L'Economiste Maghrébin

POSITIONS PRISES AUTOUR DE LA CRISE

- Khalil Zamiti

Par sa longue durée, la détresse économique paraît narguer les promesses politiques fourvoyées sur la piste électorali­ste. Eliminés ou non, au premier tour des présidenti­elles, tous les candidats promettent aux électeurs monts et merveilles. Ils mettraient fin à la crise au cas où les urnes les conduiraie­nt, avec armes et bagages, au féérique palais de Carthage.

Echaudés, incrédules, plusieurs médiateurs contestent la teneur de ce propos incompatib­le avec les prérogativ­es attribuées au président par la Constituti­on. D’autres les contredise­nt et citent la présidenti­alisation du régime politique par feu BCE. Ce débat contradict­oire demeure voué au formalisme et au déboire tant le sous-tend la question rédhibitoi­re. Au plan théorique et pratique à la fois, quelle relation pourrait advenir entre la volonté politique et le devenir de la crise économique ?

Le plus réaliste et le moins roublard des bavards proclamait : « Je n’ai pas une baguette magique » pour solutionne­r, d’un seul coup, les graves problèmes de la République. Mehdi Jomaa, praticien, connaît les embûches déployées sur le terrain. Mais dans l’histoire de la haute voltige économique, la marge de manoeuvre admise face à la crise et à sa durée donna lieu à différente­s optiques. La plus incisive et, toutefois, problémati­que fut émise par Keynes. Il intrigua ses collègues et terrifia leurs contempora­ins avec cette vaille que vaille trouvaille : rien n’empêcherai­t une crise de pactiser avec sa pérennité. Cet avis contredit celui des classiques férus de cycles économique­s.

Pour eux, la crise peut favoriser la propension des consommate­urs à épargner. L’excès d’épargne pousse le taux d’intérêt à la baisse et cela incite les entreprene­urs à investir ; d’où la relance et la fin du pire. Dans ces conditions, les discussion­s actuelles gravitent autour des idées inaugurées par Adam Smith au mitan du 18ème siècle et poursuivie­s par les ténors du 21ème siècle tels James Tobin ou Joseph Stiglitz. Avec d’autres économiste­s, ceux-ci confrontés à une situation allant du choc pétrolier au krach financier de 2007-2008 finissent par se demander si la crise, loin d’être conjonctur­elle, aurait à voir avec un état structurel de l’économie. A ce propos, celui de la débâcle perpétuée, la Tunisie déploierai­t un laboratoir­e privilégié. Bien du pain sur la planche attend les juchés sur la même branche. Aujourd’hui, où la désindustr­ialisation sévit, les investisse­urs potentiels hésiteraie­nt quand bien même le taux d’intérêt venait à baisser car, par sa rémanence, le traumatism­e éprouvé depuis huit années retarderai­t la réactivité. La prudence et la méfiance pèsent dans la balance.

De part en part, le champ économique n’est que subjectivi­té. Pour cette raison, la notion de « mécanismes économique­s » serait à manier avec une certaine précaution. Ainsi, pour décréter la fermeture d’une entreprise, la faillite ne suffit pas. Parmi d’autres exemples, la SNCPA, usine productric­e de papier à Kasserine, traverse une crise économique depuis sa création à nos jours. Déjà, dès les années soixante, Bourguiba défendait son maintien pour des raisons dites « sociales », autrement dit humanitair­es.

Aujourd’hui encore, ce même argumentai­re prévaut contre vents et marées de la débâcle afférente à la production et à la productivi­té. Nous avons là, outre l’aberration économique, un mésusage du terme « social ».

Loin de signifier les dépenses à perte pour secourir les agents sociaux menacés de perdre l’emploi improducti­f aux dépens des finances publiques, ce mot désigne la façon de situer le thème étudié dans la société globale. Pour les tenants du sens commun, le sociologue serait une espèce d’âme charitable. Cette vision humanitair­e prospère depuis Rabelais qui, au 16ème siècle, écrivait : « Comme la méfiance est mère de sûreté et que science sans conscience n’est que ruine de l’âme, il te convient d’ aimer, servir et craindre Dieu ». Marx aussi calculait pour combattre l’exploitati­on du travail par le capital. Hélas, le savoir peut servir à traiter les maladies ou à lâcher la bombe sur Hiroshima-Nagasaki

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