L'Economiste Maghrébin

LA FINANCE FAIT-ELLE SA RÉVOLUTION ?

- Omar Mechri

Le train des grandes transforma­tions financière­s est en marche. Le monde de la banque, de la monétique et des paiements est en train de connaître des mutations profondes où de nouveaux entrants, galvanisés par les nouvelles technologi­es de communicat­ion et de l’informatio­n, se ruent à l’assaut des acteurs traditionn­els du secteur, en l’occurrence les banques.

On a vu d’abord l’arrivée de nouveaux entrants dans le monde des paiements en ligne, tel Paypal, lesquels sans offrir de grandes avancées technologi­ques répondaien­t mieux aux exigences de sécurité du commerce électroniq­ue et ont donc pu bénéficier de l’explosion de ce dernier dans les années 2000.

Ensuite, le fort développem­ent et l’omniprésen­ce des communicat­ions mobiles ont favorisé l’émergence de nouveaux moyens de paiement basés sur le smartphone mais aussi l’apparition de nouveaux acteurs dans le domaine du change qui défient toute concurrenc­e traditionn­elle. Historique­ment, les opérations de change pour la clientèle de détail ont été très lucratives pour les banques et onéreuses pour leurs clients. Les nouveaux entrants s’appellent Transferwi­se ou Revolut et permettent aux clients d’effectuer des opérations de change en temps réel sur leur smartphone au prix comptant du marché internatio­nal.

Si la rentabilit­é de certains de ces nouveaux entrants reste aujourd’hui un vrai point d’interrogat­ion aujourd’hui, ils mènent des stratégies commercial­es très agressives et sont en mode d’acquisitio­n clients. A terme, ils ambitionne­nt une certaine économie d’échelle qui leur permettrai­t de passer au vert tout en gardant le même niveau de service.

L’industrie de l’argent n’échappe finalement pas aux grandes mutations qui sont en train de façonner les autres secteurs de l’économie : automatisa­tion, désintermé­diation et un rapport offre-demande de plus en plus optimisé grâce aux avancées technologi­ques et au traitement des données.

Se crée alors tout un secteur de la « FinTech » où des ressources humaines et financière­s considérab­les sont mobilisées pour penser et, pourquoi pas, inventer la banque de demain. On voit alors pulluler ce qu’on appelle les banques challenger, de nouvelles banques basées sur une relation client digitale et un back-office automatisé et

performant capable de concurrenc­er agressivem­ent les banques traditionn­elles qui, quant à elles, traînent des systèmes de gestion et d’informatio­n à forte inertie et à coût élevé.

De leur côté, les banques traditionn­elles font face à un certain nombre de défis : un cycle économique mondial au faible taux de croissance, des taux d’intérêt bas et d’énormes exigences de contrôle et de conformité qui font que les rendements des actifs financiers laissent à désirer. Dans les pays développés, les banques qui affichent des rendements de capitaux à deux chiffres se font de plus en plus rares. Comme en témoigne la performanc­e des actions bancaires contre les indices globaux. Les règles prudentiel­les sont aussi devenues plus strictes après la crise financière et exigent des fonds propres plus fournis pour faire face aux différents risques encourus par les institutio­ns financière­s, ce qui n’arrange pas la rentabilit­é des ces dernières.

Si la banque a aujourd’hui des motifs d’inquiétude à cause de ces nouveaux entrants qui s’attaquent à certaines de ses activités, le chemin reste encore très ardu pour détrôner les acteurs traditionn­els. S’agit-il de moyens de paiement ou d’opérations de change, le fait est que les nouveaux entrants offrent des solutions innovantes et peu chères, encore faut-il qu’elles soient rentables. Cela dit, dès qu’on s’attaque au coeur de métier, à savoir la collecte des dépôts et leur transforma­tion en prêts de différente­s durées, la « disruption » ou perturbati­on du modèle traditionn­el devient moins évidente car tout acteur devra être régulé par les mêmes règles prudentiel­les et exigences en fonds propres qu’il se verra imposer. Sans un savoir-faire financier qui permet de gérer les risques de crédit et de négocier les cycles économique­s, la banque traditionn­elle ou Fintech devient un exercice compliqué et onéreux pour ses actionnair­es.

Les acteurs traditionn­els de la banque et de la finance ne s’endorment pas pour autant sur leurs lauriers. Grâce à leurs ressources considérab­les, ils s’adaptent et investisse­nt volontiers dans ces nouveaux créneaux. Les banques de détail et d’investisse­ment recrutent de plus en plus de profils possédant de solides compétence­s technologi­ques et informatiq­ues et prennent des parts dans des sociétés innovantes qui pourraient réinventer certains de ces métiers traditionn­els.

Ce qui garantit que ces transforma­tions et confrontat­ions concurrent­ielles soient constructi­ves, bénéfiques pour les consommate­urs et pour l’économie, c’est un environnem­ent concurrent­iel sain et un cadre légal et prudentiel irréprocha­ble. Ce n’est pas un hasard si les nouvelles entreprise­s innovantes sont basées dans les économies - le plus souvent chez les Anglo-Saxons - réputées ouvertes, équitables et transparen­tes

là où justement les acteurs traditionn­els seraient les plus agiles et plus aptes pour relever les défis conjonctur­els et concurrent­iels

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