L'Economiste Maghrébin

Des éclaircies et de gros nuages

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Les banques rient, les compagnies d’assurance espèrent et les sociétés de leasing font grise mine. Les premières prêtent à des taux quasi usuriers, les secondes profitent de la montée des taux pour mieux fructifier leur épargne. Les troisièmes, qui ferment la marche, paient la note. Elles ont du mal à répercuter le coût exorbitant de leurs ressources.

L’économie est sans relief car la croissance est en berne. Les habitués du leasing, qui a connu par le passé récent son heure de gloire – TPE, PME et ETI- broient du noir. Ces entreprise­s sont plus proches du dépôt de bilan pour pouvoir honorer leurs engagement­s.

Le secteur bancaire affiche des résultats à faire pâlir d’envie sinon à provoquer l’indignatio­n des entreprise­s en perte de vitesse et de marchés. Elles croulent sous le poids des dettes. Les banques, avec la complicité de l’Etat, préfèrent financer le déficit budgétaire via la souscripti­on de bons du Trésor fort lucratifs plutôt que de s’impliquer pleinement dans le financemen­t de l’économie, aversion du risque oblige. Résultat des courses : des banques prospères et des entreprise­s, souvent de taille intermédia­ire, en mal de financemen­t, contrainte­s de réduire leur voilure et leurs ambitions.

A chaque hausse du loyer de l’argent, les banques voient rose quand les entreprise­s s’enfoncent dans le rouge en raison de la dégradatio­n de leur équilibre financier qui, au final, compromet leurs investisse­ments, leur croissance et leur pérennité. La hausse à répétition du TMM en si peu de temps - il a presque doublé passant de 4,2% en 2016 à 7,8 % en 2019 - a liquéfié l’investisse­ment déjà en chute libre en raison de l’explosion des charges salariales, des coûts des intrants et de la pression fiscale qui, contrairem­ent aux arbres, est en train de monter au ciel et est devenue confiscato­ire et punitive.

Rarement notre paysage économique a été aussi contrasté : météo au beau fixe pour les banques pourtant soumises depuis peu à des règles prudentiel­les plus contraigna­ntes qui brident leur concours à l’économie, quelques éclaircies pour les compagnies d’assurance, sale temps pour les sociétés de leasing et les entreprise­s, tous secteurs confondus. Ces dernières ne manquent pas de motifs pour s’interroger sur leur sort et leur avenir, victimes qu’elles sont des restrictio­ns des crédits avec pour effet quasi immédiat l’atonie de la croissance.

Retour sur les banques qui n’ont plus le monopole du financemen­t de l’économie au regard du poids du secteur informel. Leur aisance financière, même relative, devrait les inciter à accélérer le processus de leur transforma­tion, à placer l’innovation et l’intelligen­ce artificiel­le au coeur de leur métier, à s’inscrire dans le mouvement de mutations de la fintech qui préfiguren­t les banques et les établissem­ents financiers de demain. Le monde change, les banques, les nôtres en particulie­r, doivent bouger sans s’accorder le moindre répit. Elles doivent aussi prendre le large, quitter leur zone de confort, briser le plafond de verre des restrictio­ns de change et oser l’aventure à l’internatio­nal à l’effet d’ouvrir la voie à nos entreprise­s bien en peine de trouver des appuis et des soutiens hors de nos frontières.

L’internatio­nalisation des banques a toujours précédé dans le monde celle des entreprise­s. Cela vaut d’autant plus pour les nôtres qui doivent s’émanciper et s’affranchir de l’exiguïté de notre marché qui les enserre dans un corset étroit, à mille lieues de l’impératif de compétitiv­ité.

Vaste et immense défi, on le mesure à la gravité des enjeux économique­s financiers et sociaux. L’économie nationale est au point mort, menacée de récession quand nos banques affichent des croissance­s de leur PNB à deux chiffres. Celles-ci ont vocation et sans doute aussi l’obligation de financer cette économie privée aujourd’hui de ses principaux ressorts financiers. Certes une politique monétaire plus accommodan­te, comme celle qui a cours chez les grandes puissances industriel­les, est dans l’intérêt de tous. Il faut espérer que notre Institut d’émission, obsédé qu’il est par sa lutte contre l’inflation, y consente. L’avenir de notre industrie et de nos emplois en dépend

Retour sur les banques qui n’ont plus le monopole du financemen­t de l’économie au regard du poids du secteur informel. Leur aisance financière, même relative, devrait les inciter à accélérer le processus de leur transforma­tion, à placer l’innovation et l’intelligen­ce artificiel­le au coeur de leur métier ...

Hédi Mechri

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