’intervention de la BCT en matière de refinancement à des niveaux plus raisonnables, ce qui lui confère dans la période à venir plus de marge afin de soutenir les investissements productifs et partant une croissance saine.
En adoptant une politique monétaire restrictive, la BCT entend ramener progressivement l’inflation à sa moyenne de long terme, favorisant ainsi le rétablissement des équilibres macroéconomiques. La Banque Centrale prévoit un taux d’inflation moyen de 6,9% pour l’ensemble de l’année 2019 contre 7,3% en 2018.
Face aux défis prévus pour les prochaines années, la Banque centrale a érigé « l’établissement d’un cadre de gouvernance clair, transparent et crédible pour mener la politique monétaire » comme objectif stratégique. Dans le cadre de son Plan Stratégique (2019-2020), la BCT a lancé un projet visant l’amélioration du cadre stratégique et opérationnel de la politique monétaire en conformité avec les meilleures normes et pratiques internationales. Ce projet porte, essentiellement, sur la mise en oeuvre d’une stratégie pour la conduite de la politique monétaire, l’établissement d’un cadre de gouvernance conforme aux normes internationales et la formalisation du processus décisionnel. Le
projet permettra également l’organisation du dispositif d’analyse et de prévisions (DAP ou FPAS en anglais) et la mise en place d’un dispositif de communication pour la politique monétaire. Cette approche englobera des mesures portant, également, sur les aspects opérationnels de la conduite de la politique monétaire afin de consacrer le taux d’intérêt en tant qu’instrument privilégié pour mener la politique monétaire.
Politique du taux de change
Depuis mars 2019, le marché des changes a fonctionné dans des conditions relativement apaisées grâce à l’amélioration des conditions de l’offre en devises ; d’une part en relation principalement avec la bonne performance des recettes touristiques et une meilleure évolution de la demande, d’autre part, en relation avec les restrictions monétaires. Ceci n’a pas manqué d’impacter les anticipations des agents économiques et engendrer un retracement de la monnaie nationale qui a pu récupérer près de 10% de sa valeur. Cette fluidité avec laquelle le dinar a pu gagner en résilience n’aurait pas été possible sans la réforme du marché des changes introduite depuis 2012. Elle a permis de favoriser les mécanismes de marché pour effectuer les ajustements de la valeur du dinar, ce qui a garanti une meilleure efficience en matière de conduite de la politique du taux de change de la BCT.
Le maintien de ce cap en matière de change est tributaire d’une bonne dynamique d’offre en devises à travers notamment la poursuite de l’évolution positive du secteur touristique conjugué à une bonne récolte de dattes et de blé ainsi qu’une récolte oléicole prometteuse. Mais, est, également, tributaire d’un apaisement de la demande de devises moyennant notamment l’entrée en production des champs Nawara et Halk El Menzel qui devraient contribuer à alléger le poids de la facture énergétique.
Renforcement de la supervision bancaire
L’élan de réformes, entamé à la BCT, depuis 2011, a indéniablement contribué à l’ancrage au niveau du secteur bancaire de « best practices ». Dans ce sens, la BCT ambitionne la transmission de cet ancrage par le canal bancaire aux opérateurs économiques. L’objectif étant d’améliorer le climat des affaires, condition sine qua non pour booster l’investissement.
Aussi, l’objectif stratégique du programme de réformes de la réglementation bancaire, amorcé par la BCT, est de converger vers les standards internationaux afin d’améliorer les conditions de concurrence, de gouvernance et de transparence de l’industrie bancaire. Il s’agit, également, de conférer à la BCT les outils indispensables à l’exercice efficace de son mandat de surveillance prudentielle.
En tant que superviseur, dans le but de se conformer progressivement aux principes de Bâle pour une supervision bancaire efficace et assurer les fondements d’une supervision basée sur les risques, la BCT a mis en oeuvre un processus de renforcement de l’efficacité opérationnelle de la supervision bancaire.
Reporting financier : IFRS
L’année 2020 est, aussi, celle de la convergence du cadre prudentiel tunisien vers les standards bâlois et l’adoption à l’horizon 2021 des normes IFRS par les banques et les établissements financiers.
En effet, dans le cadre du renforcement de sa gouvernance, la BCT s’est engagée dans un projet de préparation de la migration vers les normes IFRS. La première phase, dite d’évaluation, permettra d’analyser les gaps du système actuel par rapport aux exigences des normes IFRS. Il en découlera une feuille de route avec un calendrier détaillé des actions à entreprendre par la BCT pour la mise à jour des systèmes d’information comptable et de gestion ainsi que les procédures comptables de la Banque. A l’horizon 2021, la BCT sera édifiée quant à ses capacités à engager cette transition et sera fixée tant sur les délais que sur les moyens nécessaires pour finaliser la migration.
Ce processus de réformes, engagé depuis plus de cinq années, devrait contribuer à une restructuration du secteur bancaire à engager dès 2020 et qui devrait aboutir à une reconfiguration du paysage bancaire afin de favoriser un financement adéquat de l’économie et offrir un meilleur service à la clientèle bancaire.
Flux internationaux de capitaux
La libéralisation des relations financières avec l’étranger est un processus irréversible. La volonté d’aller de l’avant dans l’externalisation de l’économie tunisienne n’a pas fléchi malgré une conjoncture délicate. Pour sa part, la Banque Centrale de Tunisie demeure convaincue du fait que l’accès à l’international sous toutes les formes possibles relèverait de la survie de l’économie nationale.
La liberté des mouvements de capitaux est une orientation nationale stratégique. Et la Banque Centrale de Tunisie y adhère
et s’y inscrit ! L’Institut d’émission a oeuvré, avec succès, pour la création d’un comité interdépartemental élargi en vue de discuter et de fixer les grandes lignes d’une refonte totale de la réglementation des changes. Cette démarche devrait déboucher sur l’adoption de la libéralisation progressive du compte capital.
Politique de la BCT en matière de Decashing
Parmi les défis que la BCT oeuvre à relever, le Decashing figure en bonne place. Certes, la problématique du cash ne concerne pas uniquement la BCT mais dépasse ce cadre, pour constituer un défi majeur pour les autorités publiques et les opérateurs de l’économie numérique. Toutefois, le regain manifeste de la préférence pour le cash renforce la spirale de fuite des BMC et la demande accrue de fournir plus de cash par la Banque centrale. Ceci a eu comme conséquence directe un manque à gagner des recettes fiscales de l’Etat, une dégradation de la liquidité bancaire
et des menaces sérieuses pour la stabilité financière et sociale du pays. D’où l’enclenchement d’actions urgentes concernant la réduction du cash et l’optimisation des systèmes et moyens de paiements associant la BCT et les opérateurs financiers et techniques.
Le rôle des autorités publiques est fondamental dans la réussite du processus de Decashing. Pour sa part, l’approche préconisée par la BCT repose sur trois axes principaux, à savoir l’amélioration de l’écosystème des paiements, la promotion de l’inclusion et de l’éducation financière et la digitalisation de l’administration.
Ceci exige, en premier lieu, l’optimisation des systèmes de paiements actuels pour booster l’usage des moyens de paiement électroniques existants et les moderniser, en agissant sur les performances, la sécurité, la disponibilité des services et le contrôle des transactions et, en second lieu, le développement, la diversification et l’intensification de l’offre de nouveaux services de paiement digitaux.
La promotion de la finance digitale est un vecteur considérable susceptible de ramener l’argent circulant de main à main à l’intérieur du système financier. La digitalisation des paiements contribue à l’inclusion financière d’une large partie de la population en lui ouvrant la voie pour la souscription à des produits d’épargne, de placement ou d’assurance et lui faciliter l’accès à certaines formes de crédits.
A ce titre, le rôle des établissements de paiement est de prime importance : ces acteurs vont effectuer, en plus du cash in et cash out, tous les types de paiement électronique dont les virements, les prélèvements unitaires et permanents, les paiements par cartes via TPE et/ou internet, le paiement mobile par USSD et /ou par applications smart, les paiements sans contact par NFC (near field communication) et/ ou QR codes (quick response code). D’autres actions concerneront l’encouragement de l’épargne, la promotion de la finance et du paiement digital et la diversification et la dynamisation de l’offre des services financiers digitaux par l’introduction de nouveaux types d’acteurs sur le marché. Ces actions contribueront en outre à renforcer l’inclusion financière.
En tant que garant de la stabilité, de l’efficacité et de la sécurité des systèmes de paiement, la BCT est en train de développer une approche d’optimisation et de meilleure utilisation des
L’Institut d’émission a oeuvré, avec succès, pour la création d’un comité interdépartemental élargi en vue de discuter et de fixer les grandes lignes d’une refonte totale de la réglementation des changes. Cette démarche devrait déboucher sur l’adoption de la libéralisation progressive du compte capital.
systèmes de paiement existants par la promotion de l’adoption et de l’usage de la monétique (carte et téléphone). Cette action fait intervenir plusieurs partenaires comme la SMT, l’APTBEF, l’UTICA et l’Administration Publique qui adhérent parfaitement à cet objectif national. Initiatives de la BCT pour promouvoir les Fintech en Tunisie
La BCT ne peut pas être isolée de son environnement. Ainsi, être au diapason des changements technologiques revêt un caractère stratégique. Dans ce cadre, la BCT tend à exploiter toutes les opportunités qu’offrent les technologies dédiées à la finance (FinTech). Consciente des opportunités offertes par les Fintech, tout en étant préoccupée par la surveillance des risques potentiels inhérents aux solutions financières innovantes, l’approche de la BCT, dans ce sens, consiste à se positionner comme « facilitateur » envers cet écosystème.
Dans ce sillage, plusieurs initiatives ont été enclenchées depuis 2019 et dont les livrables effectifs seront concrétisés vers le début de l’année 2020. Il s’agit, notamment, de lancer un site Web et une application de gestion d’une base de données des
Fintech tunisiennes. L’objectif de cette initiative est de donner une visibilité externe aux Fintech tunisiennes et aux initiatives de la BCT au profit de ces acteurs.
Parallèlement, la BCT est en phase de finalisation des points cruciaux avant l’implémentation effective de la Sandbox réglementaire prévue pour le début de l’année 2020 ; avec l’appui de la Banque Mondiale. L’idée fondamentale de la Sandbox
réglementaire est de prévoir un espace sécurisé pour tester en grandeur réelle des solutions innovantes avec des clients volontaires et pour une période limitée dans le temps sous la surveillance de la BCT. Cette initiative permettra au régulateur la compréhension de la complexité de la technologie utilisée dans l’innovation financière ainsi que l’ajustement en cas de besoin du cadre réglementaire. Aussi, cette initiative permettra aux Fintech de s’aligner aux exigences réglementaires en vigueur.
L’année 2020 verra aussi l’entrée en production du «BCT-Lab».
Il s’agit d’un espace dédié à un laboratoire ou une plateforme technique moderne permettant à la BCT de faire des appels à candidature aux Fintech pour digitaliser certains de ses processus internes.
De par la spécificité de l’environnement dans lequel elle évolue, la BCT, tout en demeurant attachée au principe de son indépendance, notamment dans la conduite de la politique monétaire et de taux de change, reste un partenaire du pouvoir exécutif. De par son Statut, lui confiant le droit « d’agir en qualité de conseiller financier du gouvernement (…)» la BCT a oeuvré et continuera à oeuvrer dans les limites des prérogatives qui lui ont été conférées par le législateur dans l’effort national visant à consolider la résilience de l’économie tunisienne et la prémunir contre d’éventuels risques